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Martine Gärtner : « L’Allemagne s’est inscrite dans ma vie »

Martine Gaertner livre Bonjour FrancfortMartine Gaertner livre Bonjour Francfort
Écrit par Sophie Régis
Publié le 11 novembre 2020, mis à jour le 12 novembre 2020

Dans la sphère franco-allemande, nombreux la connaissent, notamment à Francfort où elle a enseigné pendant 19 ans. La Française Martine Gärtner, installée dorénavant dans le sud de la France, est de retour outre-Rhin avec son dernier livre « Bonjour Francfort ». Entretien.

 

C’est par la littérature que l’Allemagne s’est immiscée dans ma vie

 

Lepetitjournal.com/francfort : comment l’Allemagne s’est immiscée dans votre vie ?

Martine Gärtner : presque par hasard ! Rien ne me destinait à me rapprocher de l’Allemagne. Je n’ai pas appris l’allemand à l’école, je n’avais aucun rapport avec ce pays. Finalement, c’est grâce à mon cousin, Robert Guédiguian (le réalisateur !), dont la mère était allemande que j’ai découvert ce pays pour la première fois. C’est donc par la littérature que l’Allemagne s’est immiscée dans ma vie. J’ai fini par me rendre outre-Rhin par le biais d’une association qui œuvre pour l’amitié franco-allemande. Je suis partie à l’époque de la guerre froide en RDA (République démocratique allemande, aujourd’hui ex Allemagne de l’Est, ndlr) avec ma cousine, j’avais à peine 20 ans. Nous y sommes restées un mois. Les 15 premiers jours, on a travaillé la terre à Francfort-sur-l’Oder. Ensuite avec nos économies, nous sommes allées à Berlin pour 2 semaines. J’ai passé un mois incroyable en Allemagne !

Une fois rentrée à Aix-en-Provence, où je faisais mes études de lettres classiques, j’ai rencontré un étudiant allemand à la faculté. Nous sommes devenus amis et un jour celui-ci m’a présenté une de ses connaissances qui est devenue mon mari ! Il a eu beaucoup de difficultés à trouver un travail en France alors nous nous sommes installés dans son pays natal, l’Allemagne. J’ai réussi de mon côté à me faire muter au Lycée français de Francfort où je suis restée 19 ans.

 

je m’inspire énormément de la réalité de mon vécu et donc inévitablement de l’Allemagne

 

Une fois installée en Allemagne, alors que vous êtes enseignante de français au Lycée Victor Hugo de Francfort, vous rédigez l’ouvrage « Balzac en Allemagne ». Quand commence l’aventure de l’écriture ? 

Je ne crois pas que ce soit l’Allemagne qui ait déclenché l’écriture chez moi. J’ai toujours écrit, quand j’étais petite j’avais déjà des petits carnets dans lesquels j’écrivais des histoires. Durant toutes les périodes de ma vie j’ai écrit, mais tout ce que j’écrivais n’était pas toujours publié sur le coup. Très souvent, quand je publie un ouvrage, c’est plutôt de la réécriture : je reprends quelque chose que j’ai écrit il y a longtemps, je modifie un peu le texte et je le termine enfin !

Lorsque j’écris, je m’inspire énormément de la réalité de mon vécu et donc inévitablement de l’Allemagne. Par exemple, pour mon premier ouvrage Balzac et l’Allemagne, je me suis inspirée de discussions avec mes élèves du Lycée français de Francfort. On étudiait des textes de Balzac et un élève m’a fait remarquer qu’il y avait plusieurs annotations sur l’Allemagne, alors je me suis intéressée à la question. J’ai redécouvert Balzac alors que je pensais bien le connaître. Pourquoi personne ne m’avait jamais dit que Balzac était un amoureux de l’Allemagne ? (Rires).

 

même en France, Francfort ne m’a jamais quittée, l’Allemagne s’est installée en moi

 

En 2009, vous revenez en France. Au bout de près de 20 ans passés à Francfort, qu’est-ce qui vous fait quitter l’Allemagne ?

