Tran To Nga, militante franco-vietnamienne emblématique, a reçu la citoyenneté d’honneur de VilleJuif, en reconnaissance de sa lutte pour les droits des victimes de l’agent orange utilisé pendant la guerre du Vietnam. Cette cérémonie, marquée par une pièce de théâtre retraçant sa vie, souligne l'importance de son engagement pour la justice et les victimes de ce produit toxique.
Jeudi 26 septembre, la militante de renommée internationale Tran To Nga a reçu la citoyenneté d’honneur par la mairie de VilleJuif. La cérémonie a débuté par une représentation de la scène « Nos corps empoisonnés », interprétée par Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné. La pièce de la metteuse en scène Marine Bachelot Nguyen a plongé les spectateurs du théâtre Romain Rolland dans la vie de Tran To Nga. Elle retrace la vie tumultueuse de cette femme de 82 ans, déjà militante à Saigon aux côtés de sa mère durant la guerre coloniale. Lors de la pièce, sa biographie est interrompue par les rebondissements du procès mené par Tran To Nga. Pour rappel, en août dernier, Tran To Nga s’opposait aux 14 entreprises françaises accusées d’avoir vendu le tristement célèbre herbicide ‘agent orange’ à l’armée américaine.
Agent Orange : « On continuera de se battre jusqu'à notre dernier souffle »
"Je repense à mes élèves, ceux que j’ai quittés depuis longtemps. Maintenant, j’ai toute une partie de la jeunesse qui m’épaule dans mon combat."
En fin de soirée, Tran To Nga s’est vue décerner le titre de citoyenneté d’honneur par le maire de la ville de VilleJuif, Pierre Garzon. Cela fait d’elle la troisième personnalité à recevoir ce titre, après Nelson Mandela et Mumia Abu Jamal. « Me reconnaître citoyenne, c’est reconnaître mon combat et renforcer mon énergie », a-t-elle déclaré. Après la guerre qui opposait le Vietnam aux USA, Tran To Nga était devenue directrice d’une école à Saigon, fraîchement renommée Ho-Chi-Minh-Ville. « C’est peut-être la dixième fois que je vois cette pièce. À chaque fois, l’émotion ressurgit, ça me rappelle ma fille décédée. Comme l’a dit monsieur le maire, une pièce de théâtre parle mieux que n’importe quelle autre exposition ou documentaire. Je repense à mes élèves, ceux que j’ai quittés depuis longtemps. Maintenant, j’ai toute une partie de la jeunesse qui m’épaule dans mon combat. Comme lorsque j’étais professeur, je veux leur montrer qu’il faut rester fort, courageux, et toujours avoir espoir », explique Tran To Nga, une femme marquée par la guerre, la torture et l’emprisonnement.
L’ambassadeur du Vietnam prend la parole
« C’est avec une immense émotion et un profond respect que je prends la parole. Cet événement est non seulement un hommage à une femme d’exception, mais aussi une reconnaissance de son combat pour la justice, et pour toutes les victimes de l’agent orange. Votre vie est un témoignage de votre courage, de votre persévérance et de votre dignité. En tant que victime et survivante de l’agent orange, vous avez choisi de transformer votre douleur en force et de mener une lutte exemplaire. Aujourd’hui, grâce à des personnes comme Tran To Nga, la tragédie n’est pas oubliée. Ce combat est symbolique pour toutes nos victimes. Nous, Vietnamiennes et Vietnamiens, et avec toute notre population, toutes nos organisations, nous soutenons la cause défendue par Tran To Nga. Votre combat est admirable et vous avez tout notre soutien », a commenté Dinh Toan Thang, ambassadeur du Vietnam en France, à l’issue de la remise de citoyenneté d’honneur.
"Des sociétés purement commerciales, qui ont agi avec une logique de pur profit, ne peuvent pas s’abriter derrière l’immunité de juridiction."
Concernant la suite du procès, le fidèle avocat de Tran To Nga, qui la suit depuis l’engagement du procès en 2014, a estimé qu’il faudrait encore attendre de 18 à 24 mois pour obtenir une réponse de la cour de cassation. Pour rappel, Tran To Nga et son équipe avaient échoué une première fois en 2021, à la suite d’une question d’immunité de juridiction clamée par les avocats des entreprises accusées. L’argument prône le fait que les juges français ne sont pas en mesure de juger les firmes qui ont répondu à une commande de guerre, puisque cela reviendrait à juger les actes de l’État américain. « C’est une thèse qui a convaincu les juges en première instance et également en appel, parce qu’on a eu l’arrêt récemment en appel en août dernier. Donc on va poursuivre le combat. La question d’immunité de juridiction, qui empêche la justice de se prononcer sur un certain nombre d’actes et d’agissements, est une question très contemporaine, très moderne, qui refait surface et qui fait l’objet de débats croissants. Nous avons bon espoir que la cour de cassation nous entende sur cette question et nous dise que non : des sociétés purement commerciales, qui ont agi avec une logique de pur profit, ne peuvent pas s’abriter derrière l’immunité de juridiction pour ne pas assumer leur responsabilité », explique Bertrand Repolt. « Quoi qu’il arrive, le combat continue », conclut Tran To Nga. En novembre, il sera possible d’assister à la pièce "nos corps empoisonnés" au Vietnam. Plus d’informations prochainement.