S.E. Hervé Magro, ambassadeur de France en Turquie, était à Izmir mercredi 24 novembre 2021 pour honorer deux personnalités du monde éducatif et culturel de la ville.
C’est d’abord dans la salle Forum du lycée français Saint-Joseph d'Izmir qu'a eu lieu la cérémonie de remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques à Jacques Augereau, Directeur de cet établissement qui a fêté ses 150 ans en 2020.
Remise des insignes de Chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques par S.E. Hervé Magro, ambassadeur de France en Turquie, à Jacques Augereau, directeur du lycée français Saint-Joseph d'Izmir le 24 novembre 2021
Durant son intervention quant au parcours professionnel du récipiendaire honoré le jour de la fête des enseignants en Turquie, l’ambassadeur a, entre autres, insisté sur la persévérance et l’efficacité qui pourraient constituer la devise de celui-ci et rappelé que le médaillé est aussi coordinateur général des écoles francophones Piri Reis d’Izmir nées sous l’impulsion de Lucien Arkas.
Le diplomate a évoqué avec humour que Jacques Augereau a même réussi, durant son poste à la tête du lycée français Saint-Michel d’Istanbul, à faire travailler, pour une de ses initiatives, la propre épouse du Consul Général de France à Istanbul qu’il était alors. “Avec le départ à la retraite de Messieurs Pierre Gentric et Yann de Lansalut que j’ai honorés il y a un an, vous êtes ainsi devenu à cette rentrée "le sage" au sein du réseau des directeurs des Saints.” a aussi ajouté l’ambassadeur.
Après la remise des insignes et du diplôme, le directeur du lycée Saint-Joseph, dont la maman et la tante étaient présentes à la cérémonie, a longuement évoqué, et pour l’occasion de façon exceptionnelle, des événements marquants de sa vie tant personnelle que professionnelle, les deux étant au final très imbriqués. Si ses parents et son grand-père ont joué un rôle important dans ses fonctions actuelles, c’est une phrase entendue à l’adolescence, alors qu’il étudiait en série scientifique, qui a changé son existence et orienté le chemin dans lequel il s’est engagé.
Son professeur de philosophie, également directeur de l’école, rendait ce jour-là le premier devoir de 4 h et tous les élèves étaient terrifiés par l’austérité de leur enseignant. Ayant eu l’impression d’avoir été mauvais à cette épreuve, Jacques Augereau a finalement décroché la meilleure note (14/20, la plus mauvaise étant 2…) et entendu de façon solennelle la remarque faite par le professeur qui lui remettait sa copie : "Jacques, je ne sais pas si tu es un vrai scientifique mais je sais de manière certaine que tu es un vrai littéraire", actionnant par là le levier qui a redonné confiance à l’élève quant à ses capacités.
Le lycée français Saint-Joseph d’Izmir qui accueille 450 élèves, est l’un des premiers établissements au monde à obtenir, dès 2012, le labelFrancÉducation qui reconnaît le caractère exceptionnel quant à l’excellence de l’enseignement de la langue et de la culture françaises.
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La seconde cérémonie s’est tenue au consulat de France d’Izmir avec la remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Müjde Unustası, Directrice du Centre d’Art Arkas à Izmir.
Après avoir fait part de son grand plaisir à revenir à Izmir, et plus encore dans ce bâtiment ayant accueilli pendant près d’un siècle le Consulat Général de France à Smyrne, et qui abrite encore les bureaux du consulat honoraire et accueille le Centre d’art Arkas, Hervé Magro a détaillé la carrière de la personne honorée.
Critique d’art et spécialiste des tapis anciens ayant fait, entre Turquie et Belgique, des études consacrées à la réception et à la représentation de l’art islamique dans la période de transition entre Empire ottoman et début de la République turque, Müjde Unustası a débuté sa carrière à Istanbul. D’abord coordinatrice des enchères dans la maison Artam Antik, elle est ensuite devenue rédactrice en chef du magazine Antik Dekor.
C’est par amour qu’elle s’installe à Izmir en 2004 et l’ambassadeur a voulu saluer la présence de son mari Oben et de leurs deux filles, Deniz et Nazlı. Müjde a poursuivi son activité comme éditrice et gestionnaire de collections d’art privées et fréquenté avec assiduité le centre d’art Arkas.