Je ne sais pas vraiment... Enfin si ! Il y a eu d’abord des raisons personnelles et familiales : mes enfants étaient en France, la distance était difficile à gérer. Mais au-delà de ça, au bout de 19 ans de résidence en Allemagne, j’ai pris du recul. Je ne me sentais plus vraiment intégrée, ni légitime. En tant que fonctionnaire française, je n’avais pas le droit d’exprimer publiquement mon avis sur la politique allemande. J’étais gênée par ce concept, je ne me sentais plus vraiment à ma place. Je me sentais, paradoxalement, de plus en plus étrangère.

Le déménagement a été très dur, ça a été un véritable arrachement mais je savais que c’était ce qu’il fallait faire. Mais, même en France, Francfort ne m’a jamais quittée, l’Allemagne s’est installée en moi.

 

En 2020, vous publiez « Au-delà du mur, un conte de l’Allemagne réunifiée. ». Vous vous intéressez à l’histoire de l’Allemagne par la fiction. Quel message vouliez-vous faire passer en abordant l’histoire du mur de Berlin ?

L’Allemagne nous a interpellés historiquement. Cette histoire de la guerre et de l’après-guerre, je n’arrive pas à l’oublier. L’Allemagne est un pays incroyable : la RFA et la RDA (République fédérale d'Allemagne et République démocratique allemande, aujourd’hui ex Allemagne de l’Ouest et ex Allemagne de l’Est, ndlr), c’est un même peuple qui a réussi développer deux régions différentes, je trouve ça fascinant et terriblement compliqué.

Dans ce livre, j’ai voulu recréer l’atmosphère de ma jeunesse : je décris une époque où la nationalité n’était pas aussi importante qu’aujourd’hui. Dans mon histoire il y a des Français, des Allemands mais surtout des amis.

Cet ouvrage, c’est aussi mon regard sur l’acte militant. Pendant longtemps, je suis restée très pessimiste sur le poids des actions politiques à l’échelle de l’individu. Ce livre m’a permis de voir mon évolution et à présent je suis bien plus optimiste en ce qui concerne l’efficacité de l’acte militant.

 

j’encourage vraiment les gens à partir dans un pays étranger et d’y rester longtemps

 

En octobre est sorti votre dernier ouvrage : « Bonjour Francfort ! » dans lequel vous abordez le thème de l’expatriation et racontez des histoires d’expatriés. Pourriez-vous nous en dire plus ?

« Bonjour Francfort », c’est 13 histoires de Français liées entre elles. Je dirais que les personnages ont plus de points communs que de différences. Je ne crois pas à l’individu ou au super héros. Je trouve ça au contraire très intéressant que l’on puisse réagir à l’identique dans des situations similaires. Dans ce livre, je décris beaucoup de situations que j’ai vécues ou que j’ai vues, il y a donc toujours un rapport avec la France.
 

Martine Gaertner Bonjour Francfort

 

 

Globalement, quel bilan tirez-vous de vos expériences en Allemagne ? Quels sont vos projets ?

L’Allemagne s’est inscrite dans ma vie et je lui en suis très reconnaissante. Culturellement c’est un enrichissement énorme. Ce n’est pas toujours évident, ça demande un effort en plus. Avec mon mari nous formons un couple franco-allemand atypique avec toutes ses richesses et ses difficultés. C’est parfois plus complexe mais je conseille à chacun de partir n’importe où. La vie est trop courte pour tout faire mais j’encourage vraiment les gens à partir dans un pays étranger et d’y rester longtemps. Je pense que ça ne vaut pas la peine de changer tous les 3 ans de pays comme le font certains expatriés. Je pense que le mieux est de rester le plus longtemps possible pour s’imprégner du pays. Posséder deux pays, deux cultures, c’est vraiment beau.

Pour le futur, j’ai plusieurs projets. J’ai plusieurs ouvrages en cours, je ne sais cependant pas lesquels verront le jour. J’écris notamment un essai sur Balzac et la mémoire des jeunes mariés. En ces temps difficiles, je me pose la question de savoir quel projet sortira. J’espère en tout cas que les éditeurs, les libraires et toute la chaîne du livre saura faire face au coronavirus car la situation est pour le moins inquiétante.


Livres de Martine Gärtner aux éditions l'Harmattan. Cliquez ici.

 

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