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Couples binationaux, le retour problématique en France

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Écrit par Sandra Camey
Publié le 16 mars 2020, mis à jour le 23 juillet 2020

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Apparemment, pour les couples bi-nationaux revenant en France, cet archétype n’est possible qu’après un certain lot de galères.


lepetitjournal.com a voulu connaître l’expérience de ses lecteurs qui incarnent la citation de Malek Bensafia « L’amour n’a pas de frontières » et qui ont fait face à celles de la France, main dans la main avec leur grand amour.


La bureaucratie française : une Odyssée


Quand François a voulu rentrer en France avec sa femme mongole en 2009, c’est « là que la galère administrative a commencé ».

Pour Thomas, anciennement chercheur au Brésil et pacsé au consulat de France de São Paulo, se marier en France est un « processus très bureaucratique » qui aurait été « plus complexe, voire impossible » s’il n’avait pas eu l’aide de sa belle famille brésilienne. Grâce à ça, « des documents indispensables ont pu être envoyés du Brésil vers la France assez rapidement ».

Jean-Philippe a, quant à lui, rencontré sa femme japonaise il y a 11 ans dans le TGV, alors qu’elle était étudiante à Paris. Trois ans plus tard, ils décident de se pacser et vivaient « en permanence la pression des services d’immigration et des délais d'instructions de dossiers inadmissibles en préfecture ». Sa conjointe reste une année sans pouvoir travailler suite à une première demande de titre de séjour qui a duré un an.

Thomas rencontre des problèmes similaires et regrette un « accueil déplorable » en préfecture lors du changement de visa visiteur en carte de séjour temporaire. « Ce qui était essentiel car seul ce visa lui permet de travailler en France ». « Nous y sommes allés dès 5h du matin pour découvrir une file d'au moins 200 personnes, les unes plus désespérées que les autres. Nous nous y sommes rendus à trois reprises dès l'aube pour attendre des heures interminables dans le froid et n'ayant pour accueil qu'un refus d’entrer sous prétexte de non disponibilité de place. ».

François a connu sa femme alors qu’il était chef dans un restaurant français en Mongolie, et se sont mariés en France en 2004. Pour lui « les démarches ont été longues et fastidieuses auprès des services de l'ambassade d'Allemagne qui, à l'époque, représentait la France et l'Europe en Mongolie. La France n'ayant pas d'ambassade ou de consulat sur place, de nombreuses demandes de visas nous ont été refusées. »

La femme brésilienne de Thomas, ne voulant pas laisser son compagnon à quatre pattes, ramène son chat avec elle en France. « La procédure bureaucratique pour faire venir un animal en France, mériterait un article à part entière » nous confie ce mari dévoué.


La noyade dans un désert d’informations ?


Malgré un ressortissant français dans le couple, de grandes études et tout le bon vouloir du monde, personne n’est prêt à gérer la masse de travail qu’un amour non-européen inflige. Les démarches restent compliquées à comprendre. Chaque cas est unique et l’information dont ils ont besoin n’arrive pas à temps, entraînant parfois des complications. Ce qui a été le cas d’Isabelle, expatriée en Allemagne avec son conjoint qatari, « après 8 mois sur le territoire français, j’apprends que le visa long séjour de mon mari doit être déclaré en France, or ni le consulat de France à Francfort, ni notre cher site service-public.fr ne le précise ».

Ces problèmes étant apparement fréquents et récurrents, ils ont fait émerger un marché sur le dos de ces couples. Thomas a même pu « remarquer l'existence de cette économie parallèle d'avocats vendant du rêve à ceux qui ne sont pas familiers des lois françaises ainsi qu’un marché noir de ventes de places en file d'attente pour l'accès à la préfecture. »


La peur pour son conjoint non assuré.e


Lorsque Amélie est tombée enceinte en Thaïlande, son mari birman et elle ont décidé de rentrer en France et c’est au total, « 15 heures d’administratif par semaine au minimum rien que pour lui » qui les attendait. Sans parler des « situations cauchemardesques pendant des mois » qu’elle a vécues avec la sécurité sociale ou la CAF, qui ont inversé le prénom et le nom de son conjoint.

