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DURUM ET BAKLAVAS VEGAN - L'offre végétarienne et vegan fleurit à Istanbul

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Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 28 août 2017, mis à jour le 10 janvier 2018

Ni viande, ni poisson, ni œuf, ni tout autre produit d'origine animale... À Istanbul, de nombreux restaurants et magasins se sont mis au parfum du mode de vie vegan. Ce concept 100% végétal séduit de plus en plus d'adeptes.

"De plus en plus de clients me réclament une pizza vegane. Nous venons juste d'introduire à la carte une pizza végétarienne et voilà que maintenant, certains voudraient même la manger sans fromage !", s'amuse Süleyman, serveur dans une pizzeria située à Kadıköy. Plébiscité par les personnes qui refusent toute exploitation animale, le véganisme revient à exclure tous les produits d'origine animale de son assiette et plus largement, de son quotidien.

Exit le manteau en fourrure, le pull en laine ou le sac en cuir... Du dressing à la cuisine, en passant par la salle de bain, les produits d'origine animale ou testés sur les animaux sont proscrits par les vegans, qui sont de plus en plus nombreux. En Turquie aussi, le véganisme a ses adeptes. Il y a quelques temps pourtant, il était encore absent de l'espace public. Pour ses précurseurs en Turquie, le simple fait d'aller diner avec des amis était devenu mission impossible? Ce n'est pas Chloé qui dira le contraire. L'année dernière, elle a passé dix mois à Istanbul pour un échange Erasmus : "Je préférais cuisiner mes petits plats chez moi. Au restaurant, c'était toujours compliqué. Les Turcs, plus que les Français encore, ont du mal à comprendre qu'on ne puisse pas manger de viande, de poisson, ou d'œufs au petit déjeuner ! Parfois, lorsque je demandais un plat sans viande, on me ramenait... du poulet !"

Affirmer son identité

Mais depuis quelques mois, à Istanbul, on voit fleurir échoppes et restaurants vegans. Dans les supermarchés aussi, les produits 100% végétaux gagnent du terrain. Un développement que Pierre Raffard, géographe de l'alimentation et spécialiste de la cuisine turque, explique : "Avant, on faisait des choix alimentaires pour rentrer dans un groupe social. Désormais, pour la génération des 18-35 ans, manger est devenue une manière  de s'affirmer et d'affirmer son identité", déclare-t-il, comparant le veganisme aux tatouages"Pendant un temps, on se faisait  tatouer pour montrer que l'on appartenait à un groupe. Les marins par exemple, se faisaient tatouer une ancre. Maintenant que le tatouage est à la mode, c'est une façon d'exprimer son identité, voire ses convictions politiques et sociales."

Dans ce souci d'affirmer leur identité, Pierre Raffard souligne pour une grande partie des vegans la volonté de se mettre en scène, "notamment sur les réseaux sociaux, où l'on partage désormais la photo de la salade au quinoa, bio de préférence, que l'on est en train de manger. En Turquie, la jeune génération est hyper-connectée. Cela explique aussi le développement du véganisme qui nous vient tout droit d'Amérique du Nord, depuis Internet."  Pas étonnant donc, qu'Instagram fasse partie intégrante des logiques de communication de ces restaurants vegans. Bi Nevi Deli par exemple, -- un restaurant vegan à Etiler --, y publie presque quotidiennement des photos alléchantes de gâteaux, tartines, pâtes et autres gourmandises...

Bolognaise aux lentilles

À la tête du restaurant, ouvert en 2014, deux entrepreneures passionnées de cuisine saine. Belkıs Boyacıgiller et Özge Şen prônent une cuisine entièrement végétale et céréalière. Une cuisine qui, en réalité, est loin d'être une nouveauté en Turquie. Comme l'explique Pierre Raffard : "Ce sont des pratiques qui existent depuis longtemps, notamment dans la région égéenne, mais sur lesquelles on ne mettait pas de nom". Conscientes de cela, Özge et Belkıs cherchent d'ailleurs à se démarquer : "Nous sommes devenues végétariennes parce que nous pensons que c'est ce qui a de mieux pour nous-mêmes, pour les animaux et pour la planète. Cependant, nous cherchons à cuisiner des plats autres que les mets traditionnels et les plats à base d'huile d'olive que les végétaliens peuvent facilement trouver en Turquie. Nous avons intégré à notre carte des mets vegans mexicains, thaïlandais, indiens et plein de salades innovantes", expliquent les créatrices. Au menu également, fromage à base de noix de cajou, köfte sans gluten ni viande ou encore spaghettis à la bolognaise... de lentilles ! La carte s'attaque aussi à des classiques de la cuisine turque, comme le kumru revisité à la sauce vegane. Chez Community kitchen, à Beyoğlu, on propose même des durum et iskender vegans!

À Moda aussi, de nombreuses enseignes promettent un voyage culinaire en Véganie. Et ces quartiers d'implantation ne sont pas un hasard : "Ce sont des quartiers type de la génération hyper-connectée dont je parlais", poursuit Pierre Raffard. Avant d'ajouter : "En Turquie, le véganisme est très lié à une dimension politique, ce qui est de moins en moins le cas en Europe. En Turquie, c'est encore très lié à des groupes militants écologistes et d'extrême gauche."  Sur sa page Facebook, le Bella vista vegan, un café et hôtel vegan situé près de Taksim, présente d'ailleurs son logo avec le symbole anarchiste aux couleurs du drapeau arc-en-ciel emblématique de la communauté homosexuelle.

Pour la première fois en Turquie, un festival vegan s'est tenu à Didim, en avril dernier. Mais pour Pierre Raffard, il faut tout de même relativiser le succès du mouvement : "Très présents sur les réseaux sociaux, les vegan donnent l'impression d'être très nombreux. Mais en réalité, on ne sait pas exactement combien de vegans il y a, mais ils sont peu. Il faut aussi faire la différence entre le discours et les faits. Certains se disent vegan mais sont prêts à faire une entorse quand ils vont au restaurant, ou pendant le Kurban Bayramı (fête du sacrifice). Dans ces cas-là, cela dépasse le goût pour la viande, cela répond à une dimension sociale."

Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mardi 29 août 2017

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Publié le 28 août 2017, mis à jour le 10 janvier 2018

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