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Troubles de l’apprentissage : les associations montent au créneau

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 3 décembre 2020

Beaucoup de familles expatriées sont dans la solitude et de dénuement face au handicap des enfants. Devant les difficultés de scolarisation et d’accompagnement, à l’étranger, des élèves à besoins éducatifs particuliers, les parents s’engagent dans l’arène associative. Leur objectif ? Briser l’isolement, informer et surtout, contribuer à promouvoir les bonnes pratiques. 

 

Il est plus de 23h à Shanghai. Encore l’heure pour Laurence, Maud et Stéphanie, fondatrices de l’association « DYSEXPAT »,  de sensibiliser aux problèmes des enfants dys dans la métropole chinoise. Pendant ce temps, dans une petite ville de Saône-et-Loire, Sabrina, présidente de l’association « A l’écoute des enfants dys », donne des conseils par téléphone à quelques uns des 30.000 fans de sa page Facebook, expatriés au Maroc ou en Italie. Depuis quelques années, pour répondre aux demandes des parents d’élèves, mais aussi des professeurs et professionnels de la santé, plusieurs associations de Français de l’étranger ont vu le jour, autour du handicap et des troubles de l’apprentissage. 

 

Rompre avec la culture du secret et l’isolement des parents

« Je suis multidys. Petite, je me suis retrouvée avec deux ans de retard à l’école, les enfants se moquaient, je n’avais pas d’amis. Quant aux profs, ils pensaient que je ne faisais pas d’effort ». Lorsque Sabrina devenue adulte détecte les troubles dys de ses propres enfants, elle est bien résolue à leur montrer qu’une autre expérience que la sienne est possible. En plus d’avoir créé un site web il y a quelques années, elle prodigue des conseils aux parents et reçoit à son domicile des enfants  dyslexiques, dyspraxiques, dyscalculiques…Les astuces qu’elle a expérimentées intéressent aussi bon nombre d’enseignants, lesquels sont souvent démunis face aux enfants ayant des troubles de l’apprentissage. « Sur les dictées et les poésies, cela ne sert à rien de rabâcher. En faisant un dessin associé à chaque mot, en général, ça aide, les enfants impriment davantage ». 

 

C’est la même volonté d’encourager les échanges sur le sujet qui a poussé trois expatriées françaises à monter l’association DYSEXPAT. Stéphanie, membre fondatrice raconte :

c’est une accumulation de petites choses qui rend parfois l’expatriation un peu compliquéeNotre but est que les parents sachent qu’ils ne sont pas tout seuls et qu’ils puissent rencontrer des personnes avec qui échanger sur les solutions, astuces et pratiques 

«  L’école n’encourage pas la communication entre les parents concernés. Il y a une sorte de culture du secret : il ne faut pas trop parler des élèves en difficultés d’apprentissage, ce qui conduit beaucoup de parents à se sentir isolés », explique Laure, à l’origine du groupe ALEDAS (Aider Les Enfants en Difficulté d’Apprentissage Scolaire), basé à Barcelone. Né de la commission TSA au sein de l’association de parents d’élèves du lycée français de Barcelone, le mouvement s’est très vite internationalisé. Aujourd’hui, son site web propose du contenu sur les différents troubles de l’apprentissage (autisme, dys, phobie scolaire, haut potentiel, troubles de l’attention/hyperactivité) ainsi que des pages régionales sur lesquelles les associations peuvent publier, entre autres, un agenda d’évènements et des répertoires de professionnels en expatriation. Valence, Bruxelles, Zurich et très prochainement Francfort : ALEDAS constitue une référence pour quiconque s’intéresse à la prise en charge des troubles de l’apprentissage à l’étranger. 

 

« L’AEFE fait des statistiques, nous sommes le bras opérationnel »

 

« L’AEFE a pris des mesures mais reste très institutionnelle et a moins les coudées franches que nous. Il y a par nature une lenteur administrative du système », explique Sabine d’ALEDAS. « On s’implique mutuellement dans nos travaux comme c’est le cas du livret d’accompagnement des auxiliaires de vie scolaire ou de notre future conférence internationale, en novembre, sur l’école inclusive », ajoute-t-elle. « L’AEFE a un réseau qui nous est très utile ». 

A Shanghai aussi, DYSEXPAT tente de pallier les limitations institutionnelles du lycée français. « Nous organisons régulièrement des réunions dans lesquelles interviennent des psychologues, ostéopathes, experts sur le sujet de la concentration »,  indique Laurence. « Parfois, il y a des blocages sur des choses qui n’ont jamais été mises en place », déplore sa collègue. C’est le cas du projet de cahiers à lignage spécifique pour les enfants dys, que l’association porte depuis plusieurs mois. « Cela n’avance pas, or les enfants en ont besoin. On a déposé un projet au STAFE (dispositif remplaçant la réserve parlementaire, ndlr) et on espère que cela aboutira car au Lycée français de Shanghai, il n’y a pas moins de 180 élèves qui ont divers troubles dys », précise Maud. Autre combat de l’association : la présence de professionnels médicaux et paramédicaux (orthophonistes, orthoptistes, ergothérapeutes, psychomotriciens) au sein du lycée, gage de la bonne réalisation des plans de suivi des élèves à besoins éducatifs particuliers. Les problèmes de licences professionnelles, visas de travail et reconnaissance des diplômes sur le territoire chinois complexifient grandement la tâche. « Entre les auxiliaires de vie scolaire, parfois non déclarés, et les consultations à 100 euros à la charge des familles, certaines d’entre elles qui ont des enfants multidys ou autistes ont été obligées de rentrer en France », raconte Stéphanie.  

