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3 femmes qui ont marqué Hong Kong

En amont de la Journée Internationale des droits des femmes qui aura lieu le 8 mars, notre équipe a retracé le parcours de trois femmes qui ont marqué l'histoire de Hong Kong et en ce faisant, ont contribué à faire avancer non seulement les droits des femmes, mais aussi toute la société hongkongaise. 

Journée femmes Hong KongJournée femmes Hong Kong
Wikimedia Commons
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 7 mars 2022, mis à jour le 21 juin 2024

 

Ellen Li Shu-pui, parlementaire à Hong Kong

Le visage encadré par des lunettes, un regard perspicace et une coiffure rigide, un peu sévère, adoucie par un sourire à peine esquissé, voilà l’image que renvoie Ellen Li Shu-pui, la première femme à avoir été nommée au Conseil législatif de Hong Kong.

Ellen est née en 1908 au sein d’une riche famille venue du Fujian. Elle grandit à Hong Kong, mais déménage en Chine pour faire ses études à l’université de Shanghai, elle est une des rares femmes de la faculté. Une fois son diplôme de gestion d'entreprise en main, elle revient à Hong Kong, où elle fonde le Chinese Women’s Club en 1938. Une association qui pendant la guerre, aidait les réfugiés et les soldats blessés, et qui après la guerre, offrait des formations aux milliers des femmes migrantes à Hong Kong.

 

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Ellen Li Shu-pui - photo@wikimedia Commons

Engagée pour les droits des femmes à Hong Kong

Au sein de l’organisation, elle militait pour l'égalité des femmes sur le lieu de travail (égalité des salaires) et dans le mariage (droits de succession). Le club a créé des hospices, des centres pour enfants et des écoles pour femmes ayant un faible niveau d'instruction. Ce n’était que la première étape d'un long parcours dans sa lutte pour l’égalité des droits. Elle est nommée juge de paix en 1948 et accède au Conseil législatif de Hong Kong en 1965, la première femme à y arriver.

Un autre jalon important pour les droits des femmes a été la fondation du Planning Familial en 1951, mais peut-être le plus mémorable de ses accomplissements fut, après 20 ans de campagne, l’adoption du projet de loi sur le mariage, qui a rendu la polygamie illégale, une véritable étape historique pour les questions d'égalité des sexes. Elle écrit ses mémoires en 1993 dans un livre appelé Life's journey. An autobiography.

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photo@Dr. Ellen Li Charitable Foundation

Une combattante dans sa vie professionnelle et privée, on lui diagnostique un cancer du sein, contre lequel elle se bat sans jamais relâcher ses efforts et engagements politiques. Elle reçoit le grade honorifique de docteure en droit et devient la première femme nommée commandeur de l'Empire britannique en 1974. Elle meurt en 2005, à l’âge de 96 ans, laissant un héritage important et ouvrant la voie à des générations de femmes. Après la mort de sa femme et en sa mémoire, le Dr. Li Shu Pui fonde l'organisation caritative : Dr. Ellen Li Charitable Foundation.

Elsie Tu, professeur à Hong Kong

On peut décrire Elsie Tu ainsi : un visage fin, entouré d’une mince chevelure blanche ondulée, une peau laiteuse et un sourire bienveillant, mais ces quelques traits dépeignent difficilement cette femme qui a consacré sa vie à aider les plus démunis. Née en 1913 à Newcastle au sein d’une famille ouvrière, elle fait ses études au Royaume-Uni et devient professeure après l’obtention d’un diplôme en arts. Encore dans la vingtaine, elle s’engage comme volontaire dans la Défense civile pendant la Seconde guerre mondiale. Elle se marie en 1946 et part avec son mari en Chine en tant que missionnaire, mais doit quitter le territoire à l’arrivée au pouvoir du Parti communiste.

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Elsie Tu - photo@wikimedia Commons

Militante contre le colonialisme et la corruption

Arrivée à Hong Kong, elle vit dans un appartement illégal où elle constate la corruption due aux triades, qui exigent d’être payés contre leur protection. Elle est désabusée face au refus de l’église de s’impliquer dans les questions sociales. Choquée par la pauvreté et l’injustice, elle se sépare de son mari, de l’église et de leurs idéologies rigides. Elle fonde l’école d’anglais Mu Kuang, pour les enfants des familles défavorisées. Elle débute sa vie politique avec une prise de parole devant l'Assemblée et en écrivant aux médias pour dénoncer les conditions de travail précaires du peuple chinois qui aboutit à une réforme du travail.  Connue par sa grande animosité envers le colonialisme et la corruption, elle est élue membre du Conseil urbain de 1963 à 1995, où des années de campagne ont débouché sur la création d’une Commission indépendante contre la corruption en 1974.

