Le mangalsutra comme on l’appelle en Inde du nord et tahaali (l’orthographe varie) en Inde du sud, est comme un secret placé autour du cou d’une jeune épouse par son mari. C'est l’un des cinq symboles qui distingue la femme mariée. Un bindi rouge sur le front, un vermillon cramoisi vif traversant la raie de cheveux, de multiples bracelets rouges aux deux poignets et deux bagues d’orteils, tels sont les autres ornements quotidiens et symboliques qui identifient une femme mariée hindoue.


Qu’est-ce que sont le mangalsutra et le tahaali ?
C’est un pendentif qui a différentes significations selon les communautés et les usages. Il est attaché à un cordon lui-même attaché à une chaîne d’or que portent les femmes mariées hindoues mais est aussi adopté par les femmes d’autres communautés.
Les femmes catholiques du Tamil Nadu ont adopté le tahaali et portent aussi une alliance.
Au fil de la vie, le collier est complété avec d’autres pendentifs ou amulettes, offerts par les femmes de la famille. Le design de l’amulette principale est choisi par la famille du marié selon la coutume : Ganesh, lotus, cocotier, images de Lakshmi.
Comprendre la signification du Mangalsutra ou du tahaali, est une tâche ardue, les symboles de leurs arrangements sont singuliers. Suivant la région et la communauté, son appellation est différente, les gens adoptent une ou plusieurs versions du mangalsutra, comme le namam et le sudarshana chakra porté par les lyengars ( caste de brahmanes hindous de langue tamoule), l’ivoire, plus simple, par les Pendjabis et le kashitali porté par les Kannads (Karnataka), qui consiste en une chaîne d’or ornée de perles de corail et de perles noires autour d’un pendentif en or et le Kumbha tahaali porté au Tamil Nadu.
Le fil peut être simple, selon certains textes il devrait être composé de 108 fils de coton fin, ou issus des fibres végétales de couleurs noirs, jaunes (teints au curcuma), ou bien ce peut être une chaîne ornée de perles, voire une simple chaîne en or.

La cérémonie de Mangalya Dharanam
Le bijou est offert par la famille du marié et remis par son mari à la nouvelle mariée lors d’une cérémonie appelée Mangalya Dharana, le troisième jour de la fête de mariage.
« Ma mère m’a également donné un pendentif venant de son propre tahaali. La veille du mariage, les femmes mariées de la famille ont accroché le tahaali au cordon. Normalement la cérémonie se déroule sur trois jours, le premier on attache le tahaali au cordon et seulement le troisième jour on le met sur la chaîne en or avec les autres pendentifs. Le jour J mon mari me l’a passé autour du cou. »
Au Tamil Nadu l’astrologue décide du moment et de l’heure favorables à la cérémonie du mariage.
Lors de la cérémonie de Mangalya Dharanam, le prêtre récite les prières au-dessus du tahaali, puis il le présente à l’assemblée, posé sur un support et chaque invité vient à son tour réciter une « puja » au-dessus du collier nuptial.

Le prêtre le donne enfin au futur marié qui, debout face à sa future épouse, le met à son cou et le noue de deux nœuds, symboles d’engagement. Pour cela il est assisté de sa sœur ou d’une femme de la famille qui fait un troisième et dernier nœud.
L’épouse porte ainsi le poids des vœux de la famille : premier nœud (Manasa) pour souhaiter la naissance d’un bébé en bonne santé, intelligent, (selon les explications ce premier nœud peut être aussi symbole de dévouement mutuel des deux époux) le deuxième nœud (Vaacha) pour souhaiter au mari santé et réussite professionnelle, le troisième nœud (Karmena) pour sceller les deux premiers et symboliser l’alliance des deux familles et l’engagement de protection de la jeune épousée, par sa nouvelle famille.
Ici les nœuds ont cette valeur symbolique universelle qui on le sait, traverse les sociétés depuis la nuit des temps : ils engagent, protègent, symbolisent l’union, la continuité, le cycle de la vie, la loyauté.
Un objet rituel d’une société séculaire qui célèbre le « pouvoir féminin »
En sanskrit, mangalsutra signifie « fil de bon augure ».
Conformément aux coutumes religieuses et aux attentes sociales, les femmes mariées portent le mangalsutra tout au long de leur vie.
Dans certaines communautés elles le cassent en cas de veuvage, dans d’autres, simplement elles l’enlèvent, voire pour des femmes catholiques, le déposent dans le cercueil de leur époux défunt.
On pense que cette pratique améliore le bien-être du mari et apporte prospérité et bonheur à toute la famille.
La longueur standard de la parure varie entre 60 et 76 cm, mais il peut être plus long ou plus court. La tradition lui concède la propriété de réguler la circulation sanguine de la femme, voilà pourquoi il est conseillé de porter le mangalsutra ou le tahaali directement sur la peau. Le frottement constant de l’or sur le corps, près du cœur, régule la pression artérielle d’une épouse, ce qui ne semble pas être une nécessité pour les hommes qui ne portent sur eux aucun symbole de leur engagement matrimonial.
Dans les régions du nord de l’Inde, le fil sacré est orné de neuf perles noires qui représentent chacune, l’une des neuf formes d’énergie qui protègent des influences négatives. Le pendentif en or représente la déesse Pârvati tandis que chaque perle noire qui l’entoure possède des pouvoirs divins qui symbolisent le Dieu Shiva.

