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Le métier de boulanger Eric Kayser le qualifie de "faiseur de miracle du quotidien" par "son art de transformer en saveurs variées et complexes des éléments aussi simples que l'eau, levure, sel et farine". Rencontre avec un homme d'affaires, dynamique, avenant et doré comme ses pains !
Parcours fulgurant d'un Maître Boulanger, gardien du bon pain
Quatrième génération d'une famille alsacienne de boulangers, Eric Kayser a très vite dépassé sa vocation de boulanger pour endosser celle de transmetteur de savoirs et savoir-faire de sa passion : le pain artisanal au levain naturel.
Après un apprentissage classique en boulangerie à 16 ans, Eric Kayser est d'abord Compagnon du Tour de France pendant 5 ans puis formateur en boulangerie pendant presque 8 ans à l'Institut National de la Boulangerie Pâtisserie (INBP) avant de poursuivre dans sa propre structure de conseil. Il sillonne alors la France et le monde, publie ses premiers livres autour du pain et de la pâtisserie pour assouvir un besoin de communiquer et de transmettre sur son métier, déjà prégnants.
En 1994, pour se libérer des contraintes techniques du métier de boulanger, Eric Kayser co-invente avec son ami Patrick Castagna des machines comme le Fermentolevain révolutionnaire qui permet de créer et d'entretenir un levain liquide prêt à l'emploi, puis des farines.
Magie des chiffres ...
Avec l'ouverture le vendredi 13 septembre 1996 de son premier magasin à Paris, rue Monge, il concrétise son rêve. Depuis, dix-neuf autres établissements parisiens ont vu le jour et un en province, à Lyon. A Hong Kong, la boutique de Happy Valley est la 118ème de la Maison Kayser dans le monde, la seconde à ouvrir ses portes après celle de Harbor City à TST.
Quant au pays qui compte de plus de ces boulangeries Kayser, 32 au total, ce n'est pas la France, mais le Japon, premier pays où le boulanger s'implanta dès 2002. Sur place, deux chefs français y sont secondés par une armée de chefs japonais dont la rigueur et le talent dans le travail font l'admiration de beaucoup dans le groupe. Après Tokyo, l'enseigne de La Maison Kayser s'est répandue sur presque tous les continents, de la Russie à l'Afrique (Sénégal et Congo), en passant par le Portugal, le Liban, les Etats-Unis (New York) et Singapour et depuis décembre 2012, Hong Kong, tête de pont pour "ensuite passer la frontière" et investir la Chine !
Mais avant cela, de nouvelles ouvertures aux Philippines, Thaïlande, Indonésie, Tunisie et Chili sont en cours de réalisation ou en projet.
Des Partenaires triés sur le volet et Formation Maison
Cette conquête planétaire, Eric Kayser l'organise depuis la maison mère de Paris, avec son vivier de chefs de production - chefs boulangers et chefs pâtissiers -soutenus par une profonde culture de formation et de transmission des techniques maison. Motivation et exigence de savoir-faire sont les garants du succès et de la qualité : "Il faut former les chefs, beaucoup de gens viennent me voir, ils veulent démarrer, signer des contrats, un peu partout dans le monde?..le problème ce n'est pas de signer des contrats, la difficulté n'est pas de démarrer mais la continuité ! La difficulté est d'avoir des gens qui soient formés, des chefs français et des chefs du pays d'implantation pour pouvoir parler et correspondre avec les gens locaux, pouvoir leur enseigner les bonnes techniques, les bons usages. Ça c'est très compliqué !".
Et c'est donc Paris avec ses 19 boulangeries qui constitue le vivier des futurs chefs de production du groupe qui tels les missionnaires sont ensuite envoyés de par le monde pour porter la bonne parole et assurer le savoir faire de la maison Kayser. Un bataillon constitué actuellement de 80 chefs de production dispersés aux quatre coins du monde, garants de la qualité et du contrôle de chaque point de production.
