Le 26 mars, une manifestation contre un projet du gouvernement à Tseung Kwan O s’est tenue dans un contexte tout à fait inédit : chaque participant a dû porter une étiquette avec un numéro autour du cou, dans un cortège limité à 100 personnes. La police hongkongaise avait en effet imposé ces conditions pour le déroulement de la marche afin d’empêcher, selon elle, "les criminels" de s’y mêler. La question est désormais de savoir si de telles conditions seront l’exception ou la règle pour le futur des manifestations à Hong Kong. La réponse est contenue dans la question.
Première manifestation depuis la fin des restrictions sanitaires
Les autorités entendaient montrer à travers cette marche que la liberté de réunion était toujours intacte depuis 2019, et que des manifestations portant sur des sujets de construction urbaine ou sur des enjeux sans lien direct avec le système politique pouvaient se dérouler dans le calme et le respect des revendications. Dans le cadre de cette première manifestation autorisée depuis la fin des restrictions liées au covid-19, la police a mis en place un nouveau dispositif bien plus restrictif qu’auparavant.
Le groupe de résidents qui organisait cette manifestation, parmi lesquels des associations comme le Concern Group For Tseung Kwan O People's Livelihood, entendait dénoncer un projet de récupération de terres dans le sud-ouest de Tseung Kwan O pour la construction de larges installations, notamment une usine de béton, un centre de transfert pour les déchets de construction et une station de collecte des ordures ménagères.
Une lettre de non-objection pour organiser la manifestation a été accordée par la police, mais cette lettre était assortie de conditions, comme la stricte limite du nombre de participants en ne distribuant que 100 plaques d'identification. Ces conditions entendaient respecter les exigences de la Loi de Sécurité Nationale, promulguée en juillet 2020.
Huit à dix lotissements étaient concernés, et souvent opposés au projet. Avant que le nombre d’autorisations soit révélé par la police, environ 300 résidents de deux lotissements privés s'étaient déjà inscrits à ce rassemblement. Cependant, au nom de "l’opposition de certains résidents" à la manifestation, la police a souhaité s’assurer du respect de la sécurité publique.
Un climat tendu précédant la manifestation
Lorsque cette manifestation a été autorisée, d'autres tentatives de rassemblement avaient déjà fait naître certaines tensions. Le 5 mars l'association des travailleuses de Hong Kong avait fini par annuler une marche organisée à l'occasion de la Journée internationale de la femme, des pressions reçues par la police ayant semble-t-il eu raison de l’événement. Les forces de l'ordre avaient indiqué craindre que des gangs violents puissent se trouver dans le cortège.
Pour cette fois, malgré la surprise des résidents du quartier devant de telles restrictions imposées, la manifestation a pu avoir lieu. Les participants de TKO n'ont pas pu porter de masque en vertu de la loi anti-masques, notamment utilisée pour faciliter l’identification lors des « troubles » de 2019. Paradoxe alors qu'il y a deux mois à peine, on arrêtait des protestataires pour non-port du masque devant le tribunal chargé de juger les 47 leaders démocrates.
Les manifestants ont critiqué des restrictions "insultantes", selon leurs propres mots, en expliquant que ces dernières avaient dissuadé bon nombre d’habitants de se joindre à la marche. La police avait également obligé les manifestants à marcher à l'intérieur d'un cordon afin de s'assurer que personne d'autre ne puisse les rejoindre.
Un porte-parole de la police a déclaré, quant à lui, que ces mesures étaient nécessaires pour gérer la marche au vu des risques encourus, "au regard de l'expérience passée". Le chef de la sécurité de Hong Kong, Chris Tang, allant plus loin, a même affirmé que les plus vifs détracteurs des étiquettes d'identification pour les manifestants souhaitaient "mettre en danger la sécurité nationale".
De nouvelles méthodes de la part des autorités ?
Concernant "l’étiquetage" des manifestants, leur identification systématique, il semble que les autorités souhaitent continuer à avoir recours à ce dispositif puisque si 13 "marches" ont été autorisées le week-end du 1er avril, nombreuses sont celles qui l'ont été dans des conditions similaires. La marche des catholiques à l'occasion des rameaux a pu avoir lieu sans identification, mais 6 des 13 rassemblement ont du se soumettre à ces mêmes contraintes en plus de l'interdiction de porter un masque. Le plus grand évènement concernait 700 personnes célébrant Pâques et qui ont du porter un chapeau spécial et des badges d'identification et constituer 3 groupes de 200 à 250 personnes.
Quel que soit le futur de cette façon de procéder pour le moins originale, ces nouvelles restrictions sont le signe d’un changement de paradigme au sein des forces de l’ordre. Une liberté relative de manifester est toujours tolérée, mais certaines limites sont désormais posées. Il sera en effet inenvisageable à l’avenir d’organiser des rassemblements publics de plusieurs milliers de personnes comme ce fut le cas en 2019 où une marche avait réuni 2 millions de personnes soit un tiers de la population de Hong Kong. Une page est bel et bien tournée.