Il était une fois un roi, maharaja de Mysore (Karnataka), Navaldi Krishnaraja Wadiyar IV (1884-1940), qui cherchait quoi faire de l’immense réserve de bois de santal dont disposait le royaume. En effet, ce bois était destiné à être exporté en Europe, mais nous étions en 1916 et la première guerre mondiale y sévissait.
On raconte que l’idée de fabriquer des savons à l’huile de bois de santal vint au Maharaja de Mysore lorsqu’il reçut en cadeau un coffret de savons fabriqués à partir d’huile de santal produite en Inde.
Le roi, en homme entreprenant, décide alors de fonder, la « Mysore Sandalwood Oil factory » en 1917. L’entreprise aura une renommée mondiale pendant des siècles.
Le savon à l’huile de santal devient le premier savon traditionnel commercialisé sous la marque Mysore Sandal Soap en 1918.
La savonnette au santal de Mysore, est fabriquée avec 100% d’huile et elle a obtenu le certificat d’indication géographique en 2006.
L’actrice de Bollywood Tamannaah Bhatia a été nommée ambassadrice de la marque depuis 2025.
Krishnaraja Wadiyar IV, aussi appelé le roi philosophe
Le Mahatma Gandhi le qualifiait de « Rajashri », ou « roi saint ». Il a contribué à faire de Mysore un État moderne. Il défendait des causes telle que l’instruction pour les femmes. En 1913, il instaura l’enseignement primaire obligatoire. Il a agi en faveur des classes défavorisées en ordonnant aux écoles publiques d’abandonner la discrimination de caste et d’admettre les enfants dalits.
Sous son règne, Bangalore est devenue la première ville de l’Inde à être dotée de l’électricité en 1905.
Il a joué un rôle fondamental dans la création de plusieurs industries dont l’usine de sidérurgie de Bhadravathi et Hindustan Aeronotics Limited, ainsi qu’en 1903, la construction de l’hôpital ophtalmologique Minto à Bangalore, en 1909 L’institut indien des sciences de Bangalore et en 1913, la création de la Banque d’État de Mysore.
En 1930, John Sankey (1866-1948), juge, homme politique et Lord Grand Chancelier britannique, déclara lors de la première conférence de la Table ronde anglo-indienne, à Londres :
« Mysore est l’État le mieux administré au monde »
Au moment de sa mort, Navaldi Krishnaraja Wadiyar, est considéré comme l’un des hommes les plus riches du monde.
Le santal, trésor convoité du Karnataka
Le bois de santal est originaire d’Asie et d’Indonésie. Il aurait été importé en Inde 1300 ans avant J.-C., par des marins austronésiens (navigateurs qui ont colonisé une zone immense qui s’étendait de l’Indo-Pacifique, à Madagascar et l’île de Pâques).
C’est dans l’État du Karnataka que l’on trouve la variété Santalum Album (santal blanc), la plus réputée et la plus convoitée. C’est le santal de Mysore.
Cette ville était autrefois entourée de forêts de santal et de bois de rose dont l’essence servait à faire des parfums.
Son nom vient du sanskrit « Chandana », c’est-à-dire « bois pour brûler l’encens ».
La meilleure qualité de bois de santal est produite au Karnataka, son odeur est forte et sa composition chimique est très riche en particulier en Santadol, entre 50 et 90%. C’est ce qui lui donne ses propriétés médicinales et aromatiques.
La surexploitation des forêts au XXe siècle, a amené le gouvernement du Karnataka, en 1930, à protéger ses forêts qui sont maintenant sa propriété.
En 1950, 4000 tonnes de bois de cœur de l’arbre ont été produites contre la moitié en 1990. L’abattage des arbres est interdit en Inde depuis 2010.
Les vieux arbres restant dans les plantations privées sont devenus si convoités que cela a conduit à la création d’un réseau de contrebande très organisé. Il a fallu 11 ans au gouvernement pour capturer Koose Munisamy Veerappan (1952-2004) , le chef du plus grand réseau de contrebande de bois de santal du pays. Il possédait environ les deux tiers de la superficie totale de la jungle de santal. Par ailleurs, il était recherché pour le meurtre de 184 personnes, dont la moitié des policiers et agents chargés de protéger la forêt et il a été accusé de la mort et du braconnage des défenses d’ivoire de 500 éléphants dans les forêts du Tamil Nadu, du Karnataka et du Kerala.
