Après Bilbao, Jeju et Buenos Aires, la municipalité métropolitaine d’Izmir a eu l’honneur d’organiser et accueillir, du 9 au 11 septembre 2021, le 4ème Sommet Culture de CGLU, l’Organisation Mondiale des Cités et Gouvernements Locaux Unis (United Cities and Local Governments - UCLG).
Des participants représentant les villes, les gouvernements locaux et les acteurs clés venus en Turquie des 4 coins de la planète, d’autres en visio-conférence, ont témoigné et échangé points de vue, réalisations et objectifs en matière de culture à tous les niveaux.
Pas moins de 6 séances plénières et 15 séances parallèles thématiques, dont certaines sous forme de Hub (plate-forme de concentration et de conversations) et d’ateliers, ont permis de partager expériences et projets, et de constituer des espaces de travail en réseau.
Deux objectifs majeurs ont marqué ce rendez-vous mondial ayant pour thème “La culture : façonner l’avenir” :
- Le renforcement des messages liés au rôle joué par la culture dans le développement durable à l’échelle locale. La pandémie a mis en évidence l’importance de son rôle, et renforcé l’invitation du guide pratique Culture 21 Actions approuvé en 2015 par CGLU à pleinement intégrer les questions culturelles dans ce développement.
La visibilité aux débats internationaux sur la culture, la ville et le développement durable, notamment par le biais de l’Agenda 2030, des objectifs de l’ONU, du Nouveau Programme pour les Villes, du “Pacte de CGLU pour l’Avenir de l’Humanité : pour les personnes, pour la planète et pour le gouvernement”, qui doit prendre forme en 2021 et 2022, porté par des valeurs de solidarité et d’égalité, par la culture et par des institutions responsables ne laissant personne ni aucun lieu de côté.
Jour 1 : jeudi 9 septembre
Parmi les innombrables présentations, l’auditoire a pris connaissance de la présence forte de la ville turque d’Edirne sur les différentes listes du patrimoine mondial matériel et immatériel de l’UNESCO, de la réalisation en cours d’un monument antiracisme à Malmö (Suède), des actions entreprises par l’association Intach à New Delhi (Inde) pour vivre les projets culturels, familiariser le peuple avec son patrimoine et en être fier.
Outre la suggestion de Marc Villarubias, directeur de Culture Objectif 18 à Lyon, de demander le classement au patrimoine de l'UNESCO des données collectées par Facebook, photographies de la société humaine du XXIème siècle comme objet patrimonial numérique, la municipalité d’Amman (Jordanie) a présenté sa politique en faveur du climat, du développement durable et culturel, notamment en faveur des enfants orphelins et défavorisés.
A l’issue de la première séance plénière, un protocole d'entente pour promouvoir le rôle de la culture et du patrimoine dans le développement durable a été signé entre Emilia Saiz, secrétaire générale de CGLU, et Zeynep Gül Ünal, vice-présidente d’ICOMOS International, ONG oeuvrant pour la conservation des monuments et des sites dans le monde.
Séance d’ouverture “Culture, soins, santé et environnement dans l’ère post-Covid 19”
Lors de la séance plénière d’ouverture, c’est dans un français irréprochable que Tunç Soyer, maire d’Izmir, a débuté son discours d’introduction avant de continuer à s’adresser à l’auditoire dans un anglais parfait. Il a insisté sur le fait que : "La culture doit bénéficier d’une nouvelle approche, d’une nouvelle vision [...] portant sur 4 points d’harmonie : avec la nature, avec le passé, les uns et les autres (à travers les droits de l’homme et la mise en place de travaux de citoyenneté...) et avec les changements qui interviennent". Il a rappelé que "Les graines de la culture sont plantées dans cette terre d’Izmir".
Ekrem İmamoğlu, maire d'Istanbul, a, entre autres, évoqué la diversité culturelle et le rassemblement des cultures, les efforts impératifs à faire pour préserver son histoire, la valeur de l’éco-système d’Istanbul, l’art et la force créative de la culture qui permettent de rassembler dans les moments difficiles actuels, l’Agence de planification d’Istanbul vision 2022 pour travailler avec tous les composants de la vie...
