Cette tribune nous a été proposée par Florian Bohème, conseiller des Français de l'étranger au Cambodge.


Après le rejet de la confiance envers son gouvernement, François Bayrou a démissionné. Fait inédit sous la Ve République : un gouvernement tombe sur une motion de confiance.
Tout l’été, l’exécutif est resté inflexible sur le déficit, pourtant passé de 2 281 à 3 345 milliards d’euros depuis 2017. Résultat : 364 députés contre la confiance et seulement 194 pour soutenir le gouvernement.
Au-delà d’une crise politique, c’est une crise institutionnelle durable qui s’installe.
La formule Faire France Ensemble remonte à l’après-guerre. Elle surgit des décombres de la Seconde Guerre mondiale. Eugène Claudius-Petit, ministre de la Reconstruction, la prononce en 1950 pour incarner l’ambition de rebâtir un pays et d’aménager son territoire.
Malgré l’instabilité de la 4ème République, il siégera dans dix gouvernements successifs. L’intérêt général pouvait alors transcender les clivages.
Soixante-quinze ans plus tard, cette notion de Faire France Ensemble reste d’actualité : reconstruire un pays fracturé, réparer une société divisée, conjuguer les bonnes volontés pour redonner sens à la République.
Pourquoi ce qui fut possible en 1950 serait-il impossible en 2025 ?
Sans majorité stable, l’Assemblée doit bâtir des convergences républicaines, texte par texte. Imposer avant de consulter ne peut plus être une méthode. Le nouveau gouvernement conduit par Sébastien Lecornu devra bâtir du consensus. Parce que nous sommes une république, le déblocage du pays passera par les parlementaires qui avec lucidité dans le respect du mandat donné pourront Faire France Ensemble.
À notre échelle, les Assises de la protection sociale des Français de l’étranger se tiennent jusqu’au 15 octobre. Ce moment démocratique associe citoyens, élus, parlementaires autour de trois piliers :
– Les aides sociales ;
– Les bourses scolaires et l’AESH ;
– L’avenir de la CFE.
Ces enjeux fondent notre pacte républicain : la promesse que la France ne tourne jamais le dos à ses citoyens, ni à leurs enfants, ni à leur dignité.
Les recommandations issues de ces Assises devront être concrètes et consensuelles pour espérer aboutir au Parlement ou être déclinées par l’administration.
Et si nous retrouvions cette envie de Faire France Ensemble ?
Pour les Français de l’étranger, Faire France Ensemble, c’est probablement agir sur 4 ou 5 grandes priorités concrètes, visibles, appliquées avant 2027. Pas de grand soir. Mais des actes justes et durables. A l’image de ce que l’Assemblée Nationale a créé en 1950, malgré l’instabilité politique d’alors, avec le vote du SMIG, outil qui créera un salaire minimum pour les Français.
L’accès à l’éducation : le pilier oublié
Bien que l’éducation soit un des piliers de notre nation, les frais de scolarité à l’étranger ont augmenté de 42% en 10 ans tandis que le nombre de boursiers a diminué de 8%. Des demandes de bourses kafkaïennes, des consignes déconnectées de la réalité du terrain, des outils numériques à la peine, un budget en baisse : tout décourage les familles. Il est temps de restaurer un droit clair, lisible, garant de la mixité sociale dans notre réseau éducatif à l’étranger.
La protection sociale : un droit, pas une faveur
La baisse de 5.5 % des aides sociales, décidée en début d’année par le gouvernement Bayrou, fut un signal glaçant. Jamais en France hexagonale on aurait songé à baisser le RSA ! Rappelons, par exemple, que ce montant équivaut à 15 euros par mois au Cambodge sur une aide totale de 310 euros. Il est temps d'affirmer un droit social propre aux Français de l’étranger, et en garantir l’accès.
La Caisse des Français de l’Etranger : réparer avant de reconstruire
La Caisse des Français de l’Étranger est un bien commun. Le déficit de 11,4 millions d’euros est à mettre en regard du déficit de 15 milliards de la sécurité sociale. Pourtant, le gouvernement démissionnaire n’avait prévu aucun soutien supplémentaire dans le budget 2026. Pour la CFE, ce déficit provient essentiellement d’un déséquilibre né de la réforme tarifaire de 2018, qui a été mal calibrée, notamment pour les fameux “Contrat Ex”.
Il est urgent de rouvrir ce chantier, pour réparer ce qui peut l’être, et protéger ceux qui doivent l’être.
Il serait ainsi légitime que les recettes sociales générées par les Français établis hors de France puissent, en partie, revenir à la CFE, au nom de la solidarité et de l’équité.
Une proposition de loi transpartisane existe déjà. Elle doit vivre.
Voici en trois exemples ce qui permettrait de simplement Faire France Ensemble à notre niveau.
Alors que le dégoût démocratique grandit, que la défiance devient système, il faut revenir à l’essentiel, à ce qui fonde notre République : le pacte social issu du Conseil national de la Résistance. La nomination de Sébastien Lecornu comme nouveau Premier ministre ouvre une nouvelle page. À lui de faire le choix du rassemblement et de l’écoute.
Faire France Ensemble, c’est protéger ce pacte, le prolonger, et l’incarner, partout où sont les Français, même lorsqu’ils sont à l’étranger.
Florian Bohême
Conseiller des Français de l’étranger au Cambodge,
Président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée des Français de l’étranger
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