Après une année passée en échange en France, le retour à Hong Kong est parfois plus difficile qu’on ne l’imagine. Témoignage teinté de mélancolie d’un étudiant de l’université Baptiste de Hong Kong.
Quand mon avion a atterri, j’ai vu par le hublot sur lequel perlaient les gouttes de pluie, les nuages gris et les lueurs vacillantes de la ville dans le brouillard. En sortant de l’avion, l'humidité et la chaleur tropicales de Hong Kong m’ont immédiatement étouffé. Après une année entière passée en échange universitaire en France et après deux mois de vacances chez mes parents à Pékin, je suis revenu dans cette ville pour finir ma licence d'Études européennes à l’université Baptiste. Ce retour m’a fait tellement bizarre, tout était à la fois si familier et si étrange. J’avais l’impression de me sentir plus dépaysé maintenant qu’à mon arrivée en France.
Devoir se réinstaller et renouer des contacts
De retour à Hong Kong, je devais trouver mon propre appartement, et cette année, je ne pouvais pas compter sur la résidence du campus comme c’était le cas avant mon départ. Dans le bus qui m'amenait ''chez moi", je m'inquiétais un peu.
Cette inquiétude s’est confirmée au moment où je suis entré dans la salle de séjour qu’occupaient 2 autres étudiants et où se trouvait mon lit mezzanine qui allait être en fait ma “chambre”. Je voulais déjà partir. Les toilettes étaient sales ; la cuisine était sale ; il n’y avait pas de rideau ; mon lit était cassé ; je n’avais même pas assez de place pour ranger mes vêtements. Ce petit espace dans lequel je suffoquais déjà et l’idée de passer un an ici sans aucune intimité m’ont donné la nausée. J’étais si désespéré que je n’ai pu me résoudre à passer ma première nuit "chez moi" et je suis parti chez mon ami qui m’a hébergé quelques jours. Une semaine est passée, je sentais que je n'avais aucun endroit à moi, aucun "abri". Ma famille à Pékin était loin, tous mes amis étaient occupés et n’habitaient plus à la résidence où les rencontres étaient tellement simples et fréquentes.
A la rentrée, je me suis rendu compte que je ne connaissais plus personne, ceux que j'espérais retrouver étaient soit déjà diplômés, soit étaient aussi partis ailleurs. Le grand flot de mélancolie me dévorait. Je me traînais dans cette immense solitude où les rires, les bavardages, les conflits, les soirées, tout ce qui se passait autour de moi, ne semblait plus avoir aucun rapport avec moi. J’étais tel un exilé dans ce royaume, un spectateur observant de loin toutes ces scènes. Le pire c’est que dans ce lieu de savoir, je me sentais oublié par le monde, coincé dans mes souvenirs du passé, indifférent et exténué à tenter de trouver la motivation pour reprendre ma vie.
Mon syndrome « post-Erasmus »
C’est la tête remplie de questions existentielles que je suis retourné en cours. C’est en classe, alors que nous abordions le sujet de l’échange et du voyage, que j’ai appris que ma ‘dépression’ n’était pas un cas particulier. Il y a en effet un nom pour ce sentiment que je ressens, théorisé par l’Italienne Fiorella de Nicola dans sa thèse de sociologie et baptisé "syndrome post-Erasmus". Cela décrit les symptômes ressentis par les étudiants de retour d’une expérience d’échange. Ils vivent leur nouvelle / ancienne vie comme un retour à la case départ : ils trouvent que leur ville est moche, que leurs amis sont nuls, que les cours sont ennuyeux... Le jour où je suis parti de France pour retourner à Hong Kong, j’étais très calme, je ne ressentais absolument rien. Pourtant toutes ces émotions qui se sont empilées si rapidement pendant cette année d’échange universitaire ont fini par éclater à mon retour…
Dès lors, chaque fois que je m'effondre sur mon lit cassé où j’ai fini par m’installer, sous mes paupières, tout ce qui s'est passé lors de mon séjour en France, revient dans l'épaisseur de la nuit. Je pleure sans larmes et l'aube me délivre de cette illusion où je m'étais abandonné : de ces après-midis passés tranquillement avec mes amis sur la pelouse à piqueniquer : fromage, saucisson, rosé… Ou encore sur les quais, à imaginer notre avenir en regardant le soleil couchant… Et de ces soirs à manger un gros kebab après une soirée de folie.
Ici, après la classe, je ne vais nulle part. Il me semble qu'il n'y a que des immenses centres commerciaux aux alentours qui m'emprisonnent. Mais en fait, ce n'est pas de Hong Kong dont je veux m'enfuir, mais du stress et de la réalité que j’avais mis entre parenthèses pendant mon séjour en France. C’est difficile de se dire que tout cela n’a constitué qu’un bref moment et qu’il faut revenir à la normalité.
Je m'évertue donc à reprendre mes esprits, à continuer mon chemin d’adulte. La vie reste très belle ! Parfois j’ai comme l’impression d’être dans un rêve vaporeux, mais il est l'heure de retrouver le monde réel. Au lieu de me noyer dans mes souvenirs, de ressasser ce que j'ai perdu et ce que je ne retrouverai plus, je dois me dire que mon séjour en France a été une expérience extraordinaire grâce à laquelle, j'ai gagné beaucoup plus que les autres. Les empreintes de l'Europe qui se fondent en moi me donnent un regard neuf, m’apportent de nouvelles perspectives. Au lieu de broyer du noir chaque jour, il me faut mettre à profit cette expérience et tâcher de construire un futur aussi fabuleux que cette année française.