Uğur Ibrahim Altay, maire de Konya et coprésident de CGLU, ainsi que Mehmet Nuri Ersoy, ministre turc de la Culture et du Tourisme, sont aussi intervenus tour à tour.
De riches interventions porteuses d'espoir
Durant un des ateliers, Fatma Kaplan Hürriyet, maire d'Izmit (ville de 365 000 habitants située à 100 km à l’est d’Istanbul), a présenté les actions mises en oeuvre dans sa ville suite à la conférence de Paris 2015 sur les changements climatiques, en passant par le développement de la production agricole à celle de tapis en soie.
Dans le Hub consacré au dialogue interculturel, Nesim Bencoya, coordinateur général du projet pour l’héritage culturel d’Izmir et directeur du festival de culture sépharade de la ville, a fait un tour d’horizon sur l’importance et la préservation du patrimoine juif d’Izmir en rappelant que “toute notre histoire est une histoire de dialogue, un mélange interculturel qui sont autant de fleurs dans un jardin”.
À Mexico, ville interculturelle et de réfugiés, la diversité est reconnue comme un héritage et des interactions mixtes entre les locaux et les migrants sont mises en place, tel un open space culturel pour ces derniers, comme l’a indiqué Marlene Fautsch, directrice des relations internationales de la ville.
Jour 2 : vendredi 10 septembre
La première séance plénière a été consacrée à la diplomatie culturelle et au rôle des villes et des gouvernements locaux dans la coopération culturelle internationale devant servir à la mise en place de stratégies pour réunir tous les réseaux de la culture. L’importance des jumelages pour se soutenir et partager les bonnes pratiques des uns et des autres, l’accroissement des liens existants, l’usage de mécanismes ayant déjà fait leurs preuves et pouvant servir ailleurs, les échanges entre villes jumelées qui permettent de mieux se connaître... ont été soulignés tant par Onur Eryüce, conseiller du maire d’Izmir, que par Sana Ouchtati, directrice de More Europe, Goshtasb Mozafari, secrétaire général du forum des maires d’Asie, et Byung Hoon Jeong, professeur émérite de philosophie à l’université de Gyeongsang (Corée du Sud).
Daan Stelder, coordinateur international du prix de CGLU pour la paix, a évoqué le concours de musique et danse organisé en Colombie dans les quartiers les plus défavorisés, ainsi que d’autres activités culturelles pour les enfants notamment à Bogota, actions qui ont permis de montrer qu’ils peuvent vivre ensemble en paix.
La séance plénière portant sur l’égalité des genres a mis en exergue le rôle des femmes soutenu par CGLU, comme relevé par Farida Shaheed, directrice du centre de ressources pour les femmes Shirkat Gah (Pakistan).
Şeniz Doğan, juriste et maire de Merkezefendi (ville égéenne de 320 000 habitants), a présenté le centre d’accueil et de services pour femmes et enfants, le service d’aide juridique apporté aux femmes grâce au protocole d’accord avec le barreau de Denizli, et le travail créé pour elles à travers des coopératives de production.
Sergenç İneler, le jeune directeur de Tarkem à Izmir (société semi-publique pour la transformation du secteur de Kemeraltı tout en préservant ses valeurs historiques) a détaillé une partie des nombreux efforts menés, comme par exemple la réhabilitation de Mavi Kortejo (bâtiment où vivaient autrefois des familles juives pauvres, nommé ainsi parce que ses portes et ses fenêtres étaient bleues), et l’ouverture du laboratoire d’apprentissage scientifique Kontak pour les jeunes (où sont organisés des ateliers d’astronomie, de technologies informatiques, de sciences et d’art...).
La charte de Rome 2020 visant à promouvoir le droit de participer à la vie culturelle comme condition d'une société meilleure a fait l’objet d’une séance plénière spécifique.
