Comment consoler son enfant des manques liés à la distance induite par l’expatriation ? Virginie Houet, journaliste, et Corinne Feuillet Luca, graphiste-illustratrice, ont accompagné leurs enfants dans leur joie de découvrir le monde, mais aussi dans leur tristesse d’être séparés de leur familles, de leurs amis. Elles ont uni leurs talents pour écrire Elise, 7 ans, Expatriée, un album en rimes bilingue (français-anglais), où elles montrent qu’il est possible de transformer ce manque en force positive.
Virginie Houet (à droite) est journaliste indépendante, spécialisée dans les domaines de l’expatriation et de la défense des droits humains. Elle a co-fondé Houston Expat Pro, une association de soutien aux conjoints expatriés entrepreneurs. Ensuite, elle créé Equality by Words, un incubateur littéraire pour les droits humains. Elle a publié plusieurs articles dans l'édition internationale du site lepetitjournal.com.
Diplômée de l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués, Corinne Feuillet Luca (à gauche) est graphiste-illustratrice et globe-trotteuse ! Au grès de sa vie d’épouse et de maman expatriée, elle adapte son travail. En 2010, elle crée Princesse Chouquette, Tibouille & Cie, afin de donner un nom à ses productions qu'elle commercialise sur internet.
lepetitjournal.com : Comment est née l’idée de ce livre ?
Virginie Houet : Tout vient d’une problématique que j’ai rencontrée avec ma petite fille suite à un déménagement de la Belgique vers Houston. Nous étions expatriés en Thaïlande pendant 4 années quand avons été rapatriés en Belgique (Virginie est belge ndlr). Nous nous sommes installés : j’ai trouvé une maison, j’ai acheté un petit chat, j’ai trouvé du travail, mais au bout de 3 mois seulement la société de mon mari nous a demandé de repartir à l’étranger. Nous avons accepté de le faire mais ce nouveau départ inattendu a été difficile pour ma fille, qui s’était projetée dans une vie différente, auprès de sa famille, et notamment ses grands-parents.
Quand nous sommes arrivés à Houston elle a vécu un désarroi profond par rapport à trois choses : le manque de la famille restée au pays, le manque des amis laissés en Thaïlande, et le décès de son arrière-grand-mère qui est survenu juste après notre arrivée. Je me suis rendue seule aux funérailles elle n’a pas pu dire au revoir. Elle était en détresse, elle pleurait tous les soirs, je me suis sentie désemparée.
Avez-vous trouvé de l’aide autour de vous ?
Virginie Houet : J’ai cherché une solution pour l’aider à cicatriser et, en tant que maman, je vivais un peu les mêmes douleurs. J’ai rencontré plusieurs psychologues, dont Adélaïde Russell, sur cette question de la séparation, de l’exil, du deuil. De ces conversations est sortie l’idée de se créer au fond de soi un jardin secret, où l’on peut glisser tous ceux que l’on aime. La famille, les amis qu’on ne voit pas régulièrement, la grand-mamie qui est décédée… Cette idée de baume a bien marché pour ma fille Romane, et pour moi aussi. Tous les soirs on parlait de ce jardin, on y glissait tous ceux qui nous manquaient, cela nous a donné à toutes les deux beaucoup de force pour continuer à avancer. Cela permet de garder en vous tout l’amour qui a été échangé avec les personnes que vous avez rencontrées dans votre passé, que vous aimez profondément et que vous ne pouvez pas voir régulièrement. Vous réalisez que c’est un cadeau que vous avez en vous qui permet de transformer l’amertume, la douleur du manque en force. On se rend compte que l’amour que l’on a reçu, que les moments que l’on a vécus sont beaux, grands ! Quelle chance on a d’avoir pu rencontrer des personnes avec les quelles on a pu créer ce type de relation, une famille de cœur !
L’idée du livre a germé : j’ai eu envie de partager cette découverte avec d’autres enfants expatriés, exilés, immigrés et d’autres parents désemparés. J’ai rencontré Corinne à Houston, on s’est très bien entendues. J’ai vu qu’elle était illustratrice et je suis tombée sous le charme de son dessin, de sa sensibilité, de la poésie qui s’en dégage et aussi de son expérience de maman expatriée. Et l’aventure a commencé !
