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Une famille française bloquée en quarantaine en Turquie pendant l'été : récit

Famille Agora de SmyrneFamille Agora de Smyrne
Ahmed, Farida et leurs 3 filles à l'agora de Smyrne / crédit : Nathalie Ritzmann
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 14 septembre 2021, mis à jour le 13 janvier 2024

Venus d’Alsace, Ahmed, Farida et leurs 3 filles (6, 8 et 12 ans) ont passé un été en Turquie plein de rebondissements. Alors qu’ils voyageaient au bord de la mer Égée pendant 3 semaines, en repartant pour la Grèce, ils ont dû faire des tests PCR, et deux d’entre eux se sont révélés positifs.

Ils ont accepté de livrer au Petit Journal d’Istanbul/Turquie le récit de leurs péripéties turques, de l’hôpital de Çanakkale, en passant par leur résidence de "quatorzaine", jusqu’à leur retour en France début septembre.

 

Lepetitjournal.com Istanbul : Pourriez-vous nous parler de l’itinéraire de votre road trip en famille ? Était-ce votre premier voyage en Turquie ?

Ahmed et Farida : Nous rêvions depuis des années de faire un voyage en voiture en famille, l’élément déclencheur fut l’année 2020 et le confinement dû à la pandémie de Covid-19. 

Nous avions déjà effectué 3 voyages à Istanbul et dans sa région. Notre dernier voyage en Turquie datait de 2019, lors duquel nous étions venus en avion, et avions loué un véhicule pour partir à la découverte des environs d’Istanbul (Sile, Gebze, Bursa, Cumalıkızık).

Cette fois-ci, nous voulions découvrir la côte égéenne, et aller à la rencontre de villageois. 

Nous sommes partis de France le 14 juillet, en passant par Ancona (Italie) et Igoumenitsa (Grèce), où nous sommes arrivés le 15 en bateau. Nous étions finalement à Eceabat (Çanakkale) le 16 juillet. Nous n’avons pas été contrôlés sur la route de la France à la Turquie (seulement contrôle du PCR négatif à l’entrée en Turquie).

Après Eceabat (musées, monuments de Gallipoli, Kilitbahir…), puis le coin de Sığacık (pendant la fête de l'Aïd, le site antique de Teos, les plages d’Ekmeksiz…), fin juillet-début août, nous étions vers Bodrum et Dalyan (où nous avons circulé en bateau). 

Nous étions loin d’imaginer la suite du séjour…

 

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Ahmed, Farida et leurs 3 filles cet été en Turquie

 

Troie çanakkale Turquie
Les trois filles d'Ahmed et Farida devant le cheval de Troie, Çanakkale

 

À la fin de votre séjour turc, alors que vous prévoyez de repartir vers la Grèce, vous vous rendez à l’hôpital de Çanakkale pour faire des tests…

Ahmed et Farida : Le 5 août, avant de repartir vers la Grèce, nous cherchions à faire des tests PCR. Nous avions alors prévu de séjourner à Çanakkale - qui se trouvait sur notre route de retour - pour y faire les tests.

Farida : J’ai eu du mal à me faire comprendre pour trouver le lieu où les faire. J’ai alors contacté une clinique privée, qui m’a redirigée vers l’hôpital public de la ville (l’hôpital du 18 Mars). 

Ahmed et Farida : Il a fallu s’enregistrer avec les passeports à l’accueil de l’hôpital, puis payer (170 TL/personne) avant d’être testés. Les enfants ont fait leur test aux urgences, avec du personnel habilité, et un temps d’attente court (15 minutes).

Nous avons reçu un code pour pouvoir vérifier les résultats en fin de journée sur le site internet de e-Nabiz. 

 

Deux des tests se révèlent positifs, que se passe-t-il ensuite ? Les autorités sanitaires ont-elles proposé de vous loger ?

Farida : Mon mari et ma fille cadette étaient positifs. Moi et nos deux autres filles étions cas contact, donc nous devions rester tous les cinq en quarantaine.

Après la réception des résultats, nous avons été contactés par les autorités sanitaires pour nous indiquer de ne pas quitter notre hôtel et d’attendre leur visite pour les instructions. 

Ils ont essayé de nous trouver un hébergement jusque tard dans la nuit. En matinée, ils ont rappelé pour nous dire qu’ils n’avaient pas trouvé de logement pour une famille de 5 personnes. Le responsable de l’hôtel où nous séjournions étant au courant de la situation, nous a proposé une solution alternative : un appart-hôtel meublé qu’il possède, au prix de 300 TL/nuit.

Sans aucune autre possibilité, nous ne pouvions qu’accepter ! 

 

Pourriez-vous nous raconter comment vous avez vécu votre "quatorzaine" ? Avez-vous été suivis par les autorités ? 

Ahmed et Farida : Les autorités sanitaires turques sont venues seulement le premier jour pour donner un médicament (Favipiravir) à prendre pendant 5 jours (uniquement destiné aux adultes). Les 10 premiers jours, ils appelaient par téléphone (en anglais) pour s’assurer que tout allait bien. Nous avons aussi contacté le Consulat de France à Istanbul pour savoir quoi faire, ils nous ont dit de nous conformer aux recommandations des autorités turques. 

Au début c’était un peu la panique, il fallait que l’on s’organise pour deux semaines de quarantaine. Puis nous avons pris notre mal en patience et décidé d’essayer de profiter de ce moment en famille malgré la quarantaine et ses contraintes. Nous disposions d’une cuisine équipée et d’une supérette en bas de l’immeuble qui fait de la livraison à domicile. 

