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AOC indiennes : les bananes Sirumalai

Les bananes de montagne Sirumalai, originaires du Tamil Nadu, ont obtenu une appellation d’origine contrôlée en 2008-2009. Cultivées dans les Ghâts occidentaux, elles se distinguent par leur petite taille, leur goût doux et leur excellente conservation. Profondément enracinées dans les traditions locales, elles ont longtemps été utilisées dans la préparation du Panchamirtham du temple de Palani. Cependant, leur survie est menacée par la monoculture de la variété Cavendish et le virus BBTV. Leur production reste limitée et locale, ce qui les rend rares sur les marchés urbains. L’Inde, premier producteur mondial de bananes, soutient la conservation des variétés locales par des initiatives comme le prix Udyan Pandit, pour préserver cette richesse agricole et patrimoniale.

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Écrit par Liliam Boti Llanes
Publié le 31 mai 2025, mis à jour le 12 juin 2025

 

Dernier volet de notre série sur les bananes AOC du Tamil Nadu : les Bananes de montagne Sirumalai inscrites au Registre des Appellation d’Origine Contrôlées en 2008-09.

 

Une tradition indienne autour de la banane

S’il y a une chose que l’on connaît bien en Inde, c’est la production - et la consommation - de bananes. On trouve des vendeurs de bananes littéralement partout. Alors que les pommes et les poires restent des fruits de luxe, consommés par une minorité en raison de leur prix élevé, les bananes et les mangues sont les fruits du quotidien pour la majorité de la population.

Au Tamil Nadu, le mukkani ou mukkanigal est une salade de fruits composée uniquement de banane, de mangue et de jacquier. Ces trois fruits, très populaires dans la région, sont prisés autant pour leurs qualités gustatives que pour leur valeur culturelle et leurs vertus médicinales. Le nom du plat provient des mots tamouls Moondru (trois) et Kanigal (fruits). Ces trois fruits possèdent une signification spirituelle profonde et sont souvent offerts dans les rituels religieux. Servir un mukkani est une marque traditionnelle de respect et d’hospitalité.

 

Une production d’envergure mondiale

L’Inde est aujourd’hui le premier producteur de bananes au monde avec 25 % de la production globale. Ces bananes sont majoritairement destinées à la consommation intérieure, mais une petite quantité est également exportée vers l’Europe, l’Afrique du Sud ou la Corée du Sud. Les mangues, dont l’Inde assure plus de la moitié de la récolte mondiale, sont elles aussi consommées localement.

Selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, plus de 1 000 variétés de bananes sont cultivées dans le monde. Pourtant, près de la moitié de la production mondiale repose sur une seule d’entre elles : la Cavendish, qui domine largement les marchés européens et nord-américains. En Inde également, cette variété gagne du terrain, représentant aujourd’hui près d’un quart de la production et de la consommation locales.

 

Le risque de disparition des variétés locales 

Le risque de disparition des variétés locales de bananes s’accentue chaque année, en raison de l’expansion mondiale de la monoculture de la variété Cavendish. Or, la préservation des espèces autochtones de fruits constitue aujourd’hui un enjeu crucial, notamment en Inde, où de nombreuses variétés locales ne sont produites qu’en faibles quantités.

Pour encourager leur sauvegarde, le gouvernement indien décerne le prestigieux « Plant Genome Saviour Award », aussi appelé Prix Udyan Pandit, remis par le Conseil national de l’horticulture, un organisme dépendant du ministère de l’Agriculture et du Bien-être des agriculteurs dont la mission est de promouvoir l’horticulture, soutenir la profession agricole et favoriser l’accroissement de la productivité et de la rentabilité des cultures. Ce prix récompense les efforts exemplaires en matière de développement de variétés naturelles indigènes.

Attribué au niveau régional et national, il concerne plusieurs fruits : pomme, banane, mangue, ananas, mandarine, orange, raisin et goyave. Bien qu’il soit difficile de trouver des informations sur les lauréats, on sait qu’en 1962, le prix Udyan Pandit du meilleur producteur de bananes a été attribué à Shri Nagarajan, un cultivateur local reconnu pour son travail de préservation des bananes de montagne.