Pour Isabelle, son mari était le seul à avoir un emploi quand ils sont arrivés en France et ce n’est qu’après une année, que finalement, il reçoit un numéro de sécurité sociale. Elle attend toujours sa carte vitale, « en Allemagne, en 15 jours, on avait sa carte vitale et européenne dans notre boîte aux lettres, je ne comprends pas ce que fait l’administration française ! ». Amélie qualifie ces situations d’ « angoissantes ». 


Privé.e de conduite, le refus de l'autonomie

Le permis de conduire est essentiel pour l’intégration des conjoints étrangers, pour leur permettre d'être indépendants, comme le mari d’Amélie avec leur enfant en bas âge, ou lorsqu’ils vivent en campagne. Une personne qui s’installe en France ayant un permis délivré dans un pays non européen peut continuer à arpenter les routes pendant un an à partir de l’acquisition de la résidence normale. Après cela, l’échange de son permis de conduire contre un permis français est obligatoire.

Sur le papier, pas de problème. Mais comme le confie Jean-Philippe, après avoir attendu un an le titre de séjour de sa femme, il a dû attendre un an de plus pour l’instruction du permis de conduire de sa femme. Ce qui est aujourd’hui aussi le cas de Thomas, qui attend toujours l’échange du permis de conduire de sa femme depuis un an.

Pour Isabelle, l’Office français de l’immigration et de l’intégration les a induit en erreur après avoir assuré à son mari qu’il pourrait échanger son permis de conduire pour un permis français : « Nous avons dû faire rapatrier son permis de conduire du Qatar, le faire traduire et légaliser, ça nous a coûté très cher et surtout, beaucoup de temps. Au final le Qatar n’est même pas sur la « liste des États et autorités dont les permis de conduire nationaux sont susceptibles de faire l’objet d’un échange contre un permis de conduire français » alors qu’on a été renseignés par ceux qui sont censés nous aider.» Même galère pour Yolande, Camerounaise et mariée à un Français. Son pays n’a pas d’accords bilatéraux et de pratiques réciproques d’échange des permis de conduire. Par conséquent, elle doit repasser son permis.


L’OFII, ceux qui l’aiment et ceux qui ne l’aiment pas

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) regroupe les compétences de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrants ainsi qu’une partie des missions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Pour Isabelle, l’OFII a été sauveur. Encore étudiante, son mari s’est vu réduire ses heures en attendant d’avoir plus de responsabilités quand il saura parler français, « nous avons dû payer des cours privés de français une à deux fois par semaine, ça a été très difficile pour nos finances ». Mais lorsque son mari sort de son premier rendez vous à l’OFII, c’est une bénédiction « on lui a accordé 400 heures de cours de français, et des cours d’éducation civique (…) grâce à ça, il a commencé à se faire un réseau d’amis venant de partout dans le monde et il déteste manquer ses cours quand son travail l’y contraint ! Des papiers de vocabulaire et des grammaire sont collés partout chez nous. Il est très fier de réviser avec ma mère ce qu’il a appris la veille. Merci l’OFII ! CAF, APL, et autres lui ont été expliqués par quelqu’un parlant sa langue durant les rendez vous de l’OFII ! Quel bonheur, ça de moins à expliquer !»

En revanche, les cours de l’OFII n’ont pas été à la hauteur des attentes d’Amélie, « Les cours obligatoires de français dispensés par l'OFII ne sont pas suffisants. J'ai trouvé une professeure birmane de français qui a pu lui donner des cours via Skype. C'est là que son niveau a vraiment évolué. »

François ne porte pas non plus l’OFII dans son coeur, les « délais d’attente pour les rendez-vous OFFII sont très long et surchargés de demandes, puis un changement de résidence et de région et les dossiers ne suivent pas entre les différentes administrations. » Ce qui l’a même poussé à quitter la France. A son retour en 2018, il obtient « seulement un rendez vous à l'OFFII de Poitiers pour le 31 mars 2020 », soit deux ans plus tard.

Pour Thomas « une fois le titre de séjour dans les mains, mon épouse a eu affaire à une autre bête : l'OFII. Il suffit de vous dire que même à l'heure d'aujourd'hui, près d'un an et demi après le mariage, la procédure n'est toujours pas finie. »