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Genève, 1954 : une sortie honorable - épisode 1

Le Vietnam vient de célébrer avec faste le 70e anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu. Il s’apprête maintenant à célébrer le 70e anniversaire des accords de Genève, qui ont été signés le 20 juillet 1954, et qui marquent, pour la France, la fin de son aventure indochinoise, une aventure de presque un siècle, débutée en 1858. Printemps 1954 donc… Le 7 mai, l’armée française encaisse l’une des pires défaites de son histoire. Dans la cuvette de Dien Bien Phu, près de 10.000 hommes sont fait prisonniers par les soldats de la République Démocratique du Vietnam. A 10.000 kilomètres de là, à Genève, des diplomates du monde entier sont réunis, justement pour décider du sort de l’Indochine. Après avoir perdu sur le terrain militaire, la France s’apprête à livrer un ultime baroud d’honneur sur le terrain diplomatique. Cette France de la 4e République ne se fait plus aucune illusion sur ses chances de conserver une quelconque influence en Indochine. Tout au plus peut-elle essayer de trouver une « sortie honorable ».

Genève, 1954 : une sortie honorableGenève, 1954 : une sortie honorable
Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 4 juillet 2024, mis à jour le 31 juillet 2024

Avec le 70e anniversaire des accords de Genève arrivant bientôt, Le Petit Journal dresse cette série de quatre épisodes intitulée "Genève, 1954 : une sortie honorable".

C’est à Berlin que quelques mois plus tôt, germe l’idée d’une grande conférence internationale destinée à discuter des deux grandes guerres asiatiques du moment : la guerre de Corée (l'armistice de Panmunjeom a été signé le 27 juillet 1953) et la guerre d’Indochine.

 Conférence de Berlin en 1954


Cette conférence de Berlin (25 janvier - 18 février) réunit quatre ministres des Affaires étrangères : John Foster Dulles (Etats-Unis), Anthony Eden (Grande-Bretagne), Georges Bidault (France) et Vyacheslav Molotov (U.R.S.S). Elle s’inscrit dans un contexte particulier, un contexte de détente ou de « dégel » américano-soviétique rendu possible par le décès de Staline en 1953. Elle n’aboutit à aucun résultat notoire, si ce n’est ce rendez-vous pris pour le printemps à Genève, en Suisse.

« Le problème du rétablissement de la paix en Indochine sera également discuté lors de la Conférence [sur la question coréenne] à laquelle seront invités des représentants des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, de l'Union des Républiques socialistes soviétiques et de la République populaire de Chine ainsi que d'autres États intéressés », peut-on lire dans la déclaration finale.

Sur les bords du lac Léman

Deux mois plus tard, le 26 avril, le gotha de la diplomatie internationale se retrouve donc sur les bords du lac Léman, au Palais des Nations de Genève. Il y a là des délégués de 19 pays. Il y a les grands de ce monde bipolaire (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, U.R.S.S…), mais aussi la toute jeune République Populaire de Chine qui fait à cette occasion ses premiers pas sur la scène diplomatique mondiale, et qui est représentée par Zhou Enlai.

Diplomatie internationale au Palais des Nations de Genève
Diplomatie internationale au Palais des Nations de Genève


Côté indochinois, les royaumes du Laos et du Cambodge participent à la conférence, ainsi que le Vietnam, pour lequel il y a deux délégations : celle du Vietnam baodaïste et celle de la République Démocratique du Vietnam, celle-là même dont les soldats ont triomphé à Dien Bien Phu, et qui a dépêché pour la circonstance le très aristocratique Pham Van Dong.

Pham Van Dong
Pham Van Dong

 

Tous les regards sont tournés vers Dien Bien Phu

Les premières journées de la conférence sont consacrées à la Corée. Aussi discute-t-on du drame qui est en train de se nouer des deux côtés du 38e parallèle, mais l’atmosphère est lourde, car au même moment, les troupes de l’Union française sont à l’agonie dans le camp retranché de Dien Bien Phu, une agonie que l’on suit jour après jour en voulant croire à un miracle qui ne se produira pas

Il est convenu que les discussions sur la question indochinoise débuteront le 8 mai. Côté français, on veut croire que la garnison de Dien Bien Phu tiendra jusque-là : à défaut d’arracher la victoire, au moins pourrait-on décrocher une sorte de « match nul » qui permettrait d’entamer les négociations dans une posture pas trop mauvaise. On veut y croire et on y croit dur comme fer : on jette de jeunes soldats dans la fournaise, dans une sorte de geste aussi héroïque que désespéré.

Mais le 7 mai, le rideau tombe, brutalement. En fin d’après-midi, la garnison reçoit l’ordre de cessez-le-feu. Les hommes de Ho Chi Minh tiennent la victoire. Un peu plus tard, à Paris, le chef du gouvernement, Joseph Laniel, annonce à la tribune de l’Assemblée que toute résistance a cessé dans le camp retranché de Dien Bien Phu.

Dien Bien Phu est tombe au Vietnam

Tout le monde sent bien qu’à Dien Bien Phu, ce n’est pas qu’une bataille, que la France a perdu. A Genève, Georges Bidault se retrouve dans une position plus que délicate, d’autant plus délicate qu’à des milliers de kilomètres, les vaincus du camp retranché ont commencé une longue marche vers les camps de prisonniers, et que c’est aussi leur survie qui va se jouer au cours des négociations.

Le Vietnam, théâtre de la guerre froide

La France n’a pourtant plus de visée coloniale, ni sur le Vietnam, ni sur le Laos, ni sur le Cambodge. En principe, tout du moins. Elle considère ces trois Etats comme des Etats indépendants « au sein de l’Union française ». Mais c’est justement là que le bât blesse, notamment au Vietnam, où Ho Chi Minh, le fondateur du Parti communiste indochinois, n’a pas attendu le bon vouloir des Français pour proclamer l’Indépendance et créer la République Démocratique du Vietnam. C’était le 2 septembre 1945 à Hanoï.

Cette République Démocratique du Vietnam est bien évidemment dans l’orbite de Moscou. Elle est en outre aidée et surtout armée par la République Populaire de Chine, ce qui, en pleine Guerre froide, ne trompe personne.

La France, elle, s’inscrit aussi dans cette logique de guerre larvée, en faisant de sa lutte contre les soldats de Ho Chi Minh une croisade contre le communisme. Elle est soutenue par les Etats-Unis, où l’on craint que l’Asie du Sud-Est tombe elle aussi dans le giron soviético-chinois.

Mais les armes viennent de parler : la première et unique bataille rangée de la Guerre froide vient de se solder par une victoire des communistes.

 

Retrouvez le second épisode de cette série Genève, 1954 : une sortie honorable prochainement, à l'occasion du 70e anniversaire des accords de Genève.

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