Hong Kong est généralement considérée comme une ville internationale et multiculturelle. Pourtant, selon les statistiques du recensement de 2016, 92% des 7,34 millions d'habitants de la ville sont d'origine chinoise. Qu’en est-il des relations qu’entretient cette vaste majorité avec les 8% de la population restant, dont 70% sont originaires d’Asie et parmi lesquels la moitié environ sont des employés domestiques?
A première vue, lorsqu’on qualifie Hong Kong de ville mondiale de l’Asie, on ne pense pas immédiatement à ses près de 60% de Philippins ou d’Indonésiens. Et pour cause, cette diversité reste bien souvent invisible, sans voix. Ces communautés font également l’objet de nombreuses discriminations. Hong Kong s’est d’ailleurs dotée d’une loi de lutte contre les discriminations (‘Race Discrimination Ordinance’) il y a tout juste 10 ans afin de mieux protéger ses "minorités" comme on les appelle ici.
Pourtant, les préjugés ont encore la vie dure. Ainsi dans une enquête faite en 2012 par Hong Kong Unison, une organisation non gouvernementale, moins de la moitié des répondants déclarait accepter les minorités comme les Africains, les Népalais, les Pakistanais, les Philippins ou les Indiens dans leur vie personnelle, en tant qu'amis ou époux, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants. Dès lors, même s’il semble y avoir beaucoup moins de racisme à Hong Kong qu’en France par exemple et même si la société hongkongaise semble plus tolérante, ces chiffres en disent long sur la prétendue ouverture d’esprit de cette ville-monde …
Discriminations dans la vie quotidienne
Certes, on constate qu’il y a peu, voire pas, de crimes racistes ici à Hong Kong. Reste que, au quotidien, les discriminations raciales ne sont pas rares comme en témoigne la plupart des plaintes traitées par la Commission de l'égalité des chances. Ces dernières concernent l'accès aux biens et aux services des minorités. En 2012, 55% des personnes interrogées dans une enquête de Time Out déclaraient avoir été témoins ou victimes de racisme lors de l’admission dans des établissements, des services, des restaurants ou des magasins. L’accès au logement est un autre problème majeur. Par exemple, dans une enquête sur l'acceptation raciale de 2009, conduite par le Département des recensements et des statistiques, environ un répondant sur trois trouvait inacceptable de louer des locaux à un locataire africain, sud-asiatique ou du Moyen-Orient.
Échec dans le système éducatif
A cela s’ajoute une inégalité certaine et systématique dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. La maîtrise du chinois est par exemple cruciale pour accéder à des meilleurs emplois. Or, en 2017, seulement 3% des candidats non-chinois ayant réussi l'examen du diplôme d'enseignement secondaire avaient atteint le niveau 3 ou plus en chinois, leur fermant ainsi les portes des universités locales et les obligeant à prendre des emplois moins bien payés conduisant (selon un rapport gouvernemental publié en février dernier) une personne sur cinq issue d’une ethnie minoritaire à vivre dans la pauvreté.
Et de pauvres à délinquants, le pas est vite franchi dans l’imaginaire des gens. Les problèmes de sécurité sont ainsi souvent associés aux étrangers qui sont également considérés comme étant "plus susceptibles d’être des criminels".
Hong Kong est peut-être une ville cosmopolite à la surface, le vivre-ensemble semble préservé mais au fond les comportements racistes n’ont pas disparu et perdurent insidieusement. Il n’est pas rare par exemple d’entendre appeler les Africains "Hark Gwei" qui signifie ‘fantômes noirs’ ou les Indiens "Ah Cha" semblable à ‘oui’ en hindi de manière péjorative. Même si Hong Kong n’est sans doute pas la société la plus raciste au monde, les préjugés envahissent encore la ville et ce problème se doit d’être traité beaucoup plus ouvertement et sans faux-semblant.