 

Arrêter de pointer du doigt le corps enseignant pour mettre en lumière les bonnes pratiques

 

Pour Laurence de DYSEXPAT, « le point positif, c’est qu’il y a de petits effectifs dans les classes et que les enseignants sont en général très à l’écoute et beaucoup plus accessibles qu’en France. Ici, nous sommes toujours les bienvenus dans l’enceinte du lycée ». 

« Certains parents remettent en cause les professeurs alors que ces derniers sont volontaires mais relativement démunis pour s’occuper des troubles de l’apprentissage. Non seulement le nombre de sessions et de places lors des formations est limité, mais elles restent souvent trop théoriques », alerte Laure d’ALEDAS. Pour cette dernière, la familiarisation avec les sciences cognitives est indispensable dans la prise en charge.

Il est impératif de comprendre comment fonctionne le cerveau d’un enfant pour pouvoir le suivre efficacement. Il manque clairement aux professeurs des solutions simples et pratiques. Moi qui suis concernée, quand j’explique aux enseignants comment « fonctionnent » mes enfants,  ils regrettent que tous les parents n’aient pas la même démarche

Elle mise également sur l’évolution des formes d’enseignement pour plus d’inclusion. « Pour l’instant, la France est restée sur une structure assez pyramidale avec le professeur au sommet et les élèves en bas, quand d’autres pays, tels que la Finlande ou la Belgique ont déjà intégré un système plus harmonieux et interactif. Néanmoins, une nouvelle réalité est en train d’émerger sur les méthodes d’enseignement ». « Le fait qu’il y ait eu la création d’un département des sciences cognitives au sein du ministère de l’éducation nous prouve que notre démarche est la bonne », expose Laure avec optimisme.   Aussi, dans l’attente de réforme des dispositifs, les associations encouragent, mettent en lumière et partagent les initiatives vertueuses, comme les cartes mentales. « Il nous faut regrouper les parents qui sont perdus mais aussi les professeurs qui font de super choses dans leur classe, sans nécessairement en parler. L’idée c’est que chacun prenne ce qui l’intéresse et l’adapte à sa propre situation, d’autant plus que les techniques sont parfois utiles aux élèves qui n’ont pas de trouble d’apprentissage », indique Sabine. 

Chez DYSEXPAT, la sensibilisation des référents médicaux français aux problématiques particulières liées à l’expatriation est un autre cheval de bataille. « Quand l’on rentre et que l’on consulte des thérapeutes, ils mettent souvent mettre les troubles de nos enfants sur le compte de l’environnement multiculturel et des différences de langues ». L’association informe également les parents concernés sur les démarches à accomplir lors des retours temporaires. « Pour obtenir un aménagement aux examens, il faut que le bilan soit posé par un centre de référence. Or, les expatriés n’ont souvent qu’une toute petite fenêtre de tir ».  

 

14 propositions pour une meilleure prise en charge du handicap à l’étranger 

 

Mandatés pour faire un état des lieux des dispositifs accessibles aux Français porteurs de handicap à l’étranger, les conseillers consulaires Anne Boulo et Guy Savery ont consulté les associations. 

Parmi les 14 propositions formulées par les conseillers, en concertation avec ces associations, les 270 familles interrogées et l’AFE, certaines concernent les élèves à besoins éducatifs particuliers. Elles vont d’un numéro de référence à vie pour faciliter les démarches avec les différentes administrations (avant, pendant et après l’expatriation) au remboursement des (télé)consultations avec des orthophonistes et psychologues, en passant par l’accès aux bourses enfants handicapés de l’AEFE aux familles non boursières de revenus moyens dans certaines conditions. Concernant l’accompagnement socio médical, le rapport prône le développement d’accords bilatéraux de reconnaissance des diplômes des spécialistes francophones (orthophonistes, kinésithérapeutes, psychologues, ...) et d’obtention de visas, notamment dans les pays où ces spécialités n’existent pas. Enfin, il est demandé aux autorités françaises d’assurer une meilleure formation des équipes éducatives dans leur ensemble sur la reconnaissance, l’accompagnement des familles et la prise en charge des handicaps et des troubles de l’apprentissage.  

« Nous allons  suivre la mise en place des recommandations auprès des ministères et parlementaires » s’engage Anne Boulo. « Certaines concernent la mission d’Anne Genetet sur la simplification administrative et la protection sociale et à ce titre, seront relayées à différents niveaux », ajoute-t-elle.   Un bilan sera fait à la prochaine session de l’Assemblée des Français de l’Etranger dans quelques mois.  

 

Lisez la suite de notre dossier consacré à la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers en expatriation :

  • Pour un état des lieux de l'école inclusive à l'étranger, cliquez ici
  • Pour découvrir les témoignages de parents expatriés d'enfants souffrant de troubles dys, d'autisme ou d'un handicap, cliquez ici
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