De la musique de "Zelda" au thème entêtant de "Super Mario", le son a toujours été au coeur de l'expérience immersive des jeux vidéos.
C'est ce qu'a compris cette année la Recording Academy, qui organise la cérémonie des Grammy Awards aux Etats-Unis et, pour la première fois, va récompenser dimanche soir à Los Angeles la meilleure bande-son d'un jeu vidéo.
Une reconnaissance tardive, par l'équivalent des Oscars de la musique, du poids du jeu vidéo dans la culture populaire.
Il faudra départager "Aliens: Fireteam Elite" à la musique composée par l'Américain Austin Wintory, "Assassin's Creed Valhalla: l'Aube du Ragnarök" et sa compositrice américaine Stephanie Economou, "Call Of Duty: Vanguard" par le musicien américain Bear McCreary, "Les Gardiens de la Galaxie" du Britannique Richard Jacques et "Old World" du compositeur américain Christopher Tin.
A quelques jours de pouvoir décrocher un Graal de l'industrie musicale aux Etats-Unis, le seul non américain du lot, M. Jacques, 49 ans, n'arrive pas encore à réaliser que sa sélection est "bien réelle".
- Lente reconnaissance -
De formation classique au conservatoire de musique de Londres, Richard Jacques est un professionnel depuis 30 ans.
En 2001, il fait sensation avec une bande-son orchestrale pour un jeu vidéo enregistrée au célébrissime studio Abbey Road.
Mais la reconnaissance a pris du temps, confie-t-il à l'AFP.
Que les Grammys aient créé une récompense pour les musiques de jeux vidéos "nous donne enfin une espèce de respectabilité que nous cherchions depuis longtemps", se réjouit-il.
Il s'agit aussi pour ces musiciens de tirer profit d'une industrie mondiale du jeu sur écran qui frise les 200 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2022 selon Global Games Market Report.
- Génération Z -
Mieux, une enquête du cabinet Deloitte aux Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Japon et Brésil conclut qu'il s'agit de la première source de divertissement pour la génération Z, des jeunes nés entre 1995 et 2010.
Et la musique fait vraiment partie de "l'expérience immersive du jeu", selon la compositrice Stephanie Economou derrière la bande d"Assassin's Creed".
"Les joueurs écoutent vraiment", veut croire cette jeune musicienne de Los Angeles réputée pour ses bandes originales de films et de séries télé.
Comme son concurrent Richard Jacques, Stephanie Economou explique à l'AFP que cette toute nouvelle catégorie aux Grammys marque "une étape importante pour que les gens reconnaissent enfin que les jeux vidéos sont dans l'air du temps depuis un bon moment".
Composer une bande-son pour un jeu est "une nouvelle manière d'expérimenter et d'écouter la musique", dit-elle.
Pour Richard Jacques, le défi consiste en outre à faire en sorte que "la musique réagisse à ce que le joueur fait" sur sa console. Car tout dépend des "choix du joueur" et des "nombreuses possibilités du jeu".
"Que les joueurs combattent ou fassent un puzzle, quelle que soit la nature du jeu, c'est notre boulot de compositeurs de leur offrir une expérience interactive et sans accroc", affirme le Britannique.
Les liens entre musique et jeu vidéo sont si étroits que le jazzman américain Jon Batiste --qui a raflé en 2022 cinq Grammy Awards-- avait confié en 2019 au Washington Post que le jeu l'avait inspiré dès son enfance pour "créer des thèmes musicaux entêtants qu'on a sans cesse envie d'entendre".