Édition internationale

CINEMA – Regards croisés de Mustafa Altioklar et Luciano Rispoli sur le cinéma turc

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 13 novembre 2012

C'est avec son film "Istanbul sous mes ailes" qui raconte l'histoire de Celebi que Mutafa Altioklar a ouvert une nouvelle voie au cinéma turc.  Ce film est en effet reconnu comme ayant marqué la naissance de ce que Luciano Rispoli qualifie de "Nouvelle vague"  du cinéma turc. Nous étions donc curieux de rencontrer le metteur en scène , producteur turc et l'attaché audiovisuel régional de l'ambassade de France en Turquie pour confronter leur vision du cinéma turc.

Article réalisé dans le cadre d'une série consacrée au cinéma turc pendant le Festival du film International IKSV

Le réalisateur qui a lancé la "nouvelle vague"  du cinéma turc

Enfant, Mustafa vivait à côté d'une salle de projection et s'amusait à récupérer les coupures de film jetées par la fenêtre. C'est là que sa rencontre avec le 7ème art a commencé. Puis le jeune homme s'est dirigé vers des études de médecine et ce n'est qu'à l'âge de 31 ans qu'il réalise son premier film, un court métrage. Vocation tardive donc, mais  prometteuse, puisque son deuxième film en 1995, "Istanbul sous mes ailes", avec 500.000 entrées, une première en Turquie, reste dans les mémoires de tous les Turcs et inspire encore aujourd'hui la publicité de THY "le Monde sous mes ailes".
Depuis, Mustafa Altioklar a réalisé 7 films, remportant tous des prix dans les festivals étrangers (Berlin, Lausane ou encore Strasbourg ). Son dernier film en 2006, Shattered Soul a particulièrement marqué le cinéma turc en innovant le genre du thriller psychologique et a été lui aussi récompensé par la médaille de bronze au Festival de St-Petersbourg. A ce jour, Mustafa Altioklar travaille sur un projet de documentaire sur la Mer d'Aral, dénonçant le drame de l'île Vodrojdenie, réserve d'armes bactériologiques russes. Pour s'engager dans ce projet, il cherche à mobiliser des artistes internationaux, entre autres Isabelle Adjani pour la France et à coproduire le film avec des Français et des Allemands. Espérons que le nom français du film "Renaissance", traduction de Vodrojdenie, contribuera à attirer des Français dans ce projet.

Istanbul sous mes ailes ( photo Mustafa Altioklar )

Un rapprochement des acteurs privés et institutionnels du cinéma français et turc

Mustafa Altioklar est metteur en scène, son frère est producteur et  ils sont tous les deux très impliqués dans la croissance du cinéma en Turquie. Mustafa Altioklar, en tant que Président de l'association des producteurs en Turquie, aimerait s'inspirer du système de financement de la production cinématographique et audiovisuelle française, et applaudit "les Français qui ont eu l'intelligence de développer la coproduction avec la télévision alors qu'elle était encore publique". Luciano Rispoli nous rappelle ainsi "l'originalité du système français qui consiste à prélever une taxe sur le billet de cinéma, le lecteur DVD ou tout autre produit audiovisuel pour le reverser au CNC, dont le Président est nommé par le gouvernement français mais qui dispose de commissions professionnelles indépendantes qui décident souverainement des aides distribuées". Dans le même esprit, les producteurs turcs aimeraient disposer d'un organisme tel que Unifrance, chargé du soutien à l'exportation des films français dans le monde, autre atout indéniable du système français. Mustafa Altioklar se mobilise ainsi pour obtenir le soutien et l'engagement du gouvernement dans le cinéma turc et c'est en bonne voie, en collaboration avec les autorités françaises et l'ambassade de France en Turquie.

Le regard croisé de Mustafa Altioklar et Luciano Rispoli sur le cinéma turc

En tout cas,  le cinéma turc se porte bien. En 2008, 55 % des films qui sortent en salles sont des films turcs, ce qui représente environ 70 films produits par an. Luciano Rispoli distingue ainsi "la période des années 40, marquée par un cinéma qui ne s'exporte pas et le cinéma des années 90 qui perce et commence à avoir sa place à l'étranger avec des noms comme Nuri Bilge Ceylan pour Uzak et Les trois singes, Dervis Zayin (Nokta), Yesim Ustaoglu ou Semih Kaplanoglu, auteur de la trilogie dont Bal (ours d'or 2010 Berlin), aujourd'hui à l'affiche en Turquie, et bien d'autres..." . Mustafa Altioklar fait aussi la part des choses entre "les films commerciaux, mais qui ne s'exportent pas? et les films d'art et d'essai qui remportent des prix à l'étranger mais rencontrent peu de succès en Turquie !"
Les spectateurs turcs ne sont en effet pas encore au rendez-vous. En une année, 40 millions de spectateurs turcs (dont 60 % à Istanbul !) se déplacent dans les salles obscures, alors que 200 millions de Français s'y rendent, pour une population assez proche. Ce qui veut dire que 1 Turc sur 2 va au cinéma dans une année alors que chaque Français y va 3 fois par an, "un indice du niveau de culture dans un pays", d'après Mustafa Altioklar. Il faut dire que les DVD sont aussi très accessibles en Turquie?

Marie-Eve Richet pour www.lepetitjournal.com, Edition Istanbul. Lundi 26 avril 2010

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Publié le 26 avril 2010, mis à jour le 13 novembre 2012
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