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EXPOSITION - Fabergé, le sommet de la perfection et de la créativité

Jusqu'au 29 avril 2013, le Hong Kong Heritage Museum de Sha Tin ouvre ses portes à l'art russe et l'un de ses plus célèbres représentants : Pierre Carl Fabergé. Suite à la visite de l'ex-Président Dimitri Medvedev à Hong Kong en avril 2011, un accord a renforcé les échanges culturels entre les deux pays. L'exposition "Fabergé : Legacy of Imperial Russia" en est aujourd'hui le fruit.

Grâce aux collections prêtées par les Musées du Kremlin-Moscou et le Musée Minéralogique Fersman, plus de 250 pièces sont exposées, une ampleur inédite à Hong Kong concernant l'art russe. Imaginée spécialement pour le public asiatique et présentée pour la première fois à Shanghai en 2012, l'exposition célèbre les 170 ans de la Maison Fabergé. Au travers d'?uvres de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, le visiteur découvre la richesse et la finesse de pièces intimement liées aux dernières heures de l'Empire de Russie.

Fabergé, orfèvre officiel des Tsars
Né en 1846 à Saint Pétersbourg, Pierre Carl Fabergé est le descendant de Huguenots originaires de Picardie ayant fui la France suite à la révocation de l'Edit de Nantes. Son père, orfèvre, fonde la Maison Fabergé en 1842 dans la capitale russe d'alors : Saint Pétersbourg. Après des études en Allemagne, France, Angleterre et chez les maitres joailliers européens, Pierre Carl Fabergé reprend les rênes de l'entreprise familiale en 1872. En dix ans il hisse la Maison Fabergé au plus haut niveau et est remarqué par le Tsar Alexandre III. En 1885 il est reconnu orfèvre officiel de la famille impériale. A partir de ce moment, la renommée de Fabergé ne cesse de croitre jusqu'à dépasser les frontières russes. Il fournit les cours d'Angleterre, Norvège, Suède, Grèce, Bulgarie et jusqu'à l'ancien Royaume de Siam. A son apogée plus de 500 artisans travaillent sous ses ordres au sein de cinq succursales. Ils produisent près de 200.000 objets et bijoux allant de la pièce unique à celle produite en petite série. La révolution russe de 1917 marque le coup d'arrêt de la Maison. Elle est nationalisée et son stock saisi. Pierre Carl Fabergé fuit vers la Suisse où il meurt à Lausanne en 1920.

Innovateur et ouvert d'esprit, Fabergé incarne l'excellence de l'art russe à la fin de l'Empire. Il s'adapte aux modes de l'époque dans des styles allant du rococo à l'art nouveau en passant par l'esprit byzantin, panslave, belle époque ou renaissance. Véritable chant du cygne, ses ?uvres représentent la dernière manifestation de l'opulence, du luxe et de la richesse de la Russie impériale avant l'avènement du bolchévisme. Les pièces présentées à Hong Kong s'inscrivent dans un contexte historique tumultueux explicité par les différents panneaux de l'exposition.

Les ?ufs de Fabergé, ?uvres incontournables de l'exposition
Pièces maitresses de l'artiste et de l'exposition hongkongaise, quatre ?ufs de Fabergé sont présentés au Musée de l'Héritage. Selon la tradition orthodoxe russe, il était de coutume d'offrir à Pâques des ?ufs colorés et bénis à ses proches. En 1885 le Tsar Alexandre III commande à Fabergé un ?uf de Pâques destiné à l'Impératrice Maria Feodorovna. Cet ?uf d'aspect ordinaire, en email blanc, contenait une première surprise (Kinder n'a rien inventé !) : une poule multicolore en or qui elle-même s'ouvrait pour révéler une réplique de la couronne impériale et un petit ?uf en rubis. Le présent fut un tel succès qu'Alexandre III en commanda un à chaque fête pascale. A sa mort, son fils le dernier Tsar Nicolas II poursuit la tradition et offre deux ?ufs de Fabergé chaque année : l'un à sa femme Alexandra et l'autre à sa mère Maria. En tout 50 ?ufs impériaux ont été produits dont 42 sont parvenus jusqu'à nous. Les huit autres ont été perdus lors de la révolution. Chaque ?uf, qui demandait plus d'un an de travail aux joailliers Fabergé, est lié à un événement de la vie de la famille impériale ou de la dynastie Romanov. Au-delà de ses ornements et de son raffinement, il se devait de contenir une surprise que même le Tsar découvrait au dernier moment. Le public hongkongais peut actuellement admirer les ?ufs de 1891, 1900, 1903 et l'?uvre inachevée de 1917 :

