Édition internationale

Anne Genetet “Je lutterai contre la notion d’impôt universel, ni juste ni réalisable"

Alors que la France est “addicte aux déficits depuis près de 30 ans”, Anne Genetet, députée de la 11ᵉ circonscription des Français établis hors de France alerte sur l’urgence de réformer en profondeur. Entre lutte contre les ingérences, efficacité de la dépense publique, avenir de la CFE et volonté de refondre l’école, la députée veut lutter contre la notion d’impôt universel, “une très mauvaise idée, profondément injuste et impossible à mettre en œuvre”

Anne Genetet - Paris @Lepetitjournal.comAnne Genetet - Paris @Lepetitjournal.com
Anne Genetet - Paris © Patrice Ajavon
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 2 octobre 2025, mis à jour le 15 octobre 2025

 

 

Quels sont vos projets cette année concernant les Français à l’étranger ?

La lutte contre les ingérences étrangères reste un sujet très fort pour moi : j’y ai travaillé en commission des Affaires étrangères, en commission de la Défense mais également en commission Affaires culturelles et éducation. C’est un enjeu central, y compris dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi concernant l’ensemble des sujets nationaux. J’ai récemment interrogé lors d’une audition plusieurs acteurs sur les mesures dont ils disposent pour lutter contre les ingérences étrangères et sur celles qu’ils souhaiteraient renforcer.

 

 

Aller chercher des recettes par des taxations “fantaisistes” n’est pas la solution. S’agissant de la dépense publique, chacun pense que son ministère est intouchable.

 

 

La situation budgétaire est préoccupante. Quelles sont les priorités vers lesquelles le gouvernement doit se tourner ?

La situation budgétaire de la France est difficile, mais elle n’est pas nouvelle : nous sommes “addicts” aux déficits depuis près de 30 ans. Oui, nous avons sorti le carnet de chèques pendant le Covid, face à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique mondiale. Je ne regrette pas ces choix. Mais ils s’inscrivent dans un continuum contre lequel il faut lutter.

Trois quarts des efforts doivent porter sur la réduction de la dépense publique, et un quart sur les recettes. Les recettes augmentent surtout lorsque l’on crée de la croissance et de la valeur : il faut mettre plus d’individus au travail - plus longtemps - et créer des emplois. Aller chercher des recettes par des taxations “fantaisistes” n’est pas la solution. S’agissant de la dépense publique, chacun pense que son ministère est intouchable. Mais nous devons interroger l’efficacité réelle de chaque euro dépensé. La Caisse des Français de l’étranger (CFE), par exemple, préfère augmenter les cotisations et baisser les remboursements plutôt que d’attirer de nouveaux adhérents. Or, beaucoup d’entreprises choisissent des offres privées. La bonne question, c’est pourquoi ?
Il en va de même pour l’ensemble du fonctionnement de l’État et, en particulier, de l’Éducation nationale : administration centrale, rectorats, académies… Tout est-il utile ? Chaque dépense atteint-elle son objectif ? Parfois, nous avons même oublié quel était cet objectif. Enfin, sur les retraites, la démographie est implacable : aujourd’hui 1,7 actif cotise pour un retraité. Mes enfants devront chacun, à terme, payer la retraite d’un retraité, ce qui rognera leur pouvoir d’achat. Nous devons inventer un autre modèle où le poids des pensions ne repose pas uniquement sur ceux qui travaillent. Le système par répartition est bon et doit être préservé, mais il faut absolument lui adjoindre une composante de capitalisation, comme c’est déjà le cas pour les fonctionnaires. Cela permettrait en plus de créer un fonds souverain, utile pour financer la réindustrialisation ou des enjeux de souveraineté numérique.

 

 

anne Genetet - députée des Français établis hors de France
Anne Genetet - députée des Français établis hors de France 

 

 

Les Assises de la protection sociale ont eu lieu. Qu’attendez vous du rendu de l’audit le 10 octobre ?  