Les perles sont faites d’argile car on pense que la terre absorbe l’énergie négative, tandis que l’amulette en or agit comme un talisman contre le mauvais œil pour préserver le mari et le couple. L’or est un symbole de prospérité et de bien être.
En résumé, l’amour et la sollicitude d’une femme, par le biais du mangalsutra ou du tahaali, exercent une influence magique et bienveillante sur son époux.
On retrouve cette croyance, lors de la fête de karwa-chauth, dans le nord et l’ouest de l’Inde, au cours de laquelle les femmes jeûnent et prient pour la santé et la longévité de leurs maris.
Il se dit que si d’aventure le tahaali se retrouve hors de sa cachette,sous les vêtements de sa propriétaire, au vu et au su de tous, il pourrait recevoir « un coup de mauvais œil », qui risquerait de nuire à la famille.
La gazette raconte qu’une femme humiliée par son époux volage et jaloux, s’entendant dire par celui-ci un jour de grosse dispute : « enlève ton tahaali ! », sous entendu « je ne te veux plus pour femme », prit celui-ci au mot et enleva aussi ses bagues d’orteils. Grave acte de rébellion à l’égard du mari, mais aussi de toute la communauté ! Quelle audace et quel courage pour assumer une telle décision !

Gare ! Si le fil sacré est perdu, volé ou rompu, surtout volontairement, ce n’est pas de bon augure pour la suite du mariage !
La petite histoire du mangalsutra
Ainsi, dans le Purananuru, recueil de poèmes tamouls de cour, de l’ère Sangam (entre le 2e et 5e siècle après JC), l’auteur mentionne une chaîne de mariage sacrée au cou des femmes et d’autres textes du VIe siècle indiquent qu’un fil jaune était noué autour du cou de la mariée pour la protéger des assiduités des autres hommes et des mauvais esprits.
On ne sait pas dater la tradition, mais des textes des XVe et XVIe siècle, rapportent que déjà, le nouage du mangalsutra faisait partie du rituel de mariage.
Dans l’antiquité, mais c’est toujours d’actualité, il se dit que les bijoux de la mariée lui servaient également de garantie financière durant la vieillesse et le veuvage.
Les temps modernes
De nos jours chaque bijoutier du pays a son propre catalogue de différents modèles de mangalsutras et de tahaalis.
Le port de cet ornement a évolué et a été modernisé, les femmes qui travaillent, portent une version plus courte et plus légère du bijou, qui s’ajuste près du cou. Outre l’or et les perles noires sur certains colliers modernes, se rajoutent des pendentifs en forme de fleurs, de cœurs, du signe du zodiaque. Les diamants et autres pierres précieuses peuvent être sertis dans l’or, selon les modèles choisis chez le bijoutier.

Aujourd’hui le nombre des femmes indiennes portant le mangalsutra et le tahaali quotidiennement s’amenuise, cependant chaque femme mariée en possède un qu’elle porte lors des événements importants. Les bijoutiers proposent aussi des bracelets mangalsutra personnalisés. C’est une nouvelle tendance qui s’amorce et semble séduire les jeunes mariées citadines.
Le prix du bijou varie en fonction des matériaux utilisés, du marché de l’or et des pierres précieuses et de son poids. La complexité du design, la réputation du bijoutier sont aussi des variables à prendre en compte. Donc les prix varient de quelques centaines d’euros à des milliers d’euros. En ce moment le prix du gramme d’or 22 carats se situe entre 89 et 94 euros et le bijou porte en général entre 5, 10 voire 30 grammes d’or.
L’or en Inde est considéré communément et plus que n’importe quoi d’autre comme l’investissement le plus sûr. Tout le monde sait que dès qu’une femme a l’opportunité d’avoir un peu d’argent, elle achète un bijou en or, qu’elle pourra revendre plus cher en cas de nécessité. Il existe des applications pour smartphone sur lesquelles il est très simple de suivre le cours de l’or en temps réel dans la ville où l’on vit. Par exemple aujourd’hui le cours du gramme d’or 24 carats à Pondichéry est de 9890 roupies (97, 88€) et le gramme d’or 22 carats est à 9066 roupies (89,72€).

L’achat de ce bijou nécessite souvent un emprunt, mais il représente aussi un investissement sans risque pour l’avenir. Le prix du gramme d’or augmente régulièrement. Un tahaali vu sous cet angle n’est donc pas qu’une dépense quasi obligatoire pour la famille et terriblement coûteuse pour la famille.
Pour rappel; le salaire courant de ceux et surtout de celles, que nous croisons en Inde au quotidien, dans les métiers de services par exemple, sans diplôme et avec peu d’expérience, se situe autour 15000 roupies, soit 150€ par mois.
En conclusion, un film de Bollywood comme un clin d’œil féministe ?
Dans le film de 2016 : Ki & Ka, dont le titre se traduit librement par « à lui et à elle », le réalisateur, R. Balki, fait une proposition audacieuse.
Ki c’est Kabir, qui rêve d’être un homme au foyer se pliant en quatre pour servir sa famille. Ka, c’est Kia, femme avec des ambitions professionnelles, qui refuse de se marier, ne voulant pas rester coincée chez elle pendant que son mari travaille.
Ils se rencontrent, ils sont faits l’un pour l’autre et se marient. Les rôles traditionnels, selon leurs souhaits s’inversent et les complications commencent. Une scène montre la protagoniste féminine, soutien de famille, qui orne amoureusement le cou de son mari au foyer, du mangalsutra.

Ce genre d’inversion des rôles, quoique pour une comédie cinématographique, pose cependant non sans humour la question du rôle et de la place de chacun dans le couple indien contemporain, pris entre tradition et modernité.
Alors la question serait-elle, le mangalsutra est-il symbole de la puissance d’une épouse au sein de son foyer, ou le symbole implicite de sa soumission et de ses devoirs immuables envers son époux et sa famille ?
D’autres hypothèses de discussions sont certainement envisageables, voire plus complexes peut-être et tous les points de vue sont ouverts.
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