"Mémoire d'Azov", Maison Fabergé, 1891 -Image © Moscow Kremlin Museum © Fersman Mineralogical Museum

- Le premier, "Mémoire d'Azov", commémore le voyage entrepris par deux fils du Tsar Alexandre III, dont le futur Nicolas II. La surprise contenue dans cet ?uf est une réplique parfaite du croiseur qui transporta les princes russes. Ce voyage de 9 mois et demi les conduisit de Grèce aux Indes puis en Chine : Shanghai, Hong Kong et Canton où ils furent très bien accueillis puis au Siam et à Saigon. En revanche, au Japon, le Tsarévitch reçoit un coup de sabre d'un mari outragé par les avances que Nicolas aurait faites à sa jeune épouse et rentre au plus vite dans son palais via Vladivostok où il pose la première pierre du Transsibérien. L'?uf en héliotrope, un jaspe vert, se présente comme une coquille symbolisant le monde marin et l'aigue marine sur laquelle repose le bateau représente la mer.

- Le deuxième ?uf célèbre la construction du Transsibérien. Sa coquille, gravée de la carte du parcours ferré, s'ouvre pour révéler une réplique du train faite d'or et de platine. Une petite clé permet de remonter le mécanisme le faisant avancer de plusieurs mètres. Vous pouvez découvrir agrandis dans la vidéo près de l'entrée, les détails du train : ses fenêtres en cristal, les inscriptions sur les wagons "Ladies only" ou "smoking".

- Le troisième ?uf est une réplique de la Cathédrale de la Dormition où les Tsars étaient couronnés et se mariaient. Le plus grand des temples orthodoxes se trouve à l'intérieur du Kremlin représenté ici en or rose. Le dôme de la cathédrale s'ouvre actionnant une boite à musique jouant des morceaux traditionnels de Pâques. L'intérieur de la cathédrale a été reproduit fidèlement comme le montre la vidéo à l'entrée de la salle.

- Rappelant la fin brutale des Romanov, l'?uf dit "Constellation", qui aurait dû être offert en 1917, est resté inachevé. Il devait être dédié à l'unique fils de Nicolas II, le Tsarévitch Alexis, exécuté avec sa famille par le nouveau régime. Pensé perdu pendant des décennies, l'?uf séjournait non identifié et en trois morceaux dans les collections du Musée Fersman dédié aux minéraux. En visite dans ce musée il y a 14 ans, la curatrice du Musée du Kremlin fit tout de suite le lien entre ces pièces et l'?uf disparu. Elle les fit assembler à l'aide d'un anneau de plastique pour le présenter au public. Il devait être équipé d'un mécanisme de rotation qui faisait tourner les constellations. Cet ?uf avait été donné par l'un des fils de Fabergé, Agathon qui s'apprêtait à fuir la Russie, au directeur du musée de l'époque dans l'espoir de le préserver.

La finesse et l'opulence de l'art russe dévoilées
Si les ?ufs de Fabergé représentent les pièces maitresses de cette exposition, un grand nombre d'autres ?uvres sont également présentées. Les objets et bijoux réalisés par Bolin, Bock, Tarabrov ou Ovchinnikov donnent une image complète de l'artisanat russe de cette époque. Ils démontrent la maitrise d'une grande palette de techniques ainsi que la variété des pierres et métaux utilisés, issus des montagnes de l'ancien empire.

Service à thé et café, A. M. Postnikov, 1873 -Image © Moscow Kremlin Museum © Fersman Mineralogical Museum

Parmi les objets de la vie courante, on retrouve des coupes papier, sceaux, boites d'allumettes, services en cristal et autres vases. Appartenant à la famille impériale et à la noblesse, ils ne sont pas seulement fonctionnels mais également des ?uvres d'art. Les artisans russes sont reconnus pour leur technique de niellage qui consiste à remplir certaines gravures d'un objet en métal avec un alliage noir pour lui donner du relief. C'est par exemple la technique utilisée sur le service à thé et café en argent exposé. Il avait été offert par le Grand Duc Alexis, frère d'Alexandre III, au Gouverneur de Hong Kong Sir Arthur Kennedy lors d'une visite officielle dans les années 1870. Ce service s'est ensuite retrouvé en Italie, où il fut offert à Mme Gorbatchev lors d'une visite officielle et a ainsi intégré les collections du Musée du Kremlin. On remarque également un petit vase contenant une pensée plongée dans ce qui semble être de l'eau mais qui est en réalité une illusion optique, l'une des autres innovations de Fabergé. Cadeau du Tsar Nicolas II à son épouse pour leur dixième anniversaire de mariage en 1904, la fleur s'ouvre grâce à un petit mécanisme à l'arrière de la tige entre les deux feuilles. Les miniatures en aquarelle sur ivoire des cinq enfants du couple apparaissent alors, serties de diamants.