 

Des variétés protégées par des appellations d’origine

Parmi les nombreuses variétés cultivées en Inde, seules quelques-unes bénéficient à ce jour d’une inscription au registre des appellations d’origine contrôlée (AOC). Dans l’État du Tamil Nadu, les bananes de montagne Sirumalai, Virupakshi et, plus récemment, la Matti de Kanyakumari, sont les seules variétés officiellement reconnues.

À l’échelle nationale, seules dix-huit variétés ont obtenu ce statut, dont la banane Najanagud et la banane rouge Kamalapur du Karnataka, ainsi que la banane Chengalikodan du Kerala.

 

 

Sirumalai Bananas
Source : @APEDAMOC (Agricultural and Processed Food Products Export Development Authority).

 

Un ingrédient sacré ?

Mais pour combien de temps encore, si rien n’est fait rapidement ?

Les bananes Sirumalai et Virupakshi, toutes deux inscrites au registre des AOC et cultivées dans la même région, sont traditionnellement utilisées pour préparer le Panchamirtham, une offrande sacrée (prasadam) très prisée des pèlerins du temple de Palani. Depuis peu, ces variétés sont remplacées par une autre, la Karpooravalli, cultivée dans le sud du Tamil Nadu.

Ce changement n’est pas anodin : le temple dédié au dieu hindou Murugan attire chaque année plus de 25 millions de fidèles, chacun recevant une portion de ce prasadam après sa visite.

 

AOC indiennes : la banane Virupakshi

 

La cause de cette substitution ? La résurgence du Banana Bunchy Top Virus (BBTV), un virus redoutable apparu dans la région dans les années 1970, qui avait déjà failli éradiquer la banane Sirumalai. Sa sauvegarde n’a été possible que grâce à la création de la Fédération des producteurs de bananes de montagne et à un partenariat avec le gouvernement, permettant son inscription sur la liste des espèces en danger critique d’extinction.

 

Comment reconnaître la banane Sirumalai ?

La banane Sirumalai est de taille petite à moyenne, bien que l’arbre atteigne 3 mètres de hauteur. Le fruit arbore une couleur jaune vif, avec une teinte verdâtre à l’extrémité de la tige, et offre une saveur douce et caractéristique. La première récolte intervient 15 mois après la plantation, puis tous les 8 mois environ, jusqu’à la fin de la durée de vie de l’arbre (environ 6 ans).

Le fruit est doté d’une peau épaisse, ce qui permet une conservation après récolte d’environ 10 jours à température ambiante. Selon les habitants de la région, la banane Sirumalai ne se détériore jamais et son goût s’améliore même avec le temps. Même lorsque la peau noircit, la chair demeure parfaitement comestible.

 

Plantation de bananiers Inde
Source : ProMusa.org
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Où pousse la banane Sirumalai ?

Les bananes Sirumalai poussent exclusivement entre 600 et 1 000 mètres d’altitude, dans la région des Ghâts occidentaux. Cette chaîne de montagnes, parallèle à la côte, sépare les États du Kerala et du Tamil Nadu, mais commence beaucoup plus au nord, dans l’État du Gujarat, et s’étend également au Maharashtra, à Goa et au Karnataka.

 

Ghâts Occidentaux
Source : ProMusa.org
 

 

Il ne faut pas confondre le mot Ghat (montagnes) avec le terme ghat en hindi et en anglais, qui désigne des escaliers menant à une rivière, un lac, un étang ou un bassin. En Inde, ce dernier terme fait référence aux marches situées au bord d’un fleuve sacré dans les villes saintes, comme les célèbres Ghats de Varanasi sur les rives du Gange.

 

Un fruit rare sur les marchés urbains

Il est difficile de trouver les bananes Sirumalai sur les marchés de Chennai, car la majorité de la production est consommée localement. Leur prix moyen avoisine les 80 INR par kilo.

 

Inde Vendeur de bananes
Photo : Morgane Bauer Le Gal

 

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