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Néocolonialisme vs Patriotisme: un dualisme paradoxal à Hong Kong

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Écrit par Regards hongkongais de HKBU European Studies - French Stream
Publié le 3 mai 2018, mis à jour le 3 mai 2018

Les Hongkongais peuvent-ils se sentir Chinois? Les espoirs sont minces… Point de vue d’un étudiant chinois à Hong Kong.

4 Hongkongais sur 10 veulent quitter Hong Kong...

“Le patriotisme est un argument politique pour le parti communiste. Le pays est une grande famille heureuse. Vous devez être fier de votre pays, sinon vous êtes un traître”. Cette phrase est celle de Charles, mon voisin, qui habite à Hong Kong depuis sa naissance. Ce dernier me dit qu’il va immigrer au Canada l’année prochaine. Il est triste d’avoir à prendre cette décision, mais il croit que c’est le moment de partir, parce que Hong Kong n’est plus Hong Kong pour lui.

En fait, il n'est pas le seul dans ce cas. Selon les chiffres officiels, 18.900 Hongkongais ont immigré** entre 2015 et 2016 et cette tendance continue. Pourquoi?

"Un pays, deux systèmes": un principe illusoire

Certains Hongkongais, à qui je demandais ce qu’ils pensaient de la rétrocession, m’ont expliqué leur point de vue et combien cela a changé leur vie. Souvent, ils ne peuvent cacher leur déception à l’égard des changements quotidiens que cela a entrainé.

Beaucoup de résidents de Hong Kong ont le sentiment que ce qui s’est passé en 1997 - la fin du bail de 99 ans établi entre l'Empire du Grand Qing et l'Empire britannique - n’est pas tant une rétrocession qu’une nouvelle forme de colonisation. Les Hongkongais sont pessimistes car cette politique dite d’"un pays, deux systèmes" qui se doit de concilier progressivement, sur une période de 50 ans, l’inconciliable, est un leurre.

Les exemples concrets qui attestent de l'impossibilité de résoudre la quadrature du cercle sont nombreux. Pour n’illustrer que les points de friction qui touchent au système judiciaire, prenons le cas du libraire Lee Bo, qui (n’) avait (pas si) mystérieusement disparu en décembre 2016. On se rend compte que le gouvernement chinois a pu contourner sans difficulté les règles en vigueur à Hong Kong au nom de la sécurité de l’Etat et enlever ce  libraire gênant à leurs yeux sans que Hong Kong n’ait son mot à dire… 

Colonisation culturelle 

"Un pays, deux systèmes": cela peut-il vraiment marcher ? Je ne crois pas. Charles, mon voisin hongkongais, le visage sombre, pense la même chose : “Hong Kong va peu à peu devenir une province comme les autres où la liberté et les droits de l'homme ne seront pas respectés ”.

Hong Kong est petit à petit culturellement recolonisé: on veut introduire des cours d’éducation nationale dès l’école primaire pour renforcer la "conscience de l'identité nationale" et nourrir le patriotisme envers la Chine ; les étudiants à l’université doivent apprendre le mandarin pour obtenir leur diplôme de fin d’études, etc... Le style de vie va changer, a déjà commencé à changer...

Mécontentement croissant 

Cette politique d'assimilation forcée suscite de nombreuses polémiques. Les Hongkongais en ont assez de la propagande du parti communiste à l’école, dans les médias... Si au moins la qualité de vie s'était améliorée depuis 20 ans… Mais c’est loin d’être le cas, sauf si vous êtes un baron de la finance ou de l’immobilier! La classe moyenne, elle, subit, et de plein fouet depuis une quinzaine d’années, la hausse du coût de la vie, que ce soit pour les denrées les plus quotidiennes jusqu’aux prix exorbitants des logements, alimentant ainsi un mécontentement croissant.

Les manifestations en 2014 n'ont cependant rien changé si ce n’est de donner l’occasion au gouvernement chinois de resserrer l’étau et son emprise sur la politique hongkongaise - le pouvoir central ayant très peur en effet que les velléités indépendantistes de Hong Kong se répandent comme une traînée de poudre sur le continent…  Les reculs sociaux après la rétrocession semblent donc inévitables et il est bien difficile dans ces conditions, qu’on peut qualifier de néocolonialistes, de devenir patriotique et d’aimer son pays.

En conclusion, pour faire advenir cette nation - une et unie - tant voulue par Pékin, les propos d’Ernest Renan dans Qu’est-ce qu’une nation? paraissent toujours d’actualité et nous donnent encore et toujours à penser : 

“Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis.”

* Sondage mené en septembre 2016 par le Hong Kong Institute of Asia Pacific de la Chinese University
** Chiffres repris par le journal chinois Epoch Times

 

Torres Yicheng Zhou Université Baptiste de Hong Kong

 

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