Les Assises de la Protection Sociale doivent nous aider à préciser la manière dont les aides sociales, les bourses scolaires, mais aussi la CFE sont gérés. Pour la CFE, avant d’injecter de l’argent, il faut se demander si elle se donne les moyens d’aller chercher de nouveaux clients. Aujourd’hui, ce n’est pas évident. Pour les bourses scolaires, là aussi, il est sans doute utile de réajuster le dispositif pour ceux qui en ont le plus besoin. La question de la simplification administrative des démarches doit également être posée. 

 

 

90 conseillers présents sont mis en avant à l'AFE alors que les 400 autres apparaissent relégués malgré un même travail de terrain.

 

 

La 43ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger se déroule du 13 au 17 octobre 2025. Pourquoi est-ce un moment important pour les Français établis hors de France ? 

La semaine de l’AFE est chaque année un moment privilégié. Elle permet aux conseillers de rencontrer les Ministres, les parlementaires, les responsables des cabinets ministériels et aux administrations d’entendre directement les usagers. C’est toujours un temps important. Je regrette cependant qu’il y ait une forme de déséquilibre : 90 conseillers présents sont mis en avant, alors que les 400 autres apparaissent relégués malgré un même travail de terrain. De fait, chaque conseiller joue un rôle important auprès de nos communautés. 

 

 

Beaucoup d’élèves en difficulté - parfois orientés vers d’autres filières en France - parviennent à décrocher le baccalauréat général à l’étranger

 

 

Anne Genetet - députée des Français établis hors de France

 

 

 

En quoi consiste votre projet de “comment refondre l’école” que vous avez annoncé préparer pour la fin du mois d’octobre 2025 ?

Ce projet repose sur trois mots-clés : exigence, autonomie et réhumaniser. Il place l’élève et le professeur au centre. Les inégalités scolaires ne sont pas une fatalité, et nos écoles françaises à l’étranger le démontrent. Ces établissements, avec un programme national et une part locale, jouissent d’une grande autonomie, notamment dans le recrutement. Ils obtiennent des résultats remarquables grâce à l’exigence et à la valorisation du travail des enseignants. Beaucoup d’élèves en difficulté - parfois orientés vers d’autres filières en France - parviennent à décrocher le baccalauréat général à l’étranger. Réhumaniser, c’est aussi reconnaître que nos enseignants ne sont pas des pions mais des personnes avec une vie personnelle qu’il faut concilier avec leur engagement professionnel.

 

 

Que souhaiteriez-vous dire à nos lecteurs et aux Français vivant à l’étranger ?

Je veux être très claire lors des débats budgétaires : je lutterai contre la notion d’impôt universel qui ressurgit dans le débat. Cette notion portée par la gauche est une très mauvaise idée, profondément injuste, et par ailleurs quasi impossible à mettre en œuvre. Nous avons déjà des conventions fiscales avec plus de 150 pays, précisément pour éviter la double imposition. Ces conventions assurent une imposition la plus juste possible. Je rappelle aussi que, dans la majorité des pays, la fiscalité sur le revenu est plus défavorable qu’en France. 

 

 

Il faut permettre aux salariés d’être actionnaires de leur entreprise et de bénéficier d’un revenu du capital en plus de leur travail.

 

Je veux dire à vos lecteurs, Français de l’étranger, que je reste extrêmement vigilante à ce sujet. Le débat budgétaire fait ressurgir la notion d’impôt universel, qui n’est ni juste ni réalisable. Je rappelle aussi que la fiscalité sur le travail est plus lourde que celle sur le capital. Or, ce que propose la gauche en taxant davantage le capital, c’est d’empêcher ceux qui ont un revenu du travail d’accéder eux aussi à un revenu du capital, par exemple via l’intéressement en entreprise. Il faut au contraire poursuivre dans cette voie : permettre aux salariés d’être actionnaires de leur entreprise et de bénéficier d’un revenu du capital en plus de leur travail.

Néanmoins, je veux aussi dire à chacun que nous devons collectivement faire preuve de responsabilité face aux défis immenses qui sont devant nous : monde instable, guerre commerciale, révolution technologique et changement climatique pour ne citer que les plus urgents. 

 

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