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SHE WONG LAM - Le plus ancien restaurant de soupe de serpents de Hong Kong

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 25 juillet 2016, mis à jour le 17 juillet 2016

 

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Depuis plus d'un siècle, She Wong Lam sert des soupes de serpents dans le quartier de Sheung Wan. Une tradition cantonaise  que les descendants du fondateur du restaurant tentent de préserver malgré la désaffection des jeunes générations pour leurs inquiétants pensionnaires.

Au n°13 de la gastronomique Hillier street, le visiteur est accueilli par des reptiles vivants, bien inoffensifs derrière le maillage métallique de leurs cages. C'est à quelques encablures de là, sur Bonham Street, qu'il y a plus de 130 ans le jeune Lou Tail Lam, un ancien garçon de course, originaire du Xinhui (dans la province du Guangdong), ouvrait sa première échoppe dédiée à la soupe de serpents. Dix ans plus tard, un de ses clients lui fabriquait une enseigne de bois, qui entérinait le nom du restaurant : She Wong (serpent royal) suivi de Lam, son propre nom. L'objet trône encore aujourd'hui dans la salle où les générations successives ont perpétué l'art de l'ancêtre.

Un remède pour l'hiver

Dans la culture chinoise, la soupe de serpents est  un plat hivernal qui  « réchauffe le corps », censé préserver de la grippe, des rhumes et de toutes les agressions du froid sur notre organisme.  Elle se présente en un bouillon épais où nagent des champignons noirs et de nombreux tronçons de chair blanche. Plusieurs espèces y sont mélangées, dont certaines venimeuses comme le cobra. La soupe est servie avec des morceaux de pâte frite, sortes de crackers, et des feuilles de citronnier qui relèvent agréablement le goût délicat du bouillon. La chair du serpent s'apparente à celle du poulet, et passée une certaine appréhension, sa dégustation s'avère savoureuse.

L'été, le restaurant ne sert pas de soupes mais il continue de vendre des préparations médicinales, issues des diverses parties du corps reptilien, dont le vin de serpent. Mais attention certains de ces produits, ceux à base de vessie notamment, ne doivent être consommés que par les personnes âgées. Ils sont en effet réputés trop forts et potentiellement dangereux pour les plus jeunes. Les serpents sont également vendus vivants aux particuliers pour leur consommation personnelle.

« Beautiful »

A l'heure du déjeuner, She Wong Lam ne désemplit pas. Hommes d'affaires, jeunes femmes et travailleurs se succèdent autour des tables en bois. Ici, pas de menu. Chacun se voit servir un bol de soupe rempli à ras-bord. Certains clients l'accompagnent parfois d'un petit bol de vin de serpent, mais ils sont plus rares.

Dans l'unique salle de l'échoppe, nous sommes accueillis par Lak, un imposant vieil homme, qui dépêche un aimable serveur pour nous expliquer ce que son anglais inexistant ne peut nous dire. Pour nous, il ouvre l'un des nombreux casiers noirs qui habillent les murs du restaurant et saisit un grand cobra, qui, de toute évidence, apprécie peu d'être dérangé et de se retrouver face à l'objectif. « Beautiful » murmure le serveur, plein de respect. Comme tous les autres spécimens présents, le reptile vient de Chine. A Hong Kong, les serpents sont une espèce protégée. Lak, quant à lui manipule la longue bête sans danger. Il travaille ici depuis 56 ans et sait comment les toucher. « Certaines personnes savent les prendre en main. Ils ne craignent rien. » explique le serveur. C'est ce savoir-faire qui manque aujourd'hui et qui, selon lui, menace la profession. Un peu plus tard, l'homme nous montre un autre animal, un long reptile jaune et noir. « Celui-ci est très dangereux », prévient-il. Il s'équipe pour la peine d'un gant unique, une protection exceptionnelle qui semble bien maigre face au danger.

Le « meilleur restaurant au monde »

Des restaurants comme She Wong Lam sont devenus rares à Hong Kong. Si, dans les années 1980, la soupe de serpent a connu un âge d'or sur le territoire, avec plus d'une centaine d'échoppes, aujourd'hui, seule une vingtaine subsiste. La plupart sont basées dans le quartier de Sham Shui Po. Le serpent n'est plus très en vogue dans l'ex-colonie britannique. Les restaurants spécialisés peinent non seulement à recruter une main d'?uvre qualifiée mais aussi à renouveler leur clientèle. Les jeunes Hongkongais fréquentent de moins en moins ce type d'établissements,

qui sont déjà pour eux d'un autre temps.

A Sheung Wan, l'échoppe centenaire résiste encore à cette modernisation des goûts. Un fidèle client s'inquiète pourtant de la disparition de son restaurant favori « le meilleur au monde ! » soutient-il. « J'ai peur que dans quelques années ce lieu n'existe plus ». Selon lui, le commerce traditionnel survit aujourd'hui car la famille Lam, propriétaire des murs, n'a pas à se battre contre la flambée des loyers. Mais, pour combien de temps encore ? Derrière le comptoir, la jeune épouse de l'arrière-petit-fils de Lou Tai Lam encaisse avec le sourire les 55 dollars que coûte la soupe, un bas prix revendiqué, nous invitant à revenir. On espère pouvoir leur rendre visite encore quelques années.

She Wong Lam, 13 Hillier street, Sheung Wan

Johana Burloux (www.lepetitjournal.com/hong-kong) reprise du 9 mars 2016

Crédits photos Johana Burloux

Sources: SCMP, Bloomberg, Wikipédia

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Publié le 25 juillet 2016, mis à jour le 17 juillet 2016

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