Alors que bon nombre de startups se développent aujourd’hui dans le delta du Mékong, Khang Nguyen, jeune entrepreneur originaire de la région, cherche à y commercialiser sa confiture de mangue.
Après avoir étudié l’agriculture biologique au Canada, Khang Nguyen, vietnamien – originaire de Vũng Liêm, Vinh Long au Vietnam – a décidé de retrouver sa terre natale pour y fonder son entreprise.
En utilisant les ressources agricoles locales, il entend populariser la confiture de mangue dans le delta du Mékong, tout en ayant recours à des modes de productions écoresponsables.
Le Petit Journal l'a rencontré pour en apprendre plus sur les industries, tendances telles que le développement de l’agriculture écoresponsable ainsi que les spécificités du marché local dans cette région du Sud-Vietnam.
Si vous souhaitez en apprendre plus sur le Delta du Mékong, retrouvez nos articles sur les 6 destinations immanquables du Sud Vietnam, dont la ville de Vinh Long connue à l'échelle nationale pour l'industrie de la terre cuite, ainsi que le portrait de l'entrepreneur Français Jean-Luc Voisin et son aventure éco-responsable à Can Tho.
Interview d'un entrepreneur dans le sud du Vietnam
LPJ : Quelles sont les principaux secteurs de la région du delta du Mékong ?
D’après le rapport économique annuel du delta du Mekong de 2020, l’industrie majeur de la région est celle du service (56,6%), suivie par l’industriel (27,1%) et l’agriculture (14,6%).
Les industries dominantes sont celles des secteurs du riz, du Pangasius (poisson-chat), de la crevette, des fruits et légumes frais, du tourisme et de l’industrie manufacturière. Les industries potentielles sont celles du secteur de l’énergie et de la logistique.
LPJ : Pour quels types d'agriculture le delta du Mékong est-il célèbre ?
Toujours d’après le rapport économique annuel du delta du Mekong de 2020, le riz est l’une des cultures majeures, représentant plus que 45% de la production nationale du Vietnam. On retrouve également les fruits, avec une part équivalente à 70% de la production totale du pays.
LPJ : Quelles tendances existe-t-il aujourd’hui dans l’agriculture durable et biologique ?
D’après moi, il y a 3 tendances dans l’agriculture durable et biologique.
- La première est l’agriculture durable, par laquelle les agriculteurs ont toujours recours à des produits chimiques de synthèse pour leurs cultures, mais s’assurent que le produit final soit sain. Il peut s’agir de “VIETGAP” (Vietnamese Good Agriculture Practice), “GlobalGAP” (Global Good Agriculture Practice) ou d’agriculture circulaire. L’agriculture circulaire est souvent mentionnée par les grandes entreprises du delta du Mékong, car ce modèle se concentre sur l'utilisation de quantités minimales d'intrants externes, la fermeture des boucles de nutriments, la régénération des sols et la réduction des impacts négatifs sur l'environnement. Cependant, cette pratique a toujours des impacts négatifs sur l'environnement.
La coopérative de production de ramboutans de Binh Hoa Phuoc (commune de Binh Hoa Phuoc, district de Long Ho, province de Vinh Long) suit la pratique GlobalGAP pour les ramboutans.
La coopérative de production de ramboutans de Binh Hoa Phuoc (commune de Binh Hoa Phuoc, district de Long Ho, province de Vinh Long) suit la pratique GlobalGAP pour les ramboutans. - La deuxième tendance est celle de l'agriculture écologique/naturelle/agroforesterie. Les petits exploitants agricoles et les jeunes entrepreneurs suivent cette pratique pour livrer directement les produits aux utilisateurs finaux, le tout dans un climat de confiance et de transparence. Ils réduisent également le coût du certificat biologique afin de dégager un bénéfice suffisant pour leur activité.
Abavina (commune de Truong Long, district de Phong Dien, ville de Can Tho) pratique l'agroécologie en fabriquant des engrais organiques à partir de chair et d'arêtes d'escargots dorés et de poissons.
Abavina (commune de Truong Long, district de Phong Dien, ville de Can Tho) pratique l'agroécologie en fabriquant des engrais organiques à partir de chair et d'arêtes d'escargots dorés et de poissons. - La troisième tendance est celle de l'agriculture biologique reposant sur des certificats. Certains agriculteurs et certaines coopératives et entreprises ont obtenu des certificats nationaux (PGS, certificat biologique vietnamien) et internationaux (USDA, UE, JAS, NASAA) afin d'approvisionner les circuits de distribution modernes ou d'exporter vers d'autres pays.
Agriculture biologique - coopérative de production et de services agricoles Tan Dat
La coopérative de production et de services agricoles Tan Dat (commune de Trung Ngai, district de Vung Liem, province de Vinh Long) utilise l’agriculture biologique pour ses cultures de riz, afin d’obtenir des certificats biologiques internationaux (USDA, UE, JAS).
LPJ: Quels sont les principaux thèmes des startups sur lesquels les jeunes entrepreneurs travaillent dans la région du Mékong ? Pouvez-vous donner quelques exemples et nous dire quels sont les problèmes qu'ils résolvent ?