Corinne Feuillet Luca : Nous vivons en expatriation depuis une vingtaine d’années. Mes enfants sont nés à l’étranger. Tout ce que Virginie me décrivait a trouvé un écho en moi par rapport à ce que j’ai pu vivre. Ma fille a vécu ses premières années à Singapour et lorsque nous sommes partis pour l’Ecosse, ça a été un choc terrible. Elle a très mal vécu cette séparation avec un pays où elle se sentait chez elle. Cette coupure a été extrêmement pénible. Les chagrins de Virginie et de sa fille, je les ai complètement retrouvés. J’ai également perdu deux grands parents en expatriation, je n’ai pas pu aller aux enterrements. Toutes ces questions m’ont donné envie de travailler sur ce projet original.
Il existe peu d’albums illustrés qui traitent des problématiques des enfants expatriés…
Corinne Feuillet Luca : C’était notre constat. On ne trouvait rien pour aider sa fille à son niveau d’enfant. Il y avait tout un travail intéressant à mettre en place pour arriver à nos fins, un vrai challenge. on a fait ce livre, face à face, avec nos échanges, nos idées, nous l’avons d’abord écrit et ensuite seulement je l’ai illustré. J’avais besoin d’une sorte de recueillement pour trouver là où j’allais aller.
Virginie Houet : C’était important que ce soit les mots du cœur mais aussi d’apporter une solution et de terminer positivement. Comment apprivoiser ces situations, qui sont le coté face de nos aventures autour du monde ? Elles sont très positives mais ont leur revers. Ma fille a envie de continuer à découvrir le monde !
Corinne Feuillet Luca : Il y avait notre regard de maman mais également notre regard de petite fille. Dans Elise, il y a le vécu des mamans et aussi de notre enfance.
La traduction du texte en anglais a-t-elle été évidente dès le début du projet ?
Corinne Feuillet Luca : Nos enfants pratiquent plusieurs langues, ont parfois plusieurs nationalités… et cela nous semblait naturel pour pouvoir toucher un maximum de personnes.
Virginie Houet : Cela représente cette double identité, symbolise les différents univers dans lesquels évoluent les expatriés, ce grand écart qu’il faut souvent faire entre plusieurs continents.
Vous êtes aussi un exemple de ces femmes qui malgré les expatriations parviennent à rebondir professionnellement : vous avez gardé l’envie de s’exprimer en tant qu’auteur, journaliste pour l’une ou illustratrice pour l’autre…
Corinne Feuillet Luca : Plus que jamais ! C’est important pour nous de garder notre identité.
Vous n’occultez rien dans cet album de la difficulté du chemin qu’est l’expatriation...
Virginie Houet : Cette idée de transformation que l’on voit dans le livre est à l’image de celle que nous pouvons vivre en tant qu’expatriés, pour faire de ces étapes quelque chose de profondément positif. L’expatriation renforce Elise dans ce qu’elle est, dans ses envies, elle est plus forte qu’avant pour poursuivre. Elle n’aurait pas rencontré cette force, ce jardin, si elle n’avait pas été expatriée.
Elise, 7 ans, Expatriée est publié aux éditions Amalthée.
L’album est disponible en France sur amazon.fr, à la fnac.com, chez decitre.fr, librairiesflammarion.fr, cultura.com, gilbertjoseph.com, etc. En Belgique, chez fr.fnac.be, belgiqueloisirs.com et chapitre.be.
Aux USA et au Canada, il est disponible sur amazon.com en format Kindle et sera prochainement distribué en ligne et dans les librairies en version Broché.
Les événements publics de présentation du livre sont :
A Houston par Corinne Feuillet Luca :
- Présentation, signature et disponibilité du livre au Festival de Printemps de Houston Expat Pro le 24 mars de 10 à 17H .
- Présentation pour les parents et les enfants, à Mark White Elementary School le 28 mars 2018 entre 18 à 20H.
A Atlanta par Virginie Houet, à l’école de français, « Lesson de français », 390 Prospect Place Suite 390 à Alpharetta - 30005 (North of Atlanta), le 14 avril de 10 à 13H.