Deux mois après le premier rendez-vous de “L’assemblée des idées” sur le logement, l’Assemblée Nationale a réitéré ces rencontres entre experts et citoyens le 24 janvier dernier avec comme thématique : la place de la France dans le monde. Un sujet géopolitique riche en discussions, orienté majoritairement sur la guerre en Ukraine.
Mardi 24 janvier, près de 500 personnes de tous horizons se sont retrouvées à l’Hôtel de Lassay à Paris pour un débat sur la place de la France dans le monde actuel. Appelé “L’assemblée des idées”, le débat donnait la parole à des experts en géopolitique avec Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis, Sophie Pedder, journaliste chez The Economist à Paris et Alexandra de Hoop Scheffer, directrice du bureau de Paris de German Marshall Fund. Pour animer la soirée, le journaliste à France Inter, l’Obs et président de Reporters sans frontières, Pierre Haski, était aussi présent.
Guerre en Ukraine, première d’une longue liste ?
“Nouvel équilibre mondial : quel rôle pour la France aujourd’hui ?”, telle était la thématique de cette deuxième soirée de “L’assemblée des idées” lancée par la présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet. Parmi tous les événements internationaux de ces dernières années, la guerre en Ukraine a occupé la majeure partie des discussions. Le 24 février prochain marquera la première année du déclenchement de la guerre par Vladimir Poutine.
“La guerre en Ukraine n’est qu’une partie de l’immense iceberg qui est en train de bouger lentement dans les relations internationales”, introduit Gérard Araud. Pour lui, le monde vit depuis 2016 dans un recul de la mondialisation voulu par les citoyens. “C’est la fin du monde occidental que nous avons connu depuis l’effondrement de l’union soviétique. Nous sommes de retour dans la jungle et cette guerre est certainement la première d’autres guerres.”
La paix, trompe-l'œil de la mondialisation
Avec le retour de la guerre aux portes de l’Europe, la France s’est révélée très dépendante d’autres pays au nom de la mondialisation. Pour Alexandra de Hoop Scheffer, la première leçon à apprendre “est le coût pour le pays au niveau économique et énergétique à l’égard de la Chine, mais aussi de la Russie qu’il a accumulée depuis les trente dernières années”. La politologue constate “l’effondrement d’un mythe”, concernant la mondialisation qui conduirait le monde à la paix.
Aussi, elle met en contradiction la mondialisation et l’opportunisme des pays, toujours dans leur intérêt : “Il y a de plus en plus de ‘Swing States’. Ce sont ces États qui prennent ce qui les intéressent dans tel ou tel pays. Ce qui pose une vraie question sur qui sont nos vrais alliés”, remarque Alexandra de Hoop Scheffer.
Les onze mois de guerre en Ukraine ont précipité la France sur des sujets qui devaient s’étendre sur plusieurs années, voire des décennies. C’est la vision de la journaliste chez The Economist, Sophie Pedder : “Cette guerre nous force à regarder ailleurs pour les énergies plus décarbonées. Pour la nouvelle génération, présente dans la salle, c’est important”.
L’OTAN était en état de mort cérébrale
“Le Président de la République avait dit il y a deux ans que l’OTAN était en état de mort cérébrale, lance Gérard Araud, il avait raison, car c’était vrai”. Il reconnaît sans détours que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a réveillé de manière brutale et positive les liens militaires nord-atlantiques.
Selon l’ancien ambassadeur, si la France veut garder sa place stratégique au centre d’un monde géopolitique en pleine restructuration, “elle doit parler avec des pays comme l’Afrique du Sud, l’Inde et aux autres, mais dans leurs termes. Sans leur donner la leçon”. La France et l’Europe ne doivent pas être “la forteresse de l’Occident”.
Lors des échanges avec le public, un jeune homme a interpellé Gérard Araud au sujet de la livraison de chars français et allemands suite au sommet franco-allemand, dimanche 22 janvier dernier. “Je vous fais le pari que dans deux mois, nous aurons le même débat sur les avions de combat”, imagine l’ancien ambassadeur de France. “Les décisions sont prises pas à pas. Il n’y a pas de stratégie globale.” Il remarque, après un an de guerre, que la France ne peut plus reculer : “Nous avons franchi un seuil. L’Occident ne peut plus accepter la défaite de l’Ukraine, insiste fermement Gérard Araud en fin de débat, nous avons tellement engagé notre crédibilité et notre prestige qu’on ne peut pas l’accepter”.