L’année 2012 a marqué un tournant dans sa carrière suite à la rencontre avec Lucien Arkas et le début de sa collaboration, en tant que conseillère artistique, avec la Holding présidée par le prénommé. Actuellement, non seulement en charge du Centre d’art, mais aussi de son musée à Urla et de son Musée d'histoire maritime, elle gère aussi la très riche collection du fonds Arkas comprenant des milliers d’œuvres de grande qualité : tableaux et sculptures, tapis et tapisseries, armures et armes, orfèvreries et objets, mobilier ancien… Ladite collection comprend notamment de nombreuses et magnifiques œuvres d’artistes français parmi les plus importants des XIXème et XXème siècles. Müjde travaille aussi, en étroite collaboration avec tout le personnel du centre d’art, à l’ouverture de trois nouveaux espaces muséaux en préfiguration : l’un devant recevoir la collection de tapis, un autre celle de peinture turque, et le troisième consacré à l’histoire d’Izmir. Elle est aussi Présidente-Adjointe de la Fondation Turgut Pura (créée il y a une quarantaine d'années) du nom d'un sculpteur turc réputé.
Hervé Magro a insisté sur les aptitudes de cette femme d’art et de culture, talentueuse et énergique, qu’il a qualifée “d’actrice incontournable du milieu des arts en Turquie et au-delà”, qui oeuvre au dialogue interculturel et en particulier franco-turc. C’est autant pour récompenser ses efforts dans la mise en valeur des œuvres et des artistes français, que pour son action permettant de favoriser ce dialogue artistique avec les institutions culturelles de l’hexagone, qu’elle est récompensée par le Ministère français de la Culture.
Après avoir reçu les insignes et le diplôme correspondant, Müjde Unustası a relaté, entre autres, sa relation à l'art, commencée très jeune avec les peintres français qui ont joué un grand rôle dans son intérêt artistique, surtout pour la peinture. “A la maison, j'inventais des histoires en regardant les reproductions des Ballerines de Degas et les Filles au piano de Renoir, accrochées dans le couloir qui menait à ma chambre et que ma mère avait achetées lorsqu'elle était étudiante... Parmi les livres d'art de notre maison, les plus riches visuellement étaient consacrés à la peinture française... Je me souviens combien j'ai été impressionnée lorsque j'ai vu les originaux lors de nos voyages en famille.” explique Müjde.
En grandissant, son intérêt premier s'est transformé en une curiosité pour l'histoire de l'art et, lors de ses études universitaires, elle s’est davantage concentrée sur la muséologie. Au début de sa vie professionnelle dans la société de vente aux enchères stambouliote, en observant de près les artistes turcs, elle constate que la plupart des noms importants avaient, à un moment de leur carrière, étudié la peinture à Paris.
Müjde ajoute que “L'art offre l'un des plus beaux témoins de l'interaction culturelle entre la Turquie et la France, étroitement liées depuis des siècles. La Collection Arkas, qui offre une riche variété d'œuvres, est aussi une source essentielle pour appréhender le dialogue culturel entre la France et la Turquie.”, avant de tenir à remercier de leur présence deux personnes qui lui sont très précieuses, en l’occurrence Lucien Arkas et son ami Jean-Luc Maeso, conseiller artistique du Centre d'Art Arkas, rencontré dès le premier jour de son entrée sur place et avec qui de nombreux projets ont été réalisés depuis. “Grâce à lui, nous avons noué des collaborations avec de nombreuses institutions importantes en France et j'ai eu la chance de rencontrer mes précieux collègues.” dit-elle en exergue. Elle a aussi souhaité associer Bertrand Buchwalter, précédent consul général de France à Istanbul, pour son aide efficace relative à l’obtention de cette distinction, de même que ses collègues, son mari et ses enfants, ainsi que sa maman, également présente sur place, pour lui avoir fait aimer l’art.
Les deux cérémonies ont eu lieu en présence de Zeliha Toprak, consule honoraire de France à Izmir, de Lucien Arkas, président de la Holding Arkas.
Jean-Jacques Victor, conseiller de coopération et d’action culturelle - qui faisait le soir même ses adieux à la communauté française d’Izmir avant de profiter de sa retraite après 42 ans au service de la France -, José-Maria Queiros, directeur général de l’Institut français de Turquie à Izmir, ainsi que de proches membres de la famille, personnalités du monde éducatif et culturel d’Izmir, nombreux collègues de travail et amis, voire élèves du lycée St-Joseph, étaient aussi présents.