Hong Kong connaît depuis 2019 un flux migratoire négatif. L’installation de cette population majoritairement aisée déstabilise le marché immobilier d’un certain nombre de pays ou territoires. Entre expats ayant délaissé Hong Kong pour louer à Singapour ou Dubai, et Hongkongais achetant des propriétés en Angleterre ou au Canada, ils apportent inflation et parfois frustration pour les communautés locales. Point sur les prix de l’immobilier.
Singapour : un marché locatif qui rattrape Hong Kong
Le marché locatif à Singapour a connu une augmentation moyenne de 30 % en 2022, soit le plus haut depuis 2007 (Index de location de l’Urban Redevelopment Authority). La raison principale? La cité des lions abrite une offre très restreinte dans l’immobilier haut de gamme.
Le déséquilibre vient en effet d’une population expatriée aisée qui a majoritairement fui les contraintes liées au Zéro-Covid à Hong Kong pour rejoindre Singapour. La tendance avait commencé fin 2019, elle s’est poursuivie en 2020 et 2021, mais 2022 a été l’année de l’explosion. Les expats ayant quitté Hong Kong y appréciaient la liberté de mouvement et le "light touch" de la politique sanitaire locale. Cette population recherche un immobilier haut de gamme.
Certains employeurs ont accompagné le mouvement, au moins temporairement en permettant le télétravail depuis Singapour qui présente l’avantage d’être sur le même fuseau horaire. Parmi les grands noms ayant relocalisé, on cite L’Oréal, Moët Hennessy et VF Corporation (Timberland, North Face). Les métiers les plus aisément relocalisés à Singapour seraient la finance, le droit, et le recrutement.
Les petites et moyennes entreprises ont aussi parfois relocalisé l’intégralité de leurs équipes, non seulement en raison du repoussoir Zéro-Covid à Hong Kong (frontières fermées), mais aussi attirés par la facilité de faire des affaires, la politique familiale, et les bas impôts.
En plus de l’afflux de Hongkongais, un autre facteur a joué: les délais de construction de l’immobilier, rallongés par la pandémie. Les propriétaires touchés ont dû se rabattre sur la location, rajoutant à la pression sur le marché locatif haut de gamme.
La tendance va se poursuivre en 2023 (Bloomberg Intelligence)
Bloomberg Intelligence (cité dans The Standard) estime que la tendance va se poursuivre en 2023, et que les loyers vont tendre à converger entre Hong Kong et Singapour. Les analystes attendant une hausse de 10-15% en 2023 à Singapour, contre 5% à Hong Kong. La hausse est attendue à Hong Kong en fin d’année, notamment tirée par l’installation de populations chinoises. Cette vague pourrait cependant être plus importante, et la destination finalement choisie par les Chinois, entre Hong Kong et Singapour, reste à confirmer.
Dubai : des hausses spectaculaires de l'immobilier
Dubai a été la seconde destination de choix des expats ayant quitté Hong Kong.
Des entreprises américaines et européennes y ayant déjà un pied ont choisi d’élargir leur base, au dépend de Hong Kong. Citons Pepsi, Unilever et P&G, qui ont relocalisé tout ou partie de leurs équipes.
Résultat, une hausse de 50% ou plus sur les loyers rapportés par des résidents de Dubai (qui est à 90% d’origine expatriée) en un an, et des loyers qui ont doublé ou triplé en quelques années. La demande a explosé. Dubaï est en plein boom : de nouveaux restaurants de luxe ouvrent quotidiennement, les bars sont pleins, la Roads and Traffic Authority évoque des flux de transports jamais connus dans l’émirat.
Pourtant, l’immobilier de Dubaï est régulé par le RERA, le Real Estate Regulatory Agency. Mais les recommandations du RERA concernant les hausses de loyers sur la zone de Dubaï International Financial Centre (DIFC), où sont situés les propriétés concernées, ne sont pas strictes car DIFC est une entité juridique séparée. C’est donc la loi du marché qui l’emporte.
En fait, même les propriétés hors de la zone du DIFC augmentent, car la difficulté est similaire à Singapour : c’est un problème d’offre. Le Dubaï Land Department rapporte que la disponibilité de logement n’a augmenté que de 8%, au plus bas depuis 2008.
