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Frédéric Petit: «Nos réseaux devraient se moderniser pendant la crise»

Frederic Petit diplomatie culturelle influenceFrederic Petit diplomatie culturelle influence
Écrit par Aurélie Billecard
Publié le 29 octobre 2020, mis à jour le 30 octobre 2020

Frédéric Petit, député MoDem de la 7ème circonscription des Français établis à l’étranger (Allemagne, Europe centrale, Balkans), présente à lepetitjournal.com son rapport parlementaire sur la diplomatie culturelle et d’influence. En période de crise sanitaire, le député nous éclaire sur ses priorités et analyse les enjeux de demain.

 

Vous êtes rapporteur du budget de la diplomatie culturelle et d’influence, au sein de la commission des Affaires étrangères. Comment se prépare un avis budgétaire?

Deux choses ont changé depuis le début de cette mandature. D’une part, les députés des Français établis à l’étranger vivent, pour la grande majorité, dans leur circonscription. Ce n’était pas le cas auparavant. Au sein de la commission des Affaires étrangères, nous sommes cinq députés à représenter les Français établis à l’étranger. D’autre part, nous avons décidé, dans cette commission, que les députés resteraient rapporteurs de leur programme pour toute la durée de leur mandat. C’est une avancée non négligeable pour obtenir un travail législatif de qualité.

Dans ma circonscription, il y a 29 lycées français, 15 centres culturels, une trentaine d’Alliances Françaises. Je les connais parfaitement. Par ailleurs, chaque année, je me déplace en mission pour aller observer ces différents réseaux partout dans le monde.

La première année, je me suis rendu au Liban, la deuxième en Israël et en Palestine, pour enquêter sur notre diplomatie culturelle et d’influence en zone de conflit. L’année suivante je suis allé en Irak, une zone en reconstruction. Cette année, j’ai choisi d’aller en Egypte où j’avais vécu il y a dix ans et j’ai été satisfait de constater que le lycée français d’Alexandrie se développait et que l’Université Française d’Egypte, qui était moribonde à l’époque où je résidais en Egypte, a repris du poil de la bête et promet de faire rayonner notre langue et notre culture scientifique.

C’est donc grâce à ce travail d’enquête et de contrôle sur la durée que le rapporteur que je suis s’est forgé une vue d’ensemble sur nos réseaux culturels et d’influence et se sent aujourd’hui pertinent à émettre un avis et à proposer des évolutions possibles.

 

La diplomatie culturelle et d’influence a-t-elle été fragilisée par la crise, et est-elle aujourd’hui en danger ?

Je ne le pense pas. Nos opérateurs ont certes, été marqués par la crise sanitaire. Leurs revenus ont baissé, les Instituts français, par exemple, n’avaient plus d’élèves tout à coup. Cependant, dire que cela a fragilisé notre diplomatie d’influence serait mésestimer le rôle que la France joue dans le monde.

Nous sommes l’un des rares pays au monde, peut-être même le seul, qui continue à financer des établissements d’enseignement du français à l’étranger. À titre d’illustration, au Liban, nos opérateurs ont été fortement touchés mais nous avons tout de même pu aider le pays à reconstruire son propre système scolaire juste après la terrible explosion de l’été.

 

Nous sommes l’un des rares pays au monde, peut-être même le seul, qui continue à financer des établissements d’enseignement du français à l’étranger.

 

Vous avez indiqué qu’une réforme de l’enseignement français à l’étranger, qui resterait au milieu du gué, constituerait un danger. Pourquoi cette déclaration ?

Ce gouvernement a lancé une vaste réforme de ses réseaux culturels et d’influence. Certains opérateurs ont totalement réussi leur mue, engagée avant ce mandat. C’est le cas de Campus France ou d’Expertise France, notamment. Ce sont des réseaux dont l’organisation correspond au modèle de la diplomatie d’influence qui doit prévaloir au XXIème siècle.

Je pense que les réseaux d’éducation et d’enseignement doivent eux aussi se réorganiser. Et si je dis que la réforme ne doit pas rester au milieu du gué, c’est parce que je constate des résistances au changement. Certains prennent prétexte de la crise du Covid-19 pour demander une suspension des réformes. C’est tout le contraire qui doit se passer. La crise sanitaire doit être un accélérateur de réforme pour gagner en efficacité et consolider l’existant.

 

Quelles mesures souhaiteriez-vous mettre en œuvre dès à présent, pour consolider le réseau d’enseignement français à l’étranger ?

Dans mon rapport, j’ai adjoint un avis personnel dans lequel j’explicite ma vision à dix ans de l’enseignement français à l’étranger (EFE). Je suis persuadé, chiffre à l’appui, qu’aujourd’hui, il n’y pas lieu d’augmenter le budget de la diplomatie culturelle et d’influence. Ce budget a été augmenté depuis trois ans, après des années de recul. La subvention au réseau est passée de 383 millions d’euros l’an dernier à 417 millions d’euros cette année. En cumulant le budget de 2021 et les aides Covid-19, nous sommes très loin d’une prétendue difficulté financière des réseaux. Si les budgets ne sont pas utilisés, c’est que nous ne sommes pas suffisamment organisés et outillés pour les dépenser.

Dans l’avis que je rends au nom de la commission des Affaires étrangères, je préconise notamment que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) recentre son organisation autour de ses trois métiers principaux : le développement du réseau, l’excellence du réseau, et l’administration des 70 lycées dont elle a la gestion directe.

Au sein de la commission des Affaires étrangères, nous apprécions également que l’Éducation nationale s’implique davantage dans la dimension internationale de la formation des enseignants en particulier.

 

La crise sanitaire doit être un accélérateur de réforme pour gagner en efficacité et consolider l’existant.

 

Comment la gestion des ressources et la numérisation participeront-elles à la relance des réseaux, après la crise sanitaire ?

La gestion des ressources est un sujet sur lequel nous devons travailler. Les ministères et les opérateurs ont l’habitude de regarder ce qui est à leur disposition et voir ensuite ce qu’ils peuvent faire. Or, il faudrait s’inscrire dans une optique totalement différente, à savoir s’interroger d’abord sur les objectifs, les besoins et les manques, pour se donner les moyens d’atteindre ces objectifs.

Dans le cas de l’AEFE et de son métier de développement du réseau, la démarche devrait consister à anticiper les besoins et être proactif. Par exemple, se dire qu’ouvrir une école à Gaza aujourd’hui pour développer l’enseignement français sur place, c’est une nécessité et s’en donner les moyens plutôt que d’attendre que l’opportunité se présente.

Sur le plan de la numérisation, nous avons une marge de progrès énorme encore. Nous avons depuis peu, une nouvelle manière de poser le problème de la numérisation, et c’est la bonne, je pense. Il ne s’agit pas tant d’un problème d’achat ou de remplacement de matériel que de se demander « quels sont nos besoins ? ».

Dans les cinq ans à venir, Covid-19 ou pas, l’enseignement français à l’étranger connaîtra une transformation radicale par le développement du distanciel. A nous de nous poser les bonnes questions, en termes de formations, aujourd’hui, pour savoir de quelles ressources nous aurons besoin demain.

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