Les statistiques du chômage par le Census and Statistics Department pour la période de décembre 2018 à février 2019 viennent d'être communiquées. Des chiffres satisfaisants à regarder tout de même avec un certain recul.
Le chiffre corrigé des données saisonnières communiqué ce mois-ci de 2,8% laisse évidemment rêveurs les observateurs européens et en particulier les Français que nous sommes. S'il est resté stable par rapport à celui de novembre, ce résultat cache pourtant une réalité plus contrastée de l'évolution du marché du travail à Hong Kong. La première raison est que ce chiffre est associé à celui du sous-emploi qui représente 1% mais surtout, il ne reflète pas les déséquilibres du tissu social, tant les niveaux de salaires peinent aujourd'hui à compenser la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier.
De plus en plus de travailleurs pauvres
En 2018, le Hong Kong Poverty Report estimait à 19.9% le nombre de Hongkongais vivant en dessous du seuil de pauvreté. Or ce chiffre est en augmentation constante depuis 2015, où il oscillait autour de 15.1%. Par ailleurs, cette estimation, intègre difficilement les migrants non régularisés dont la présence sur le territoire n’émerge souvent qu’à partir la deuxième génération, quand les enfants arrivent à l'âge scolaire. Sur ce plan, l’écart de chances entre les enfants de "travailleurs pauvres", comme on les appelle, souvent scolarisés dans les écoles des Nouveaux Territoires comme à Sham Shui Po et l'élite qui accède aux meilleurs établissements de Hong Kong, jette une ombre supplémentaire sur la situation économique de ces futurs actifs.
Par ailleurs, avec environ 3.8 Millions de travailleurs, Hong Kong affiche en effet des statistiques d’emploi globales satisfaisantes en comparaison de l’Europe mais, comme le précisait dans ses commentaires Law Chi-kwong, Secretary for Labour and Welfare, “la situation est tendue car il faut rester vigilant face aux incertitudes extérieures”. L’allusion au refroidissement des échanges commerciaux entre la Chine avec les Etats-Unis qui a récemment précipité la chute de la bourse de Hong Kong est ici claire.
A ce titre, Hong Kong est aujourd'hui directement exposée aux opérateurs venus de Chine dans les domaines des technologies et des services financiers, secteurs autrefois moteurs de l’économie du territoire. Quant au bâtiment, traditionnellement fort contributeur en emplois, il n'est qu'à regarder la liste des contractants sur les derniers grands projets de construction du territoire pour constater que les sociétés chinoises ont déjà pris le meilleur, drainant dans la foulée une main d’œuvre venue du continent.
Le programme de la Grande Baie
La création du Greater Bay Area qui prévoie de relier plus avant les villes de Hong Kong, Canton, Shenzhen et Dongguan au sein d'un espace d'échanges sans coutures pourrait également s’avérer défavorable à Hong Kong sur le court terme. En effet, le nécessaire réajustement concurrentiel qu’il implique et le glissement des rôles entre investisseurs locaux et capitaux venus de Pékin obéissent à une stratégie complexe dont l’issue est incertaine. Certes, le niveau de l’emploi est, comme le soulignait encore Mr Law, "soutenu par les secteurs de l’hébergement, du commerce de détail et de la restauration, directement liés à l’afflux des touristes chinois" (croissance du tourisme de +10.1% en 2018) mais on comprend que les temps changent pour les hongkongais dont l'avenir économique dépend désormais directement de leurs voisins chinois.
Pour conclure, Mr Law précisait la nécessité de prendre en compte les travailleurs âgés dans leurs difficultés d'adaptation au marché de l'emploi. Le système hongkongais ne proposant que de faibles retraites, la prise en compte de leur situation apparait donc comme un défi supplémentaire pour le maintien des équilibres sociaux. Les années d’insouciance semblent donc bel et bien derrière nous, la relative stabilité économique et sociale dont bénéficiaient hier encore une majorité de hongkongais s’effritant rapidement. S'il est donc sans doute temps d'engager un nouveau modèle de développement pour Hong Kong, il semble aussi à peu près évident que le facteur Pékin fera partie de l'équation.