Elle a eu un rôle essentiel lors des émeutes de Kowloon en 1966 où elle s'opposa à l'augmentation des tarifs du Star Ferry. Véritable militante pour les droits des homosexuels, elle a exhorté le gouvernement à dépénaliser l'homosexualité. Elle s’est battue pour l’accès aux services d'aide social et pour une amélioration des conditions de logement.

Elle fonde avec Andrew Tu, qu'elle épousera par la suite, l’Association pour la promotion de la justice publique. Elle fut élue au Conseil législatif en 1988 et a servi pendant deux mandats. Elle quitte la vie politique en 1998, mais continue d’intervenir régulièrement sur des questions sociales dans la presse. À ceux qui ont pu critiquer ses prises de positions, elle répond : "j’ai toujours défendu les intérêts des Hongkongais et lutté pour la justice". Elle meurt en 2013, à l’âge de 102 ans, avec un legs d’envergure dans le combat pour les personnes défavorisées.  

Anson Chan, au gouvernement de Hong Kong

Des cheveux noirs cernent son visage, ses yeux espiègles et affutés dévisagent l’audience, sa bouche toujours enjolivée de rouge, décrit un sourire franc : nous voilà en face de Anson Chan, première femme à être nommée Secrétaire en Chef de l’Administration, soit le numéro deux du gouvernement. Née en 1940 à Shanghai au sein d’une famille aisée, elle arrive à Hong Kong en 1948 à l'âge de 8 ans, fuyant avec ses parents la victoire communiste. Elle débute sa carrière dans la fonction publique en 1962 et devient par la suite, cadre administratif sénior. Pendant cette période, elle établit l’Association des femmes hauts fonctionnaires afin de se battre pour l’égalité de traitement entre hommes et femmes au sein de la fonction publique.

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photo@wikimedia Commons

En 1980, elle devient la première directrice d’origine chinoise au sein de l’administration coloniale, en charge des services de sécurité sociale. De 1987 à 1993, elle occupe le poste de Ministre de l’économie avant de devenir en 1993 Secrétaire en Chef de l’Administration, un poste occupé jusque-là, exclusivement par un britannique, elle est donc la première chinoise mais également la première femme à occuper des postes à haute responsabilité.

La conscience de Hong-Kong  

En reconnaissance de ses 40 années dans la fonction publique, elle s’est vue décerner le Grand Bauhinia Medal en 1999, la plus haute distinction de Hong Kong. Elle est décrite par le magazine Newsweek comme "la conscience de Hong-Kong" car pendant toute sa carrière, elle s’est engagée pour la défense de l'autonomie et la liberté de la presse, condition indispensable, selon elle, à la préservation d'une société libre et ouverte.  

Aussi surnommée "Dame de Fer hongkongaise", elle indiquait pouvoir démissionner si elle était contrainte d'agir à l’encontre de sa conscience, ce qu’elle a fait en 2001, un an et demi avant le terme prévu par son mandat. En 2007 elle est élue au Conseil législatif et continue après ses fonctions au sein du gouvernement, son activisme et son engagement pour l’égalité des sexes, la liberté d’expression et le débat démocratique.

Figure emblématique internationalement reconnue pour son brillant parcours et sa contribution majeure à la promotion des valeurs universelles, elle reçoit le Prix O’Connor en 2018. Après le décès de sa fille en 2020, elle annonce à l’âge de 80 ans, qu’elle se retire de la vie civique et politique. Pendant toute sa carrière, elle a su vivre en accord avec ses principes sans vaciller face à ses détracteurs et laisse ainsi sa marque dans la tumultueuse lutte démocratique de Hong Kong.

Pour cette journée des femmes, concluons par les mots d’Ellen Li Shu-pui: "Si on donne aux filles les mêmes opportunités qu’aux garçons, il n'y aurait plus de problème concernant la condition de la femme… Les préjugés n'existent que dans l'esprit humain, si les enfants sont traités de la même façon au sein d’une famille, ils ne grandissent pas avec l’idée que hommes et femmes sont différents".  

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