Les grands thèmes sont : l’agriculture écologique/agroforesterie/agriculture biologique, les aliments transformés, l’hébergement chez l'habitant et les produits écologiques.
Autour du premier thème, la plupart des fondateurs de ces startups sont ce qu’on appelle des millenials (aussi appelée « Génération Y », ce terme désigne l'ensemble des personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990). Leur préoccupation est le développement durable de trois piliers : l'économie, la société et la culture. L'utilisation de produits chimiques de synthèse dans l'agriculture a modifié la sécurité alimentaire dans le delta du Mékong et au Viêt Nam depuis les années 1980. Cependant, l'environnement a été dégradé et la santé humaine a été affectée négativement depuis lors.
C'est pourquoi ces entreprises se sont éloignées de la méthode d'agriculture traditionnelle et se sont tournées vers l'agriculture naturelle/écologique/agroforestière/organique pour protéger l'environnement, la santé humaine et produire de bons aliments. Elles gèrent elles-mêmes leur marketing et leur vente sur les médias sociaux. Pour se soutenir mutuellement, ces startups rejoignent une communauté biologique. Parmi ces startups, on peut citer Abavina, la ferme Ech Op et la coopérative Thuan Thoi.
Quant aux aliments transformés, le fait est que le delta du Mékong regorge de produits agricoles. Cependant, ces produits sont bruts, sans valeur ajoutée. L’argent ne circule donc pas dans le delta du Mékong, alors que d'autres régions du Vietnam et d'autres pays achètent et fabriquent leurs propres produits et les revendent dans le delta du Mékong. C'est pourquoi certains fondateurs, issus de différents horizons, ont décidé de retourner dans leur ville natale pour développer une marque de produits alimentaires à base d'ingrédients locaux, tels que la noix de coco, la patate douce, le durian, la mangue et l'orange. Ils fabriquent du sirop, du sucre, des snacks, du jus, de la confiture, des gâteaux pour augmenter leurs valeurs, par rapport à la matière première initiale. En outre, ces startups créent également des emplois pour la population locale. Parmi ces startups, on peut citer : Sokfarm, Vicosap, Mr.Khoai lang, Dinh Gia Food, Tu Bong, Mekong Spirulina, Palmania.
Pour ce qui est des hébergements chez l’habitant, aussi appelés homestay, l'industrie du tourisme est saturée dans le delta du Mékong. Pour faire la différence, certaines startups se sont concentrées sur des marchés de niche (marchés répondant à une demande très spécifique) où les visiteurs souhaitent vivre chez l'hôte et découvrir la culture locale. Le circuit est conçu exclusivement pour attirer les jeunes visiteurs et les étrangers. Ces startups se tiennent à l'écart du tourisme traditionnel et proposent des circuits qui sont respectueux de l'histoire, de la culture et de l'environnement. Parmi ces startups, on peut citer : Mekong Pottery Homestay, Tu Viet, Minh Viet Mekong.
LPJ : Qu’en est-il de votre startup nouvellement créée ? Pouvez-vous nous parler du type de mangue que vous avez trouvé et promu ? Pourquoi cette idée de la transformer et cette ambition de passer à des cultures biologiques ?
J’ai fondé ma startup en 2021, lorsque je me suis enregistré auprès des autorités locales. Tout a commencé lorsque je suis revenu au Vietnam, après avoir réalisé un master en agriculture biologique à l'université d'Alberta à Edmonton (Canada) de 2016 à 2018. A mon retour, j’ai travaillé pour une coopérative de production de riz biologique dans ma ville natale pendant 8 mois.
J’ai ensuite déménagé pour travailler pour le sous-département de l'agriculture et du développement rural de ma ville natale, de 2018 à 2022. Pendant cette période, rencontrer des producteurs de mangues locaux m'a donné une idée : développer des produits transformés à partir de la mangue Cat Num. La mangue Cat Num est cultivée dans ma ville natale depuis des décennies. La superficie de production est d'environ 400 ha. Elle fait partie des meilleures mangues du Viet Nam.
Cependant, elle n'a pas été transformée en d'autres produits, ce qui pourrait pourtant augmenter sa valeur initiale et aboutir à une marque locale. En cherchant quelques informations sur Internet, j’ai tranché pour le développement d’une confiture de mangue. En effet, de plus en plus de jeunes (millenials, génération Z et alpha dans le futur) au Vietnam se tournent aujourd’hui vers des petits-déjeuners plus ouverts à la nourriture mondiale.
Depuis 2019, je me suis associé au parc d'incubation Corée-Viet Nam pour tester la recette de la confiture de mangue et la durée de conservation. A présent, le produit est prêt à être lancé sur le marché.
La confiture de mangue est en plein essor car elle est bénéfique pour la santé, par son l'absence de résidus chimiques et pour sa richesse en fibres et en vitamines A et C. De plus en plus de jeunes se préoccupent de leur santé, surtout après le Covid-19. C'est ce qui va me motiver à considérer et étudier le transfert depuis la mangue conventionnelle à la mangue biologique avec la coopération des agriculteurs locaux.