Cette exigence professée par le fondateur passe par une expansion contrôlée, réalisée au travers de contrats de sous-licence signés avec des partenaires et investisseurs locaux, scrupuleusement choisis. Une sélection qui au-delà des critères financiers exige une motivation avérée pour le métier, une connaissance approfondie de leur marché et la capacité à perdurer. "Le projet d'implantation au Chili par exemple, a pris plus d'un an, le volet financier a été bouclé avant que nous ayons vraiment décidé de nous engager avec ce partenaire ; nous voulions être sûrs de sa motivation dans le métier" confie le Directeur Général Asie, M. Luc Boulet, arrivé depuis peu à Hong Kong avec sa famille pour accompagner l'expansion du groupe dans cette partie du monde. "Une implantation dans un nouveau pays c'est l'envoi de matériel lourd, de machines, une logistique complexe, un transfert de nos chefs de production en boulangerie et pâtisserie de notre siège ou de France. Ce sont eux qui assurent le transfert du savoir faire, l'exigence de la qualité des produits, le respect du "livre de cuisine" et de l'utilisation des matières premières appropriées. Pour Hong Kong nous avons dû requérir des autorisations d'importation toutes nouvelles, car notre matériel si spécifique était encore inconnu dans la nomenclature des services de douanes de Hong Kong !"
Des partenariats en sous-licence plutôt que des franchises avec pour objectif de "créer de nouveaux lieux en adéquation avec la personnalité de la ville, du quartier ou du pays. La Maison Kayser ne se veut pas "une chaine", plutôt "un réseau" de structures à taille humaine, souples et créatives défendant les valeurs artisanales avant tout". A Hong Kong, les 2 magasins de TST et Happy Valley sont approvisionnés jusqu'à 3 fois par jour, par le grand laboratoire de 600 m2 situé à Ap Lei Chau, le centre de production commun. Les viennoiseries et pâtisseries ainsi que les sandwichs sont cuits ou préparés sur place, dans les boutiques, par des équipes dédiées de chefs.
"Démocratiser le savoir faire du pain"
Insatiable entrepreneur et globe trotteur, Eric Kayser semble être habité par une seule et même vocation, transmettre des gestes et un métier : "apprendre au plus grand nombre à pouvoir réaliser, à pouvoir faire. Si des gens viennent chez nous pour apprendre et après s'installent, moi, je suis très content. Je voudrais surtout qu'il n'y ait pas de différence de couleur, ni de continent. Pouvoir aider les gens, à ma petite échelle, enseigner un métier. Il y a une dizaine d'année, nous avons formé des Russes, on ne parlait pas le russe et elles ni le français, ni anglais : nous avons transmis un métier par les gestes. La gestuelle, je crois que c'est des valeurs sur lesquelles il faut que l'on revienne. Faire des métiers simples, des métiers qui soient beaux, des métiers dans lesquels on est fier de pouvoir travailler."
Quand aux projets, ils sont dans la même veine : "mon prochain projet sera de créer une école de pâtisserie et de boulangerie en France d'abord, ensuite en Asie puis aux Etats-Unis et enfin en Afrique."
"Laisser une trace dans une profession"
A côté des nombreux ouvrages consacrés au pain, à la pâtisserie et autres livres de recettes, Eric Kayser nous annonce qu'il achève actuellement "le Larousse du pain". Ouvrage qui sortira fin octobre et qui "sera sûrement le plus gros recueil qui n'ait jamais été dans la boulangerie !"
En attendant, à Hong Kong, les amoureux du bon pain prendront plaisir à se rendre chez leur boulanger "bien comme chez nous" pour y choisir viennoiseries, pâtisseries, Monges ou Assas (en attendant "Ventris"). L'occasion de s'arrêter pour prendre un petit café, d'y croiser des membres de la communauté française avec notamment quelques habitués du Lycée Français International ?
Un petit coin de France à Hong Kong, pas si mal déjà ?
Le "Q&A" Modes et tendances ... Lepetitjournal.com : L'expansion et le succès rencontrés par beaucoup d'enseignes de boulangeries-traiteurs de dimensions artisanales ou plus industrielles, françaises ou non, que ce soit ailleurs dans le monde ou ici à Hong Kong - la nouvelle boutique Passion de Gérard Dubois à Wanchai, les "restaurants Classified" - sont-ils une mode liée à la "French touch" ? Les produits français sont-ils pour quelque chose dans cet engouement ? Sur les produits qui marchent ou à la mode, quelle tendance générale pouvez-vous observer ? Plutôt sucrés ou plutôt salés ? Comment se différencient les pays ? |
Judica Dejoux (www.lepetitjournal.com/hong-kong) reprise du mardi 4 juin 2013
Maison Kayser à Hong Kong Retrouvez tous nos interviews à déguster dans la rubrique A voir à faire / Gastronomie recettes |
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