Depuis 2004, le gouvernement du Karnataka a repris le contrôle des plantations et de la société Karnataka Soaps and Detergents Limited (KSDL), dont des unités de fabrication se trouvent aussi, à Bangalore, Mysore et Shimoga.
Un arbre protégé
C’est un arbre à croissance lente qui possède des feuilles caduques ovales et de petites fleurs jaunes, il peut atteindre 20 m de hauteur. Son bois est rouge et son écorce de différentes couleurs sombres : brun, gris et rouge foncée.
Il faut attendre qu’il ait entre 25 et 30 ans pour fabriquer l’essence de santal de qualité. L’arbre est alors coupé et déraciné pour être réduit en copeaux qui sont ensuite distillés. Pour obtenir 45 litres d’huile essentielle, une tonne de bois environ est nécessaire.
L’huile essentielle de bois de santal blanc, est l’une des huiles les plus rares et précieuses du monde. Il faut compter 45€ pour 10 millilitres d’huile.
La production d’huile essentielle de santal de Mysore est extrêmement limitée et elle est actuellement quasi introuvable. Sa production reste sur le marché indien.
Le santal, un ingrédient recherché en parfumerie
Le santal est connu depuis 4000 ans, il est l’un des plus anciens ingrédients parfumés.
C’est entre le VIIIe et XVe siècle que les Arabes présents en Espagne l’ont introduit en Europe, mais seulement au XIXe siècle que l’essence de santal est rentrée dans la parfumerie moderne.
On obtient l’huile essentielle de santal par distillation, à la vapeur d’eau, du cœur de l’arbre et de ses racines. Le parfum le plus délicat est extrait du cœur de l’arbre.
L’huile possède une bonne résistance et une tenue puissante qui rendent les essences plus marquantes. Elle est un excellent fixateur qui permet de capturer les arômes de tête des autres huiles essentielles.
Les effluves enveloppants du santal, sa note de fond boisée, en font un incontournable des parfums masculins.
Des vertus médicinales multiples, notamment en médecine ayurvédique
En Inde, on se sert du santal pour soigner les maux d’estomac et comme anti-inflammatoire.
L’huile essentielle, mélangée à d’autres substances, peut être utilisée en cutanée pour soulager les douleurs articulaires et musculaires, apaiser les problèmes de peau comme l’eczéma et le psoriasis. Son odeur est relaxante, apaisante et aide à lutter contre l’anxiété.
En aromathérapie, le santal est utilisé pour parfumer l’encens. Selon les hindous, sa fumée élève l’âme et facilite la méditation
Le santal est utilisé dans des pratiques religieuses très anciennes
On trouvait déjà ses traces en Égypte dans les pratiques des rituels et d’embaumement des momies.
Les musulmans d’Inde plaçaient lors des rituels funéraires, un encensoir contenant du santal aux pieds du défunt.
Dans l’hindouisme le santal est utilisé lors des cérémonies et rituels sous forme de pâte mise sur le front des fidèles, d’encens, dans les temples dédiés à Shiva.
Par ailleurs plusieurs temples hindous, ainsi que des meubles, des coffres de mariages et des boîtes à bijoux sont fabriqués en bois de santal. Ce bois odorant, à la réputation de ne pas être attaqué par les insectes.
Les Indiens sont très attachés au savon de Mysore pour sa réputation ancienne et pour ses qualités naturelles éprouvées. Il fut même un temps, où les Indiens de la diaspora emmenaient dans leurs valises un petit stock de savonnettes du pays. On le trouve partout et il coûte entre 90 et 100 roupies.
Il est probable que l’huile essentielle que contiennent les savons de Mysore aujourd’hui, provienne du santal australien. Cependant, les forêts de santal australiennes sont issues des graines d’arbres indiens : Santalum album, du Karnataka. Ces forêts sont protégées et cultivées à grande échelle, pour pallier à la raréfaction du santal originaire de Mysore, qui est maintenant très contrôlé.
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