Nouveau record dans les prisons françaises : le nombre de détenus a atteint en décembre le niveau inédit de 72.836 après un précédent pic en novembre, accentuant encore la surpopulation carcérale et la pression sur l'exécutif pour tenter d'y remédier.
Au 1er décembre, les établissements pénitentiaires français comptaient 72.836 détenus pour 60.698 places opérationnelles, soit une densité carcérale de 120%, contre 115,2% il y a un an, selon les données statistiques du ministère de la Justice.
Ce mal chronique, qui a valu à la France une condamnation devant la Cour européenne des droits de l'Homme en janvier 2020, devrait figurer au menu du plan d'actions post-Etats généraux de la justice, qui doit être présenté la semaine prochaine par Eric Dupond-Moretti.
Selon les chiffres officiels, on dénombrait en décembre 2.844 prisonniers de plus qu'il y a un an (+4%), confirmant la tendance à la hausse qui se dessinait ces derniers mois.
En novembre, le nombre de détenus avait ainsi déjà battu le record qui datait de mars 2020. A l'époque, à la veille du premier confinement, l'exécutif avait pris une série de mesures exceptionnelles pour désengorger les prisons et éviter une propagation de l'épidémie de Covid-19 en milieu carcéral.
Depuis, ces mesures ont été abandonnées et les statistiques sont remontées régulièrement pour parvenir à une situation de "plus en plus en plus effrayante", selon la formule utilisée mercredi sur Twitter par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Cette situation contraint des prisonniers à s'entasser "comme des poulets de batterie avec moins de 1 m2 d'espace vital par être humain", a estimé cette autorité indépendante.
- "Conditions indignes" -
Selon les données officielles, 15.420 détenus sont actuellement en surnombre par rapport aux places disponibles dans les établissements pénitentiaires (contre 12.999 il y a un an). En raison de cette surpopulation, 2.133 personnes sont contraintes de dormir sur des matelas posés à même le sol.
Cinquante-six prisons ou quartiers pénitentiaires affichent une densité supérieure à 150% et six d'entre eux dépassent même la barre des 200%. C'est notamment le cas du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan (200,3%) ou de la maison d'arrêt de Bayonne (201,3%).
Plus du quart des détenus (26,4%) sont par ailleurs des prévenus, c'est-à-dire des personnes en attente de jugement et donc présumées innocentes. La densité carcérale dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés ces prévenus et les condamnés à de courtes peines, s'élève à 142,8%.
"Ces conditions indignes coûtent pourtant 110 euros par jour par détenu. Un peu cher pour fabriquer de la récidive et un peu cher pour faire perdre tout sens à la peine", a indiqué le CGLPL, appelant une "nouvelle fois à prendre d'urgence des mesures efficaces (et non incantatoires)".
Fruit de mois de consultations lancées par l'exécutif, le rapport des Etats généraux de la justice était parvenu en juillet au même constat en observant que la surpopulation carcérale en France ne permettait pas "d'assurer une réinsertion de qualité, ni de prévenir la récidive".
Ces Etats généraux avaient appelé l'exécutif à "remédier" à cette situation en mettant notamment en place un "mécanisme de régulation carcérale" fixant pour chaque établissement un seuil d'occupation au-delà duquel pourraient être "envisagées" des mesures de désengorgement.
La situation est différente chez plusieurs voisins de la France, selon les informations collectées par les bureaux de l'AFP.
En Allemagne, au 30 juin, l'utilisation des capacités du système pénal était ainsi de 78,1% alors qu'elle était de près de 104% en 2003.
En Espagne, le nombre de détenus a, lui, baissé de 21% entre 2011 et avril 2022, selon les données officielles.
En Italie, la situation est en revanche plus proche de la France : le taux d’occupation des prisons y était de près de 110% en octobre, avec 56.225 détenus pour 51.174 places.
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