Édition internationale

Anne Genetet à Bangkok : « J’ai été élue pour répondre aux critiques »

La députée des Français de l’étranger qui représente, notamment, ses concitoyens expatriés en Thaïlande, était ce lundi 8 septembre 2025 au soir à Bangkok. Elle avait beaucoup à dire, avec son franc-parler habituel.

Anne Genetet, députée des Français de l’étranger, en réunion publique à BangkokAnne Genetet, députée des Français de l’étranger, en réunion publique à Bangkok
Écrit par Franck STEPLER
Publié le 9 septembre 2025, mis à jour le 10 septembre 2025

Nous avons passé la soirée du lundi 8 septembre avec Anne Genetet, députée, entre autres, des Français de Thaïlande, venue à leur rencontre à Bangkok pendant deux jours. Rendez-vous était pris, au sixième étage de l’Alliance française, avec lepetitjournal.com pour quelques questions préliminaires, avant la rencontre collective, organisée autour d’un cocktail dînatoire.

 

lepetitjournal.com : Un mot tout d’abord sur ceux qui ont écrit des choses très désagréables à votre encontre en apprenant votre venue ?

Anne Genetet : Je n’ai pas le choix. J’ai été élue, entre autres, pour ça, pour répondre aux critiques. Je les accepte. Les critiques oui, les injures non. Certains sont d’une intolérance, d’une intransigeance, d’une exigence exacerbées. C’est ainsi. Il y a quelques années, j’ai organisé le Grand Débat à Phuket. Il y avait une trentaine de personnes, que des hommes. C’était ma première fois à Phuket et je sais qu’ils peuvent être méchants avec moi.

Je suis arrivée calme et posée. Cinq d’entre eux avaient prévu un happening avec des gilets jaunes. Ma petite victoire c’est qu’ils les ont rangés, admettant qu’ensemble, nous pouvions discuter. C’est cela le débat républicain, c’est discuter avec tout le monde. N’oublions jamais que c’est de la confrontation des idées que naissent des propositions différentes.

 

Il est normal que la CFE ne soit pas exactement la Sécurité sociale

 

Que répondez-vous à ceux des Français de Thaïlande qui se plaignent d’être des citoyens de seconde zone ?

Il faut revenir à l’environnement qu’ils avaient en France. Ils se sentaient parfois déjà déclassés. Et comme, à la retraite, les choses ne s’arrangent pas, ils ne se sentaient plus utiles à rien et sont allés chercher un ailleurs qui leur offre une autre vie. Aujourd’hui, ils reprochent à la France de ne pas leur avoir donné tout ce qu’ils ont trouvé ailleurs. Ils traduisent une forme d’abandon par les services publics. Ils n’ont pas toujours raison mais ils le ressentent ainsi.

Que répondre à ceux qui se plaignent, par exemple, que la CFE ne soit pas l’égale de la Sécurité sociale ?

Il est normal que la CFE ne soit pas exactement la Sécurité sociale. Ils ont choisi de partir, ils doivent l’assumer. La solidarité nationale se vit sur le territoire. Elle n’est pas qu’une question de nationalité. Le médecin que je suis est fière qu’on s’occupe de tous ceux qui dépendent du service de santé local, en France comme ailleurs.

Quant à vous, vous disiez, il y a quelques années que, même si votre circonscription est particulière, vous n’êtes pas une sous-députée. Ça n’a pas dû changer…

Je ne suis pas une sous-députée, j’imagine, puisqu’on est venu me chercher pour être ministre. Je suis aujourd’hui cadre du parti Renaissance et on me fait confiance sur le sujet de l’école au sein de mon parti. Je suis fière d’un parcours que je ne dois qu’à mon travail.

 

Il faut faire entendre notre voix sans être agressif

 

Votre passage au ministère de l’Éducation a été très bref. Qu’en avez-vous retiré ?

J’ai passé trois mois fantastiques au ministère. Je n’ai  plus peur de rien.

