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HOPITAL - Le projet de loi Bachelot provoque une poussée de fièvre

Nouvelle réforme, nouveaux affrontements. Au centre du conflit, le projet de loi "Hôpital, Patients, Santé, Territoires"(HPST). D'un côté, Roselyne Bachelot, qui ne comprend pas pourquoi sa loi suscite tant d'opposition, elle qui, pourtant, "protège le pouvoir des médecins". De l'autre, des médecins et personnels hospitaliers qui dénoncent un texte qui porte en lui "la disparition de la médecine hospitalière au profit d'une médecine mercantile". Et dans la rue comme dans les hôpitaux, une grogne qui prend de l'ampleur
Lire aussi : Communication par tribunes interposées

(Rédaction internationale) - Après la réforme des universités, c'est maintenant la réforme de l'hôpital qui fait parler d'elle. Jeudi 16 avril, 25 professeurs de médecine de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris faisaient paraître une tribune pour protester contre le projet de loi "Hôpital, Patients, Santé, Territoires"(HPST) porté par Roselyne Bachelot (AFP), qui porte en lui "la disparition de la médecine hospitalière au profit d'une médecine mercantile".
Aujourd'hui, personnel hospitalier et usagers de l'hôpital public seront dans la rue, à Paris et dans plusieurs villes de province, pour affirmer leur opposition à ce projet de loi. Le texte, déjà adopté par l'Assemblée Nationale, sera soumis au Sénat à partir du 11 mai. Roselyne Bachelot a admis que le texte était "perfectible", et les personnels hospitaliers entendent bien avoir leur mot à dire. Au c?ur du conflit, le renforcement du pouvoir des directeurs d'hôpitaux, et la protection de l'hôpital public.

Le pouvoir des médecins
La loi HTSP prévoit de créer des Agences régionales de santé (ARS), dont les directeurs seront nommés en Conseil des ministres. Ces ARS désigneront les directeurs d'hôpitaux, qui à leur tour choisiront les directeurs de pôles dans les établissements et pourront être seuls responsables du recrutement du personnel. Pour Pierre Bourgeois, chef de service à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et l'un des signataires de l'appel, "c'est donc un peu comme si le ministère dirigeait directement l'hôpital". Les conseils d'administrations seront transformés en conseils de surveillances, et les représentants du personnel et des patients n'auront plus qu'un rôle consultatif. De plus, le projet de loi permettrait de nommer des personnes non issues du secteur médical. Pour Bernard Debré, député UMP et professeur de médecine, la loi "instaure un patron qui n'est pas un médecin et qui a tous les pouvoirs, même médicaux".
Nicolas Sarkozy est très attaché à cet aspect de la réforme, comme il l'a fait savoir à plusieurs reprises : il veut "un et un seul patron à l'hôpital". Mais sur ce point la mobilisation semble d'ores et déjà porter ses fruits. L'ancien Premier ministre et sénateur UMP Jean-Pierre Raffarin a fait un pas en direction des opposants à la loi. Estimant qu'on ne peut "pas considérer le directeur de l'hôpital comme un PDG", il a fait savoir que le projet de loi serait "fortement"transformé par le Sénat afin de "rééquilibrer les responsabilités entre l'administration et la médecine au sein de la gouvernance".

La mort de l'hôpital public ?
Les opposants au projet de loi estiment également qu'il organise la destruction de l'hôpital public, en le soumettant à une logique de rentabilité, notamment à travers le développement de partenariats avec les cliniques et une hausse du financement public de ces dernières, ou l'organisation de pôles d'activité (qui, combinés avec la tarification à l'activité mise en place dans le cadre du Plan hôpital 2007, encourage les établissements à privilégier certaines activités jugées plus rentables). Et la volonté affirmée par Roselyne Bachelot de revenir sur les limitations de dépassements d'honoraires imposées aux cliniques n'est pas faite pour rassurer les défenseurs de l'hôpital public.

Un mouvement de mandarins?
La stratégie de Roselyne Bachelot a été, jusqu'à présent, de tenter de minimiser la portée de la contestation en la faisant présentant comme un repli corporatiste de "pontes"de l'hôpital. Au lendemain de la publication de l'"appel des 25", elle déclarait : "il y a 900.000 personnes à l'hôpital public, dont 100.000 médecins. Je suis toujours très intéressée quand 25 grand patrons prennent la plume pour me dire un certain nombre de choses". Mais, depuis, l'appel a pris de l'ampleur, et il a recueilli à ce jour près de 18.000 signatures. Plusieurs syndicats d'infirmières, de psychiatres et de médecins hospitaliers ont apporté leur soutien au mouvement. Quant à ceux qui accusent les médecins hospitaliers de vouloir "garder leur pouvoir", les 25 ont prévenu que, si le gouvernement refuse de les entendre, ils présenteraient leur démission.
L'ensemble des acteurs de l'hôpital public s'accorde à dire qu'une réforme est absolument nécessaire. Mais ce que dénoncent avant tout les opposants au projet de loi HPST, c'est la "pensée marchande"qui le guide. Et la mobilisation autour de ce projet de loi à le mérite de poser une question fondamentale : l'hôpital public doit-il à tout prix être rentable ?
Audrey Vassalli (www.lepetitjournal.com) Mardi 28 avril 2009

Pour en savoir plus :
Le Monde : Le syndrome des universités gagne l'hôpital
Le Nouvel Observateur : La communauté hospitalière se mobilise contre la loi Bachelot


Communication par tribunes interposées
Le premier constat à tirer de cette nouvelle mobilisation est l'échec de la communication entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Si Roselyne Bachelot assure que la préparation du projet de loi a donné lieu à "un travail de concertation sans précédent", une partie du personnel hospitalier estime ne pas avoir été prise en compte. Pour faire entendre leur voix, 25 professeurs de médecine des hôpitaux parisiens ont publié dans Le Nouvel Observateur une tribune protestant contre le projet de loi HPST, dont "le maître mot", selon eux, "n'est plus la santé mais la rentabilité"et demandant l'organisation d'"états généraux de l'hôpital public". Quelques jours plus tard, Roselyne Bachelot publiait à son tour une tribune dans Le Figaro, défendant et expliquant point par point son projet de loi, et accusant les médecins de ne pas l'avoir lu. C'est à nouveau par une tribune, dans le Nouvel Observateur que les 25 lui ont répondu. A.V. (www.lepetitjournal.com) mardi 28 avril 2009

Le Nouvel Observateur : Contre la mort de l'hôpital public : l'appel des 25
Le Figaro : La réponse de Roselyne Bachelot à l'appel des 25
Le nouvel Observateur : "Les 25 Professeurs caricaturistes et ignorants répondent à la Ministre de la Santé"


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