Cittaslow, un modèle à suivre
Un atelier a été consacré aux villes Cittaslow (villes tranquilles) dont Izmir peut s'enorgueillir d’être la première métropole au monde à avoir été déclarée “ville pilote Cittaslow” en juin dernier. "Cittaslow Metropol est un long voyage qui comprend non seulement le changement de la structure physique de la ville, mais aussi la modification de la société." avait alors dit Tunç Soyer.
K. Bülent Köstem, coordinateur Cittaslow Izmir, a évoqué la teneur des villes concernées par ce label qualité où il fait bon vivre, où le rythme est plus lent, les 72 critères retenus, les quartiers pilotes smyrniotes mis en place pour réduire la réduction des voitures, de l’émission de CO2...
Tunç Soyer a rappelé que l’escargot, emblème des Cittaslow, "n’est pas lent mais a son propre rythme… et des antennes qui lui permettent de communiquer avec le monde". Le maire a rappelé son objectif de construire une meilleure vie pour tous.
La diplomatie culturelle au rendez-vous
De nombreux diplomates étaient présents au sommet, tels Joachim Nikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur de l’UE en Turquie qui a parlé des 445 millions d’Euros injectés en Turquie pour la culture et le patrimoine (pour la préservation et la restauration du patrimoine juif à Izmir, la forteresse de Sinop...). Hervé Magro, Ambassadeur de France en Turquie, Valerio Giorgio, Consul d’Italie à Izmir et Zeliha Toprak, consule honoraire de France à Izmir, ont aussi honoré de leur présence ce rendez-vous de première importance.
Fabrice Denise, directeur du musée d'histoire de Marseille, et représentant la ville phocéenne à cette rencontre, a bien voulu partager avec Le Petit Journal d’Istanbul ses impressions tant au niveau de la ville que du sommet : "En me promenant sur le Kordon - bord de mer réputé d’Izmir -, j’ai vu un lieu d'épanouissement, de convivialité et de fraternité, un concentré de mon ressenti concernant Izmir, sachant que c'est ma 1ère visite. Concernant le sommet culture CGLU, j'ai vu la diplomatie culturelle à l'oeuvre, la dimension universaliste de la culture et du coup, la conscience de porter un projet scientifique et culturel concret avec de nombreux soutiens au niveau de l'Institut français, et plus largement toutes les personnalités rencontrées ces derniers jours et qui voient d'un très bon oeil un rapprochement entre Marseille et Izmir."
Séance plénière de clôture "Vers un objectif culture"
Durant la séance plénière de clôture "Vers un objectif culture", Boudra Mohamed, président de CGLU, présent par visioconférence, a, parallèlement à d’autres intervenants, souligné le fait que la culture est le 4ème pilier du développement durable et que la Déclaration d’Izmir a son importance pour l’avenir.
Tunç Soyer a, quant à lui, insisté sur l’union du local et de l’universel, l’importance des arts, des sciences, du sport et le besoin de trouver l’harmonie entre économie et écologie.
Samedi, les participants ont été invités à visiter divers lieux prestigieux de la région comme Ephèse, Pergame ou Birgi pour n’en citer que quelques-uns.
Plusieurs intermèdes de musique et de danse ont agrémenté ces journées. Un concert de chants méditerranéens donné le 12 septembre dans l’ancienne église grecque Aziz Vukolos (devenue centre culturel municipal du quartier de Basmane/Izmir) par l'ensemble vocal français Sequenza 9.3, organisé en partenariat avec la municipalité métropolitaine d'Izmir et l'Institut français de Turquie à Izmir, a clôturé en beauté les événements musicaux de ce Sommet.
Lors de cette rencontre, il est apparu évident que les femmes sont des acteurs clés dans le domaine culturel. La promotion de la culture de Smyrne (berceau des mathématiques et un des lieux de naissance présumés d’Homère) à l’échelle mondiale et le développement de son image de marque historique y ont été mis en exergue avec succès.
Pour aller plus loin :
Icomos International https://www.icomos.org/fr
17 objectifs de développement durable des Nations Unies https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
UNESCO https://fr.unesco.org/
Cittaslow https://www.cittaslow.org/
Tarkem http://www.tarkem.com/