Lepetitjournal donne la parole à Thibaut, grand passionné de treks partout dans le monde, avec ou sans sa famille. Il nous raconte aujourd’hui son aventure au cœur de la Vallée de Sham dans le Ladakh, au nord de l’Inde, avec sa femme, Romy et ses deux enfants. Il a fait appel à l’agence https://www. trekkinginladakhzanskar.com, qu’il recommande vivement.
Avant le trek...
Adulte ou enfant, un voyage au Ladakh commence par quelques jours à Leh pour s'acclimater à l'altitude d'environ 3500 m. Ma femme et mes enfants sont arrivés de Chennai (via Delhi) le dimanche matin et notre trek commence le mercredi matin. Ma fille, 6 ans, ne semble pas du tout affectée par l'altitude. Elle ne se plaint pas de maux de tête, dort bien et monte les escaliers de l'hôtel Lingzi comme ceux de notre maison à Chennai! J'ai moi-même du mal à la suivre. En revanche, Romy et mon fils, 4 ans, souffrent de l'altitude. Ceci illustre que l'âge n'a pas grand-chose à voir avec le mal des montagnes, élément sur lequel nous nous étions beaucoup questionnés.
Nous profitons de la journée à Leh pour équiper nos petits Madrasiens en gants et chaussettes de laine. Le bazar de Leh nous donne aussi l'occasion de manger des abricots frais, des pommes, et de trouver une grande variété de fruits secs à bon prix. Si la plupart viennent du Ladakh ou du reste du Jammu et Cachemire, quelques-uns sont importés d'Afghanistan. Sont-ils venus en camion via le Pakistan, et si oui, où ont-ils passé la frontière ? Quoiqu'il en soit, cela me plaît d'y voir la continuité d'un commerce millénaire le long de la route de la soie.
Le mardi, nous partons en excursion près du monastère de Hemis. Y étant passé au début de mon périple à vélo, j'avais éprouvé une sensation de bien-être à me retrouver immergé dans les couleurs, les odeurs et les sons d'un bois de peupliers pendant l'automne. Nous effectuons ainsi la même marche qui mène du monastère à la grotte. Cette atmosphère automnale est très exotique pour mon fils qui vit en Inde depuis ses deux ans. Pour mon épouse et moi, la marche est éprouvante. Ce ne sont que cinq kilomètres aller-retour, mais entre ma fatigue et son manque d'acclimatation, porter les enfants et les affaires jusqu'à presque 4000 m sur un sentier abrupt s'avère ardu. Nous revenons si tard que Romy ne peut plus visiter le monastère.
De Likir à Yanghthang
Le lendemain matin, notre guide de Djule Adventure vient nous chercher à l'hôtel pour rejoindre le point de départ du trek. Il faut compter environ une heure et demie de route pour rejoindre les environs de Likir. Nous empruntons la Leh–Srinagar Highway. La route surplombe l'Indus et passe au-dessus de son point de sa confluence avec la rivière Zanskar. La matinée est déjà bien entamée lorsque nous commençons à marcher. La voiture nous a laissés au milieu de nulle part, immergés dans cet environnement minéral qui fait la réputation du Ladakh. Les montagnes arborent tout un ensemble de teintes : du jaune au orange en passant par des teintes rouges et vertes. Le relief de canyons fait penser aux photos de la sonde Curiosity sur la planète Mars. J'ai beau avoir une certaine habitude du Ladakh, je reste émerveillé par ce paysage.
Le trek sur lequel nous nous engageons a pour particularité de n'être jamais très éloigné d'une petite route qui relie les petits villages de Yangthang, Hemis Shukpachen et Temisgang. Ainsi au lieu de porteurs, une voiture nous suit de jamais très loin. C'est aussi un gage de sécurité appréciable avec de jeunes enfants. Il ne faut pas s'imaginer pour autant que nous trekkons au milieu des voitures. La route et le sentier ne se recoupent que rarement, et il n’y a quasiment aucune circulation dans cette vallée reculée. Après le pique-nique, nous franchissons un petit col légèrement au-dessus de 3700 m puis redescendons vers Yangthang.
Comme les autres villages, il s'étend à flanc de montagne près d'une rivière bordée de peupliers. Les champs en terrasse tout autour doivent être verts, plus tôt dans la saison. La végétation est rouge et jaune en ce mois d’octobre. A mon étonnement, il y a encore des abricots frais sur les arbres. D'autres sèchent sur les toits, tandis que les noyaux sont mis de côté pour produire de l'huile. Notre homestay est une maison traditionnelle en torchis, blanchie à la chaux. Nos hôtes travaillent jusqu'à la tombée de la nuit. Le mari et son fils construisent un toit. La femme de la maison rentre le animaux pour la nuit : deux vaches, un veau, un bébé yak et un âne. Ce village étant connu pour être sur le territoire du léopard des neiges, mieux ne vaut pas les laisser dehors la nuit !
