Dans la perspective des prochaines élections législatives (à partir du 27 mai en ligne, 5 et 19 juin 2022 dans les urnes), lepetitjournal.com est allé à la rencontre des candidats dans chaque circonscription des Français de l’étranger.
Karim Ben Cheikh, candidat à la 9ème circonscription pour la NUPES a répondu à nos questions.
Pourquoi avez-vous souhaité vous présenter aux prochaines élections législatives ?
Mon dernier poste en tant que consul général à Beyrouth (2017-2021) m'a permis de m'investir dans les questions de service de proximité entre l'administration consulaire, les élus conseillers Français de l'étranger et l'administration. Nous avons pu faire beaucoup auprès d'une communauté française gravement affectée par la crise économique, par la pandémie, mais aussi par la catastrophe du port de Beyrouth. Mais les budgets sociaux sont indignes, des législations empêchent de soutenir mieux les Français en détresse. J'ai décidé de passer le pas et m'engager en politique pour changer les choses.
Quel est votre rapport avec cette circonscription ?
Je suis un Français de l'étranger, issu d'une famille mixte: né, grandi et éduqué en Tunisie. Mes parents vivaient dans une toute petite ville loin de Tunis. Ils ont découvert qu'à travers des bourses sociales je pouvais étudier au lycée de La Marsa, y être accueilli comme interne. Après mes études à Paris, j'ai intégré le quai d'Orsay à travers le concours de conseiller cadre d'Orient et j'ai travaillé sur la Côte d'Ivoire et sur le Sahel notamment sur les questions sécuritaires. Mon premier poste à l'étranger fût à Rabat, au Maroc, de 2008 à 2012 en tant que conseiller affaires intérieures et presse. J'ai passé plus de 30 années de ma vie à l'étranger dont 22 ans dans les pays de la 9ème circonscription.
En quoi votre parcours est-il marqué par les préoccupations des Français de l'étranger ?
Aujourd'hui qu'est ce que j'entends parmi nos compatriotes? Les frais de scolarité augmentent dans une communauté souvent durement touchée par la pandémie. Les petits entrepreneurs ou les retraités, les familles qui n'ont pas pu rentrer en France pendant deux ans. Tous se sentent délaissés. Les aides sociales se réduisent, les ayant-droit de cotisants à la Sécurité sociale ne disposent plus de la couverture de celle-ci. Même l'internat du lycée de La Marsa est menacé de fermeture en 2024, celui sans lequel je n'aurais jamais pu avoir le parcours que j'ai eu, moi, issu d'un milieu modeste et d'une petite ville de Tunisie ! Tout cela, je le ressens dans ma chair pour ainsi dire, et je me sens une responsabilité à m'engager pour rebâtir ces services publics qui nous permettent à tous de vivre avec une connexion à notre pays et notre République. Petit, je ne pouvais pas rentrer en France régulièrement, mes parents n'en avaient pas les moyens. Je veux aussi créer de nouveaux droits pour tous à la connexion avec le territoire national et des politiques d'équité.
Comment voyez-vous le mandat de député ?
Un député doit être d'abord un acteur de la législation. Il doit savoir défendre et promouvoir les idées qui protégeront le plus grand nombre, celles qui favorisent les initiatives et qui garantissent des droits sociaux en protégeant d'abord les plus vulnérables. Le travail de plaidoyer est pour cela essentiel. Un député doit rester à l'écoute de ses concitoyens, à « portée d'engueulade » lorsque les choses doivent être dites. Il doit aussi travailler en bonne intelligence, sans exclusivité, avec les élus du territoires, dont plus de 20 me soutiennent publiquement. Ces conseillers des Français de l'étranger sont des rouages indispensables pour détecter les situations problématiques notamment celles relevant du travail législatif ou du réglementaire. Cette connexion au terrain favorise un travail législatif ciblé de qualité. Quand le travail est bien fait, l'adhésion des autres législateurs est plus facile. Certaines avancées sociales pour les Français de l'étranger ont d'ailleurs été portées de manière transpartisane par le passé.
Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français de votre circonscription ?
Le premier c'est l'accès aux services publics. Il s'agit là de l'épine dorsale de notre communauté : le service consulaire et l'enseignement. Il y a deux choix, deux visions différentes aujourd'hui sur la table, la nôtre qui est un service public de proximité qui assume de remettre des emplois et des personnels qualifiés au service des Françaises et des Français. Aujourd'hui le total des personnels employés pour l'ensemble des Français de l'étranger soit trois millions de personnes est à peine de 2000 personnels. Ce n'est plus tenable. Il y a en face, la vision opposée, celle de la majorité sortante qui n'a cessé durant cinq ans de réduire les budgets sociaux, d'affaiblir la pérennité du financement de l'AEFE et qui ne prône que la dématérialisation quand on lui parle de service public ou le partenariat public-privé quand on lui parle d'école républicaine. La dématérialisation est un atout mais elle aggrave dans certains cas les inégalités et elle ne peut effectuer le travail de contact de qualité dont les plus vulnérables - et tous les autres d'ailleurs - ont besoin.
Comment est organisée votre campagne et qui sont vos soutiens ?
Ma campagne a commencé il y a 6 mois avec une idée simple : unir les sympathisants, les militants, les associatifs issus de la gauche et de l'écologie sans esprit de chapelle et sans exclusive autour d'un projet commun. C'est un véritable travail de terrain que j'ai engagé dans notamment 22 villes et 7 pays que j'ai sillonné partout où cela était possible. J'ai écouté tout le monde, élus, citoyens, entrepreneurs, retraités et nous avons élaboré nos propositions à partir d'un diagnostic et de l'expérience de chacun.
Quels sont les axes de travail que vous souhaitez mener à bien si vous êtes élu ?
Mon programme est regroupé en 4 axes clairs déclinés en plusieurs mesures : renforcer des services publics de proximité, étendre la solidarité contre les risques de la vie, protéger l'enseignement français et instaurer des droits nouveaux pour les Français établis à l'étranger. Je demanderai des moyens financiers et humains pour les services publics avec une priorité pour les services d'état civil et les services sociaux. Je demanderai un triplement des budgets sociaux pour les Français de l'étranger pour les porter au niveau d'un département français moyen. Aujourd'hui l'Etat verse 5 euros par an et par Français de l'étranger pour sa politique sociale pour les Français de l'étranger, 40 euros par an et par personne en comptant les bourses scolaires, c'est indigne et je refuse l'argument de justification qui consiste à expliquer que les Français de l'étranger ne paient pas d'impôt sur le revenu. Il suffit d'un plein d'essence en France pour s'être largement acquitté de ce niveau d'investissement ! Par droits nouveaux j'entends un droit à la connexion avec le territoire national pour garder ce lien entre les Français et le territoire national. Cela veut dire donner l'avantage fiscal de la résidence principale à un propriétaire en France résidant à l'étranger, mettre à disposition des billets d'avion à tarif modéré pour les plus modestes à l'occasion des vacances, permettre un vrai droit au compte bancaire effectif sans avoir à passer par un parcours sinueux entre les établissements de crédit et la Banque de France.
Quel bilan dressez-vous du mandat du député sortant ?
Je dresserai un bilan politique avant tout. Il y a une affaire judiciaire que chacun sait et qui a abouti à ce qu'il ne se représente pas. Politiquement, je constate que c'est un député qui a assuré de nombreux déplacements, a capté en partie les problèmes des Français de l'étranger mais qui n'a jamais pu promouvoir de nouvelles législations protectrices ni de nouvelles relations entre la France et les pays de la circonscription au sein de la majorité sortante. Au-delà des personnes, ce sont les orientations qu'il faut changer.