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Tribune - La République ne s'arrête pas aux frontières

Alors que près de trois millions de nos concitoyens vivent à l’étranger, les députés Karim Ben Cheïkh (Écologie) et Eléonore Caroit (Renaissance) alertent sur une République qui peine à garantir à ses enfants expatriés les droits et la protection auxquels ils ont pourtant légitimement droit. À travers une proposition de loi transpartisane, ils appellent à repenser la citoyenneté au-delà des frontières, et à affirmer que l’égalité républicaine ne saurait être conditionnée par la géographie.

Eléonore Caroit et Karim Ben Cheikh, députés des Français de l'étrangerEléonore Caroit et Karim Ben Cheikh, députés des Français de l'étranger
Eléonore Caroit et Karim Ben Cheikh, députés des Français de l'étranger

 

Karim BEN CHEÏKH, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France (groupe Écologiste et Social)  et Eléonore CAROIT, députée la 2ème circonscription des Français établis hors de France (groupe Renaissance).


 

Peut-on être pleinement français tout en vivant à l'étranger ? Cette question, loin d'être anodine, met en lumière une fracture dans notre vision de la citoyenneté. Environ 3 millions de Français vivent hors de France, mais la République peine à reconnaître leurs droits et à leur offrir la protection qu'elle doit à tous ses enfants. Il est temps d'affirmer que l'appartenance à la nation française ne se mesure pas à la distance géographique, mais à l'égalité des droits.

Dans l'imaginaire collectif, le Français à l'étranger est souvent réduit à un stéréotype : celui du cadre supérieur qui aurait quitté son pays pour des raisons fiscales. Cette vision est non seulement fausse mais elle masque la réalité complexe de millions de compatriotes dont bon nombre paient des impôts, taxes et cotisations à l’Etat français. Qui sont-ils vraiment ? Prenons l'exemple d'Inès, infirmière à Montréal, qui cotise au système canadien sans en bénéficier pleinement. Ou Pierre, un retraité modeste au Portugal, qui doit choisir entre acheter ses médicaments ou rendre visite à ses petits-enfants. Anne-Marie, entrepreneure à Singapour, contribue à l'économie française, tandis que Mohamed, enseignant au Maroc, propage notre langue et nos valeurs. Jean-Marc, retraité à Madagascar, dont l'allocation de solidarité ne couvre même pas le coût de son adhésion à la catégorie aidée de la Caisse des Français de l'étranger, fait également partie de ce tableau. Tous partagent un point commun : ils sont Français et ont des droits qui, aujourd'hui, sont fragiles et inégalement appliqués.

Les chiffres sont éloquents. L'État consacre seulement 15 millions d'euros par an aux aides sociales pour les Français de l'étranger pour 3 millions de Français vivant à l’étranger, un montant dérisoire comparé aux besoins. Moins de 0,17 % des Français vivant à l'étranger reçoivent une aide sociale, contre 6,4 % en France. Les aides sont souvent déterminées par des critères déconnectés des réalités vécues par ces citoyens. En cas de pénurie budgétaire, les allocations baissent, comme cela a été le cas en 2025 avec une réduction de 5,5 %. 

La Caisse des Français de l'Étranger (CFE), qui assure 200 000 personnes, est également en danger. Avec une contribution annuelle qui varie entre 380 000 à 760 000 euros, l'État ne finance que 0,4 % des recettes de cette caisse, laissant les cotisants assumer presque entièrement sa mission de service public. Cette situation met en péril l'existence même de cet outil de solidarité, décourageant ceux qui en ont le plus besoin. Parfois des situations d’indigence extrême sont constatées, ou de perte d’autonomie sans que rien ne puisse soutenir solidairement.

 

 

tribune de députés

 

Face à ces injustices et à ces impensés de nos politiques publiques, nous avons décidé d'agir. Nous proposons une loi transpartisane qui affirme que la République ne se limite pas à son territoire national. Elle est une promesse faite à tous ses citoyens, où qu'ils soient. Notre proposition se décline en six axes : renforcer les outils de protection sociale ; améliorer l'accès à l'éducation et à la culture françaises ; protéger le droit au compte et faciliter le retour en France ; adapter le cadre économique et fiscal ; soutenir la mobilité et la représentation des Français à l'étranger; créer un principe d'attachement territorial. Sur tous ces axes il faut agir pour préserver un lien vivant et effectif entre les Français établis à l’étranger et la France. 

Ces mesures représentent un investissement nécessaire et participent au rayonnement de notre modèle. Nos compatriotes établis à l'étranger sont les ambassadeurs et l’image de la France dans le monde, portant notre langue et nos valeurs. La France a l’ambition de rester un acteur global et de permettre à ses ressortissants vivant à l'étranger l’accès à des services publics, à un réseau diplomatique et consulaire universel, à un réseau d’enseignement français, pilier de son rayonnement culturel. Elle se distingue aussi par la promesse républicaine d’une vie digne pour chacun. Cette ambition française, l’égalité et la fraternité au- delà des frontières, doit être soutenue par une amélioration de nos politiques publiques. Il ne suffit pas de proclamer que la solidarité est universelle ; il faut en garantir l'effectivité. La République ne s'arrête pas aux frontières. 

 

 

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