Petits cols, petits villages, grands paysages
La deuxième étape consiste à monter au col du Tsermangchen, 3900 m d'altitude. Après un petit moment passé dans mon dos, ma fille décide de marcher comme elle l'avait déjà fait la veille. Stanzin, notre guide, lui laisse tout le temps qu'il faut pour marcher à son rythme. Passé le col, elle décide de marcher sur toute la descente qui mène à Hemis Shukpachen. Stanzin aimant bien couper le chemin par des raccourcis, la descente est parfois acrobatique ! Le village pittoresque dans lequel nous arrivons est dominé par un petit gompa et son gigantesque Bouddha doré. Le soir, notre hôte nous cuisine la thukpa, un plat de pâtes traditionnelles ladakhis confectionnées sous nos yeux. Elle fait la cuisine au gaz et non sur le poêle, dans une maison en béton. Revers de cette modernité, il fait bien plus froid ici que dans une maison traditionnelle où règne la chaleur du poêle maintenue pendant la nuit grâce aux murs en torchis plus isolants.
Le lendemain matin, nous partons de bonne heure car le guide annonce une journée difficile avec le col de Mebtak (3720m). Au départ, mon fils est pris d'une envie de gravir la montagne tout seul. Il part devant avec le guide, et nous suivons plus loin derrière. Nous apercevons en marchant un gros « lièvre laineux du Tibet » puis un renard, sans compter les nombreuses perdrix. Passé un col intermédiaire, le sentier descend abruptement dans une combe, continue à flanc de montagne sur des éboulis qui tendent à se dérober sous nos pas, puis grimpe de nouveau jusqu'au col. Les enfants dorment dans notre dos, il faut donc en profiter pour marcher vite. Ce faisant, on ne se lasse pas d'admirer l'enchevêtrement des roches ocres et vertes. Il y aussi une forte odeur de lavande dans l'air. Ce n'est pas la même variété que celle des jours précédents, son odeur à quelque chose de presque chimique.
Quand les enfants se réveillent, nous démarrons un rituel bien établi depuis le temps que nous les portons de cette manière. Il faut se dépêcher de leur retirer leurs vêtements mouillés de transpiration au contact de notre dos, et vite les changer en pleine nature. Bien reposés, ils repartent tous les deux à pied de bon cœur en simulant un petit train qui dévalerait la pente. Nous arrivons en début d'après-midi au village d'Ang où nous déjeunons au bord d'une belle rivière. Comme le plus souvent au Ladakh, il n'y a quasiment pas un détritus. Dans le reste de l'Inde peu de rivières de zones habitées peuvent se targuer de ne pas être un dépotoir. La fin de l'étape se fait sur la route-piste qui mène à Temisgang (un seul véhicule croisé en deux heures). Tout le long du trajet, des pommiers, des peupliers, des abricotiers et même des noyers bordent la rivière. Quel plaisir de manger des noix fraîches à l'arrivée !
Après la visite du petit monastère qui domine Temisgang, nous commençons notre quatrième et dernière étape. Stanzin nous fait prendre un « raccourci » qui coupe tout droit du village au col de Bongbong, 300m plus haut, là où le chemin fait de longs lacets. Paradoxalement, ces passages difficiles motivent particulièrement les enfants qui y voient un défi. Qui plus est, ils se prennent au jeu de rechercher des jolies pierres. Arrivés au col, nous avons les poches pleines d'échantillons de roches et il nous faut une longue pause pour les trier. Et si une passion pour la géologie était née? De retour à Chennai, l'intérêt pour ces pierres continue, nourri par les livres de la bibliothèque…
Quant à la fin de notre trek, c'est une longue descente dans un décor minéral qui ne cesse de nous émerveiller malgré quatre jours passés à l'arpenter. Nous arrivons au lieu-dit Balukhar, fin de la marche. Le chemin débouche soudainement sur la Srinagar–Leh Highway, où notre voiture nous attend. Après un crochet pour visiter le fameux monastère d'Alchi, nous regagnons enfin Leh d'où notre vol part le lendemain. Il y a onze ans, mon père me faisait découvrir le Ladakh. Cela me paraît être hier… et je viens déjà de faire découvrir le Ladakh à mes propres enfants.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le voyage Thibaut et sa famille, contactez chennai@lepetitjournal.com qui vous fournira ses coordonnées personnelles. Vous pouvez suivre aussi toutes ses aventures sur son blog : http://dingfamille.over-blog.com/