L’arrivée d’expatriés de Hong Kong a coïncidé avec une autre population ayant fui un environnement compliqué: les Russes. Le russe est dorénavant parlé partout sur Dubaï Marina ou Jumeirah Beach Road. Dubaï a en effet toujours choisi de laisser ses portes ouvertes, Covid ou non, sanctions américaines ou non. Ce pragmatisme paie aujourd’hui. Cette ouverture se retrouve dans la politique de visas, avec un visa "télétravail", et la politique d’investissement autorisant la possession à 100% de capitaux étrangers dans de nombreux secteurs.
Une enquête de la HSBC indique que les motivations des expatriés hongkongais de s’installer à Dubaï (hormis les habituelles difficultés liées au Zéro-Covid) sont avant tout un mode de vie plus équilibré et une stabilité sociale, l’apprentissage de nouvelles compétences, et la découverte d’une nouvelle culture.
D'après Hussain Sajwani, fondateur de Damac (entreprise immobilière de Dubaï):
Dubaï devient cher et va l’être de plus en plus, c’est inéluctable.
Canada et Grande Bretagne: la propriété, un pas vers la résidence permanente
Les marchés de l’immobilier au Canada et en Grande Bretagne ont aussi très impactés, notamment à l’achat. Ces deux destinations ont en effet lancé des politiques de résidence en direction des Hongkongais, post mouvements sociaux de 2019. Les populations ayant sauté le pas (hormis les expatriés originellement de ces pays et ayant décidé de rentrer au pays) sont souvent les Hongkongais aisés : ils sont souvent propriétaires de plusieurs propriétés à Hong Kong (qu’ils comptent bien louer pendant leur absence pour obtenir une rente) ; ils occupent des postes lucratifs ; ils sont anglophones et adaptables.
La Grande Bretagne
En Grande Bretagne, la dévaluation de la livre par rapport au HKD rend l’immobilier très attractif et peu cher. La livre a perdu 20% de sa valeur entre mai 2021 et septembre 2022, et encore 10% à ce jour. Les taux d’intérêt remontent certes mais un achat immobilier en monnaie forte telle que le HKD reste très avantageux. N’importe quel investisseur étranger peut acheter des propriétés en Grande Bretagne. Pourtant, depuis quelques années, les achats par des Hongkongais ne sont plus uniquement des opérations financières mais bien des achats de logement d’habitation.
Combien de Hongkongais se sont-ils expatriés en Grande Bretagne ? D’après le UK Home Office en février 2023, au moins 144,500 depuis la mise en place de la politique d’immigration lié au passeport BNO (British National Overseas Passport), en janvier 2021. D’après l’Office for National Statistics (ONS), ce serait bien plus, mais il reste à voir si tous les Hongkongais ayant fait la démarche s’installent effectivement en Grande Bretagne (rapport à paraître en mai 2023).
Depuis, Londres a vu le nombre de transactions immobilières impliquant des acheteurs hongkongais augmenter de 144%. Les Hongkongais sont les premiers propriétaires immobiliers non britanniques à Londres, Manchester, Birmingham, Leeds, et Liverpool.
Les prix de l’immobilier ont augmenté sur la période et jusqu’en janvier 2023, malgré les crises économiques et financières traversées par la Grande Bretagne post Brexit.
D’après Stuart Marshall de Liquid Expat Mortgages:
Nous avons vu une augmentation dramatique du nombre de demandes depuis Hong Kong
Des offres de prêt sont même spécifiquement prévues pour les Hongkongais. Il semble que les départs se raréfient, de même que la tendance inflationniste de l’immobilier britannique. A suivre.
Le Canada
Côté Canada côte ouest, même histoire. De nombreux Hongkongais ont la double nationalité et n’ont donc aucune difficulté à pouvoir résider dans un bien immobilier acquis au Canada. En plus, plusieurs milliers de Hongkongais ont obtenu la résidence permanente canadienne ou des permis d’étudiants.
D'après Isaac Quan, de Living Realty Downtown:
Plus de 40 milliards HKD ont été transférés depuis Hong Kong vers le Canada
Pourtant, les prix de l’immobilier ont déjà beaucoup augmenté ces dernières années. Le prix moyen a atteint le record de 816.720 dollars Canadiens en février 2022 (près de 4 millions HKD).
Parmi les autres pays d’installation des Hongkongais, on note l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et la Thaïlande.