Broche style art nouveau, joailliers moscovites, fin XIXème ? début XXème siècle -Image © Moscow Kremlin Museum © Fersman Mineralogical Museum

Les bijoux sont une des autres pièces maitresses de l'exposition. Beaucoup ayant été vendus après la révolution ou "retravaillés" pour les rendre plus modernes, il reste peu de pièces originales. La rénovation d'une maison moscovite en 1990 a permis de retrouver dans le plancher deux cassettes de bijoux en diamants produits par Fabergé. Ils avaient été cachés là par l'un des directeurs de la Maison avant son arrestation par les Bolcheviks. Dix des pièces préservées sont exposées à Hong Kong. Elles illustrent le caractère novateur de Fabergé qui a été l'un des premiers à utiliser le platine en joaillerie et à associer perles et petits diamants.

Vierge de Kazan, I. Tarabrov, 1899-1908 -Image © Moscow Kremlin Museum © Fersman Mineralogical Museum

Dans une alcôve à l'extrémité de l'exposition sont présentées des ?uvres à caractère religieux : croix, évangiles, icônes. Ces dernières ayant une place centrale dans la pratique orthodoxe, elles sont particulièrement choyées. La Vierge de Kazan voit par exemple son vêtement couvert de perles et son cadre embelli d?or, argent, diamants, émeraudes et perles, ne laissant découverts que les visages et les mains.

Une importante partie de l'exposition est dédiée aux objets décoratifs en pierres taillées et façonnées. L'inspiration de l'art asiatique est ressentie dans plusieurs ?uvres, notamment des vases, fleurs et animaux (inspirés les Netsuke japonais) offerts comme cadeaux officiels.


Soldat réserviste, Maison Fabergé, 1915-Image © Moscow Kremlin Museum © Fersman Mineralogical Museum

Une anecdote amusante : certains de ces animaux étaient offerts par un riche industriel à ses convives lors de ses diners. Il essayait de choisir les animaux pour leur ressemblance avec le physique ou le caractère des invités. Fabergé s'est particulièrement illustré avec ses figurines en pierres qui démontrent la richesse des gemmes russes. Le soldat allumant une cigarette est l'un des plus précieux exemples. La figurine est une mosaïque composée de pierres et métaux choisis pour leur couleur la plus proche possible de la réalité : jaspe pour les vêtements, or pour la boucle de ceinture, argent pour le fusil, etc. Peu de ces figurines sont parvenues jusqu'à nous, encore moins que les ?ufs de Fabergé. Sur les six que possède la Russie, deux sont à admirer à Hong Kong jusqu'au 29 avril.

Précipitez-vous à cette exposition avant la foule que le bouche à oreille ne va pas tarder à attirer.
Bonne visite !

CG et Claudine Cicut (www.lepetitjournal.com/hongkong) jeudi 28 février 2013

Informations pratiques:
?Fabergé : Legacy of Imperial Russia?
Du 6 février au 29 avril 2013
Hong Kong Heritage Museum
1 Man Lam Road, Sha Tin, New Territories
1/F Thematic Galleries 1 & 2
Téléphone : 2180 8188
Site : www.heritagemuseum.gov.hk

Horaires d'ouverture :
10h00-18h00 du lundi au vendredi (fermé le mardi, sauf si jour férié)
10h00-19h00 les weekends et jours fériés

Tarifs de l'exposition temporaire :
20 HKD du jeudi au lundi (10 HKD en tarif réduit)
10 HKD le mercredi (5 HKD en tarif réduit)
Les tickets pour l'exposition temporaire donnent également accès aux autres salles du Musée de l'Héritage.

Visites guidées :
Chaque samedi et dimanche du 2 au 31 mars 2013, 15h30-16h30, départ depuis le ?public tour meeting point? au premier étage. Se renseigner si la visite est en anglais ou cantonnais.

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