

Après des révélations la semaine dernière du Wall Street Journal, l'affaire du raid aérien d'Uludere refait surface en Turquie. Les zones d'ombre qui planent toujours sur cette affaire mettent le gouvernement dans une situation délicate. L'opposition lui demande de faire la lumière sur l'opération qui a coûté la vie à 34 civils
34 morts. C'est le bilan du raid aérien du 28 décembre dernier à Uludere, dans le Sud-Est de la Turquie, à la frontière irakienne. Ce jour là, l'armée turque prend pour cible un groupe de contrebandiers qui passe la frontière turco-irakienne, les confondant avec des combattants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). C'est en tout cas la version officielle. Mais ce raid meurtrier a suscité une vague d'indignation en Turquie et les accusations contre le gouvernement et l'armée sont nombreuses de la part de l'opposition, des médias ou de l'opinion publique. Les principales mises en cause pointent du doigt l'armée pour avoir déclenché cette attaque, sachant que les personnes visées n'étaient pas des membres du PKK mais des civils. Le gouvernement est quant à lui accusé d'avoir apporté son consentement à l'opération.
crédit photo : Charles McCain (flickr)
En début d'année, le gouvernement a proposé d'indemniser les familles des victimes à hauteur de 123.000 TL et le Premier ministre a pris la défense de l'armée, expliquant que dans cette zone où peu de civils habitent et où le terrorisme est actif, les mouvements à la frontière pouvaient être interprétés comme un danger.
Une polémique ravivée après un article du Wall Street Journal
L'affaire a refait surface la semaine dernière avec les révélations du Wall Street Journal. Selon le quotidien américain, qui se base sur un rapport du Pentagone, des renseignements fournis par un drone américain auraient permis le déclenchement de ce raid de l'armée turque. Le chef de l'Etat-major turc Necdet Özel a immédiatement démenti. Le Premier ministre Erdo?an en a fait de même. Selon lui, ce rapport est une invention visant à ternir l'image de l'administration Obama à l'approche de l'élection présidentielle. Des informations complémentaires du Wall Street Journal précisent que l'armée turque aurait refusé des renseignements américains supplémentaires, renseignements qui auraient pu apporter plus de précisions sur l'identité du groupe repéré. Le gouvernement turc est donc aujourd'hui sous pression de la part de l'opposition qui lui demande de faire la lumière sur cette affaire. Qui a donné le feu vert à l'opération ? Un drone américain a-t-il été impliqué ? Quelles sont les raisons qui ont poussé l'armée à conclure que le groupe repéré était des combattants du PKK ?
Une plainte au pénal et une suggestion de démission
En déplacement au Pakistan en début de semaine, le Premier ministre Erdo?an a déclaré à un groupe de journalistes turcs qu'il avait eu connaissance de cette opération seulement après son déclenchement. Cette déclaration a fait bondir le président du CHP (Parti républicain du peuple) Kemal K?l?çdaro?lu. "34 personnes sont massacrées et le Premier ministre est informé seulement après. Un Premier Ministre qui fait une telle confession ne doit pas rester à son poste une heure de plus", a déclaré le leader du principal parti d'opposition, cité par Hürriyet Daily News. Mahmut Tanal, député CHP et membre de la commission parlementaire sur les droits de l'homme, a quant à lui déposé une plainte au pénal contre le Président de la République, le Premier Ministre et le chef de l'Etat-major. Il a ajouté que cette attaque s'apparentait à un crime contre l'humanité. Dans cette plainte il accuse les militaires d'avoir délibérément déclenché cette opération alors qu'ils savaient que les personnes repérées sur les images des drones n'étaient pas des membres du PKK mais des civils. Ceux qui ont fourni les renseignements, turcs ou américains, devraient également être poursuivis selon lui. La pression se fait aussi sentir du côté du BDP (Parti pour la paix et la démocratie). Selahattin Demirta?, vice président du parti pro-kurde, a appelé tous les membres kurdes de l'AKP (Parti pour la justice et le développement) à quitter le parti au pouvoir pour montrer qu'ils ne cautionnent pas ce "massacre ".
Margaux Agnès (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 24 mai 2012





































