

Les déclarations du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, sur un éventuel conflit contre les forces combattantes en Syrie continuent de faire polémique. Elles interviennent après que la Turquie a abattu un avion syrien accusé d'être entré dimanche dans son espace aérien, et que des menaces pèsent sur la tombe du Shah Suleyman, petit bout de terre turque en territoire syrien.

Elle est sous contrôle turc depuis le traité d’Ankara de 1921, signé entre la Turquie et la France puis renouvelé à l’indépendance de la Syrie en 1936. Une garnison de 25 soldats turcs (photo ci-contre, Wikicommons) y est en faction en permanence pour assurer sa protection. Or, la Turquie s’inquiète de plus en plus pour ce monument et les troupes qui la protègent, situés dans une zone actuellement sous le contrôle d’Al-Qaïda. Les dernières semaines ont vu s’affronter des groupes d’opposition au régime de Bachar El-Assad dans la région, et notamment l’Armée syrienne libre (FSA) contre l’État islamique d’Irak et du Levant (ISIL).
"La Turquie défendra son territoire"
"Notre seul territoire hors de la Turquie est [cette tombe]", a déclaré dimanche le Président de la République, Abdullah Gül. "Il sera protégé de la même manière que notre pays est protégé. C’est une terre turque et notre drapeau y flottera. Je veux que tout le monde le sache”, a-t-il ajouté. Le ministre de la Défense, İsmet Yılmaz, a également souligné l’importance de la sauvegarde de ce mausolée. "Toute attaque contre la tombe du Shah Suleyman aura les mêmes conséquences qu’une attaque sur Şanlıurfa [province du sud-est de l’Anatolie]. La Turquie est un pays puissant qui est capable de protéger son territoire", a-t-il déclaré dimanche.
Le groupe terroriste ISIL, anciennement affilié à Al-Qaïda, aurait régulièrement menacé la Turquie de retirer le drapeau turc ornant l’édifice et de détruire la tombe, celle-ci représentant une "idolâtrie" rejetée par ce mouvement religieux salafiste, rapporte le Hürriyet Daily News. ISIL avait donné à la Turquie trois jours à compter du 21 mars pour évacuer les lieux, rappelle le quotidien Habertürk. L’ultimatum expirait donc le 24 mars, c’est-à-dire hier lundi.
Un avion syrien abattu
Ahmet Davutoğlu a discuté lundi par téléphone avec le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, et le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, au sujet de l’avion syrien abattu dimanche par l’armée turque. Le chef de la diplomatie leur a expliqué que l’appareil avait violé l’espace aérien turc pendant plus d’un kilomètre. D’après les forces armées turques, deux avions de guerre syriens MIG-23 auraient reçu quatre avertissements avant d’entrer dans l’espace aérien turc. L’un des avions aurait modifié sa trajectoire près du poste-frontière de Yayladağı, tandis que l’autre aurait poursuivi en territoire turc, provoquant la riposte d’Ankara.
"Notre F-16 [avion de guerre turc] a abattu cet avion. Pourquoi ? Parce que si vous violez mon espace aérien, ma gifle sera forte. […] Je félicite l’état-major, l’armée turque et nos forces aériennes", a déclaré dimanche le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan lors d’un meeting dans la province de Kocaeli, au nord-est du pays.

Kemal Kılıçdaroğlu, chef du CHP (Parti républicain du peuple), principale formation d’opposition, a exprimé son inquiétude face à ces déclarations. Selon lui, le gouvernement pourrait provoquer un conflit armé avec la Syrie à la veille des élections municipales du 30 mars. "Nous avons entendu d’après certaines sources que le gouvernement pourrait déployer l’armée en Syrie, prenant les menaces contre la tombe de Suleyman comme prétexte", a-t-il déclaré, appelant l’armée à ne pas tomber dans le "piège" du gouvernement. "Personne n’a le droit ou l’autorité d’entraîner la Turquie dans le bourbier du Moyen-Orient", a-t-il mis en garde.
Le ministre de l’Énergie, Taner Yıldız, a rétorqué que la Turquie défendrait son territoire s’il était attaqué. "Si Kemal Kılıçdaroğlu ou quelqu’un d’autre nous demande de fermer les yeux sur une attaque contre le territoire turc, nous n’en tiendrons pas compte", a-t-il affirmé jeudi dernier, selon le Today’s Zaman.
D’après le quotidien anglophone, la Turquie aurait accru le nombre de ses soldats en faction auprès de la tombe du Shah Suleyman et Ankara suivrait de très près les évolutions des positions des groupes terroristes dans les villages alentours. Environ 3.300 personnes auraient été tuées dans des affrontements entre groupes terroristes dans la région, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.
Sarah Baqué (www.lepetitjournal.com/istanbul) mardi 25 mars 2014































