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Coûts, abus, escroqueries... comment lutter contre la dérive du volontourisme ?

À l’occasion de la journée mondiale du tourisme le 27 septembre, lepetitjournal.com est revenu sur l’expansion d’une de ses dérives : le volontourisme. Ces dernières années, l’expansion du volontariat international a provoqué l'émergence de cette pratique destinée à servir les intérêts, d’agences ou d'entreprises, au détriment des volontaires et des populations locales. Face à ce phénomène croissant, des actions se multiplient pour éviter ces agissements frauduleux.

VolontourismeVolontourisme
Écrit par Jean Bodéré
Publié le 26 septembre 2024, mis à jour le 26 septembre 2024

Des enfants retirés à leurs parents pour créer de faux orphelinats au Cambodge et au Népal, voici un exemple majeur du volontourisme. Selon l’ONG Friends International, près de 80% de ces enfants placés en orphelinat ont encore au moins un parent en vie. Dans certains pays, les orphelinats sont devenus des entreprises en quête de profit à tout prix, s’appuyant sur la misère infantile pour faire venir des volontaires prêts à aider ces enfants contre une importante somme d’argent. Cette pratique instaurée par des agences prêchant la bonne foi, se joue de l’expansion du volontariat international pour servir les intérêts de quelques personnes au détriment des volontaires et des populations locales défavorisées. 

 

Cambodge orphelinat

 

Le volontourisme, qu’est-ce que c’est ?

Jouant sur la quête de sens des personnes en désir d’engagement mais suivant une logique commerciale, les acteurs du volontourisme proposent des missions à l’encadrement douteux et aux coûts exorbitants, au détriment des populations locales et des volontaires impliqués dans les projets. Ces entreprises utilisent les codes de l’humanitaire pour leur marketing et capter « cet engagement pour nourrir des intérêts davantage lucratifs au service, non pas de l'intérêt général ou des populations locales, mais des groupes ou intérêts privés » selon France Volontaires et son Directeur Général, Yann Delaunay.

 

Emma, victime de volontourisme au Togo

 

Mais les faux orphelinats n’est pas le seul exemple du volontourisme. Au Togo, Emma a vécu une expérience « en total décalage entre nos intentions et la réalité » témoigne-t-elle pour France Volontaires. Âgé de 19 ans lors de son départ, la jeune femme paye pour s’investir en Afrique aux côtés de jeunes enfants et construire une bibliothèque. Arrivée sur place sans avoir « reçu aucune formation ni consignes », Emma comprend rapidement les dérives de l’agence en charge de ce volontariat. Porter des briques de 25 kg sous 40 degrés, faire travailler les populations locales « 24 heures sur 24 » avec un « salaire dérisoire » voire impayés pour certains…Le séjour vire au drame. 

Mais le pire reste à venir lorsqu’elle comprend que “ l’association ne débloque pas de fonds pour les enfants qui nécessitent des soins de santé” alors qu’elle a payé pour couvrir ces frais”. La goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Emma qui « fini par me disputer violemment avec les dirigeants, frustrée par leur manque de transparence ». La mauvaise expérience d'Emma, des centaines de volontaires la vivent chaque année à travers le monde. À tel point qu’en Afrique et dans le monde, ces volontaires ont reçu une appellation particulière : les white saviors.

 

Chantier volontariat

 

White Savior :

Le "sauveur blanc" désigne une personne privilégiée et bien intentionnée, partant dans une région moins développée du monde pour y accomplir une bonne œuvre auprès de communautés défavorisées. Sans connaissance de la culture du pays en question ou de qualification spécifique pour aider ces populations, certains volontaires se font passer pour des héros sur leurs réseaux sociaux ou à leur retour de volontariat.

 

 

 

Le volontariat international : une pratique de plus en plus encadrée 

 

La lutte contre le volontourisme est devenue un des enjeux majeurs de France Volontaires ces dernières années qui encadre les départs des volontaires français dans l’Hexagone et à travers le monde. L’organisme collabore avec 24 pays dans lesquels se trouvent des « bureaux de volontaires » pour « connaître l'écosystème, les partenaires, les projets développés sur place » souligne Yann Delaunay, Directeur Général de France Volontaires. Ces bureaux permettent aussi de « s’appuyer sur les membres de France volontaires qui sont en relation directe avec les associations » sur place ajoute-t-il. Une fois les bénévoles sur place, France Volontaires « reste en contact avec eux et les réunit régulièrement pour identifier le plus rapidement possible les éventuels problèmes qu’ils pourraient rencontrer » précise le Directeur Général. Chaque année environ 6.000 volontaires français décident de partir s’essayer au volontariat à l’international.

 

Volontariat Pérou

 

Néanmoins, une fois à l’étranger, les actions de France Volontaires sont limitées pour condamner ces agences. Légalement, seules les autorités locales peuvent appliquer des sanctions à ces organismes. Pour ces raisons, l’organisme « fait confiance aux autorités nationales pour signaler les structures qui paraissent ne pas apporter le volontariat dans de bonnes conditions » explique Yann Delaunay. Pour tendre à mieux encadrer ces pratiques, des projets de loi sont étudiés dont celui du 4 août 2021, « la première loi ayant reconnu le volontariat comme un des instruments de l'aide publique au développement de la France ». Depuis, l’ancienne député des Français de l’étranger Anne Genetet, nommée ministre de l’Éducation nationale, avait tenté de faire voter une loi ayant pour but de « mieux qualifier le volontourisme et éviter que des structures en France se positionnent sur ces sujets en toute impunité » poursuit Yann Delaunay.

 

Comment détecter le volontourisme ?

 

Il est important de ne pas voir le mal partout et de différencier le volontourisme d’un volontariat qui ne correspond pas à ses ambitions : “Il s’agit de faire la différence entre des dérives conscientes et les décalages entre les propositions d’une association les attentes des volontaires » tient à souligner le Directeur Général. Pour informer sur les réelles dérives du volontariat international et éviter à ces volontaires d’en subir les conséquences, France Volontaires multiplie les actions. Un site est spécialement conçu pour informer et conseiller les volontaires sur la manière de recherche un organisme de volontariat, la préparation avant de partir, les potentiels problèmes rencontrés une fois sur place et comment se défendre contre ceux-ci. Continuellement, France Volontaires accentue la prévention sur les réseaux sociaux et lors de festivals ou de salons.

 

Quel avenir pour le volontariat international ?

 

La « priorité » de France Volontaires est simple : « offrir des missions de qualité en plus grand nombre » explique Yann Delaunay. Un projet encouragé par Emmanuel Macron qui souhaite faire passer le nombre de missions déployées à l’international « de 700 en 2023 à près de 2600 en 2027 ». Un projet ambitieux qui nécessitera « beaucoup de travail dans les pays étrangers pour que le volontariat soit défini de manière claire, légale, réglementaire » précise le Directeur Général. Seulement, « il s’agit du rôle de chaque État de créer les conditions pour que le volontariat se développe dans de bonnes conditions », conclut Yann Delaunay.

 

 

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