L’annonce par le gouvernement hongkongais fin janvier du projet de construction de logements sociaux à Kai Tak fait réagir les acheteurs de biens immobiliers de prestige dans la zone.
La transformation de Kai Tak
La métamorphose du site de Kai Tak n’est pas un projet neuf. Annoncé il y a plus de dix ans, il s’agit de faire du site de l’ancien aéroport le « deuxième quartier central des affaires » de la ville, ou CBD2, en plus de créer un grand espace sportif et résidentiel. Les plans prévoient la construction d’hôtels, d’espaces de loisirs, de lotissements, d’un centre commercial, et d’un terminal de croisière, sans oublier le large complexe sportif polyvalent. L’emplacement semblait parfait, à Kowloon Central, avec une vue imprenable sur Hong Kong Island.
Des milliers d’acheteurs se sont rués sur les appartements mis en vente par des promoteurs privés depuis 2016. Certains appartements ont atteint des prix astronomiques, 105 millions de dollars hongkongais pour le plus cher d’entre eux.
Ce beau projet est cependant apparu compromis lorsque la secrétaire au logement Winnie Ho a déclaré le 30 janvier que le gouvernement avait proposé de construire 10 700 logements publics temporaires dans la zone, à côté des complexes commerciaux et résidentiels de luxe à venir.
Manque de concertation initial
Les promoteurs et les futurs résidents, tout nouveaux propriétaires, se sont empressés de dénoncer le manque de concertation. Plusieurs dizaines d’entre eux se sont rendus devant les bureaux du gouvernement à Admiralty, pour manifester leur mécontentement. Les appartement dont la vue sera bloquée par les nouvelles infrastructures pourraient voir leurs prix chuter de 10 à 15 %.
Une pétition pour s’opposer à la construction a recueilli plus de 12 000 signatures en trois jours. C’est dire la vive opposition des résidents, alors que la ministre du logement présentait le plan comme un « canot de sauvetage » éphémère, qui ne perturberait pas l’utilisation commerciale de la zone à partir de 2031.
Le groupe de manifestants a demandé aux autorités de renoncer aux constructions à Kai Tak, sans pour autant s’opposer à la mise en œuvre du programme global annoncé par John Lee dans son discours de politique générale, à savoir l’édification de 30 000 logements publics temporaires d’ici à 2026.
Augmenter l'offre de logements de 50%
Ces milliers de logements seront construits sur huit sites d’ici trois ans, et seront utilisables pendant au moins cinq ans. Le but de ce vaste programme est de faciliter l’obtention de logements publics en réduisant le temps d’attente pour ces appartements permanents de six ans, à quatre ans et demi, d’ici à 2027. 234 000 demandeurs sont en effet inscrits sur la liste d'attente pour des appartements publics. L’offre globale de logement devrait ainsi augmenter de 50% d’ici 5 ans. Coût du projet ? 26,4 milliards de dollars hongkongais.
Le groupe de résidents de Kai Tak qui manifestait encore la semaine dernière a demandé plus de détails sur les coûts du projet, en critiquant son opacité.
Le gouvernement de Hong Kong se veut rassurant
Au départ très sceptiques et inquiets, les promoteurs privés ont adouci leur opposition au projet, se disant très conscients des besoins pressants en matière de logement.
Un accord a été conclu avec le gouvernement quant à ces logements, à condition qu'ils ne soient pas construits sur l'ancienne piste d'atterrissage, qui demeure le site privilégié pour les appartements privés de luxe avec vue sur la mer.
L’autre point noir du projet sur lequel les promoteurs souhaitaient des explications concernait le transport. Ils craignaient que le réseau ne soit pas en mesure de faire face à un tel afflux de résidents, surtout en si peu de temps. Le gouvernement s’est cependant montré rassurant, il a garanti que la proximité de la station MTR et le faible nombre actuel de passagers quotidiens – environ 50% de la capacité – fluidifieraient naturellement le trafic. En plus de cela, les autorités ont assuré qu’elles mettraient en place les bus nécessaires pour éviter l’engorgement de la zone.
Ainsi, malgré les reproches adressés au gouvernement – ne pas suffisamment tenir compte du plan directeur dans le projet initial, et retarder l'évolution des prix résidentiels de Kai Tak par rapport à la tendance générale de Kowloon – plus de 8500 unités supplémentaires appartenant aux plus grands promoteurs de la ville devraient être mises en vente cette année.
Répondre à l'urgence des besoins en logements
La plupart des 17 000 appartements de la première phase du nouveau programme de "logements publics légers" seront donc construits à Kai Tak. Les 13 000 autres viendront par la suite, notamment à Sheung Shui, Tuen Mun, Chai Wan et Siu Lam. Cette deuxième phase sera achevée en 2028
Les loyers mensuels varieront de 780 HK$ à 2 650 HK$ pour les plus grands pouvant accueillir jusqu’à cinq occupants. Il s’agit d’améliorer considérablement les conditions de vie des personnes qui vivent actuellement dans des appartements subdivisés et souvent délabrés. D’autant plus que loyer médian de ces appartements descend rarement en dessous de 5 000 HK$.
Les conditions d’accès à ce programme sont restreintes, seuls les demandeurs de logements publics qui ont passé plus de trois ans à attendre pourront en bénéficier. C’est dire l’urgence dans laquelle se trouvent aujourd’hui les autorités face à l’afflux de travailleurs pauvres.
C’est donc un projet ambitieux de long-terme, qui a pour objectif de fournir un espace de vie décent pour vivre et pour étudier. Le gouvernement rappelle que la société devra payer le prix en matière de soins et d'éducation si les personnes dans le besoin devaient ne pas être prises en charge et continuer à vivre dans des logements dégradés.