Ça a bien sûr été difficile pour les filles qui se sont trouvées dans une situation d’incompréhension ; nous avons dû leur expliquer et les occuper avec des activités et jeux divers, mais aussi de la lecture, des révisions scolaires, l'apprentissage du turc, et… une réflexion sur notre projet de vie.

Côté travail, nous disposions d’une box internet dans l’appart-hôtel, une connaissance nous a fourni un ordinateur portable pour pouvoir travailler à distance.

 

Que s’est-il passé à l’issue des 14 jours de confinement ? 

Ahmed et Farida : Nous savions que nous allions nous contaminer les uns les autres et qu’il y avait des risques que ceux qui étaient négatifs au premier test soient positifs au deuxième. Et c’est ce qui est arrivé. 

Farida : J’étais positive ainsi que nos deux grandes. Mon mari et ma cadette ont été testés négatif, ils pouvaient alors sortir. 

De nouveau, les autorités sanitaires nous ont appelés les 10 premiers jours. J’ai été un peu malade, alors ils ont envoyé une ambulance, mais ne voulant pas être hospitalisée, j’ai signé un papier afin de poursuivre ma quarantaine à la maison. 

Ahmed : J’allais faire les courses et voir les autorités pour essayer de trouver une solution afin de réduire les délais de la quarantaine, mais en vain. Le système informatique nous avait listés en "rouge" pendant 14 jours et il était impossible de quitter le territoire…  

 

À la fin de vos deux "quatorzaines", vous faites un dernier test pour enfin espérer quitter la Turquie et entrer en Grèce… 

Ahmed et Farida : Le troisième test que nous pensions être le dernier ne le fut pas. Nous avions décidé de le fêter, mais malheureusement l’aînée de nos filles était encore positive (ce qui arrive parfois avec le PCR, et qui ne signifie pas que la personne est malade ou contagieuse). La mise à jour du système de santé (HES) relatif à la quarantaine se fait à 1h du matin. Nous sommes restés éveillés pour vérifier si notre fille allait passer en "vert", ce qui était nécessaire pour pouvoir enfin sortir du territoire. Ce fut le cas et nous avons décidé de prendre la route le lendemain matin en espérant passer la frontière sans difficultés.

Ahmed : Nous avons passé sans problème la frontière turque le 2 septembre en fin de matinée (sans qu’on nous demande nos PCR). La douane grecque, elle, nous a fait repasser des tests antigéniques à moi et ma femme, et nous avons reçu les résultats sur la route à Kavala (Grèce). Dans cette ville, nous avons effectué de nouveau un test antigénique pour notre fille aînée (pour pouvoir prendre le bateau), qui s’est révélé négatif. C’était le soulagement, nous pouvions envisager de prendre le ferry sans problème !

 

Avez-vous rencontré des difficultés dans les pays traversés lors de votre retour en France ? Quand êtes-vous finalement arrivés à destination ?

Ahmed et Farida : Le voyage du retour s’est bien passé (Grèce, Italie, Suisse), et nous avons rencontré des gens sympathiques.

Nous sommes arrivés à Mulhouse le dimanche 5 septembre, la veille de la rentrée des filles !

Ahmed : Ma femme avait pu organiser en ligne et à l’aide d’amies, les achats d’affaires scolaires et habits pour les enfants. Le nécessaire pour les filles était alors prêt le lundi 6 septembre, et elles ont pu faire leur rentrée scolaire normalement.

 

Quel bilan tirez-vous de votre été en Turquie ? Malgré ces aventures, pensez-vous y revenir un jour en vacances ?

Ahmed et Farida : Nous aurions dû rentrer en France vers le 8/9 août, nous sommes finalement arrivés le 5 septembre ! 

Notre expérience a été riche en nouvelles découvertes avec un pays très beau qui offre une géographie magnifique (mer, montagne, campagne), des gens accueillants et serviables. Nous pensons d’ailleurs commencer à apprendre le turc dès le mois d’octobre, pour revenir et parler aux Turcs dans leur langue. 

 

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Ahmed, Farida et leurs 3 filles à Izmir / crédit : Nathalie Ritzmann

 

A vrai dire, nous avons même beaucoup réfléchi à nous installer en Turquie, mais nous voulons nous préparer d’abord avec l’apprentissage de la langue. Nous nous sommes sentis acceptés par la population et voudrions découvrir davantage cette culture.

Il y a eu bien sûr beaucoup de stress, pour faire et refaire les tests, nous anticipions la traversée en voiture de la Grèce et de l'Italie pour rentrer en France, certaines de nos réservations d’hôtels sur la route ont dû être annulées, reportées...

Nous regrettons de ne pas avoir pu communiquer davantage avec les Turcs, notamment avec les autorités de santé. Quant à la quarantaine, ça n’aurait pas été mieux ailleurs. Nous avons eu de la chance, et si c’était à refaire, on le referait ! 

Par contre, n’étant pas encore vaccinés, nous espérions pouvoir obtenir un pass sanitaire en rentrant en France, mais malheureusement le pays ne reconnaît pas notre certificat de rétablissement Covid-19 turc…

 

Merci à Nathalie Ritzmann pour sa précieuse contribution.

Albane Akyüz
Publié le 14 septembre 2021, mis à jour le 13 janvier 2024

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