Là-bas, on entre dans le cœur du moteur. J’ai mesuré le pouvoir qu’un ministre peut avoir. Et les résistances internes aussi. Un ministre doit et peut être courageux. Je n’ai pas d’ambition particulière mais j’avoue que je rêve d’y retourner.

Élisabeth Borne, qui vous a succédé, milite pour une interdiction du portable au collège et une féminisation du fronton du Panthéon. Partagez-vous ces deux combats ?

L’interdiction du portable au collège est nécessaire mais elle peut prendre du temps. Elle nécessite des équipements qui dépendent des collectivités territoriales et non du ministère. Les gens n’ont pas toujours conscience de ces difficultés.

Je suis plus perplexe sur la féminisation du Panthéon. Je suis une adepte de Françoise Giroud, qui disait : « la femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. »

Vous avez une voix forte et la faites entendre. Quelles sont vos limites, ici, à l’étranger ?

Il faut trouver la manière de parler à nos interlocuteurs et montrer que nous avons des intérêts convergents. En tant que médecin, par exemple, j’avais exprimé que la préférence nationale pour le vaccin, en période de Covid 19, heurtait mes valeurs et était dangereux. Il faut trouver les justes mots pour le dire, faire entendre notre voix sans être agressif, dialoguer avec beaucoup d’humilité. N’oublions jamais que les parlementaires représentent les peuples. Ce sont les peuples qui se parlent à travers nous.

 

Une soirée d’échanges respectueux

 

Échanges avec Anne Genetet à Bangkok

 

Après ce petit échange en privé, direction le rez-de-chaussée de l’Alliance française. Au restaurant Bonjour Bonsoir, ils étaient une trentaine à être venus rencontrer leur députée. Étonnement pas ceux qu’on aurait attendus et qu’on croise d’habitude lors de ce genre d’événement. Pas d’élu ou de responsable de telle ou telle organisation. Pas de haters. Juste des citoyens français qui voulaient rencontrer Anne Genetet, l’écouter et la questionner. Un public très masculin mais reflet de toutes les générations. Voici ce qu’il y a à retenir des propos qu’elle a tenus durant la soirée.

 

- « Le président de la République n’est pas encore venu en visite d’État, même si les relations entre les deux pays sont très étroites. Une visite de ce type se prépare avec précision et nécessite des enjeux et des intérêts communs qui n’existent peut-être pas aujourd’hui. Cela dit, l’ambassadeur de Thaïlande en France a demandé à me voir à mon retour. Peut-être a-t-il des choses importantes à me dire… »

  • « La relation avec la Thaïlande n’est pas à la hauteur de ce qu’elle pourrait et devrait être. Il y a compétition, parfois même avec nos alliés européens. »
  • « Mes collègues de l’Assemblée nationale ne connaissent rien à la Thaïlande non plus qu’à la région et je viens régulièrement porter un plaidoyer pour les pays dont j’ai la charge. »
  • «  J’interagis avec le quai d’Orsay avant et après mes voyages. Je raconte ce que j’ai vu et entendu. Je vérifie, par exemple, sur place que les investissements de la France sont faits à bon escient. »

 

La dissolution était une erreur et, si on recommence, ce sera encore une erreur

 

- « Nous sommes le 8 septembre, jour du vote de confiance demandé par François Bayrou. Je voterai par correspondance. Je ne soutiens pas sans réflexion le Premier ministre actuel ni ses méthodes mais on ne fait pas tomber un Premier ministre comme ça. On doit pouvoir débattre à l’Assemblée et je trouve sa méthode dangereuse. Je n’ai aucune information sur la date de nomination de son successeur. J’ai subi la dissolution de 2024. Je pense que c’était une erreur et, si on recommence, ce sera encore une erreur. La France est divisée en trois blocs et les mêmes causes provoqueront les mêmes effets. »

  • La France n’est pas à l’arrêt. Le ministère de l’Éducation, que je connais bien, avance, même sans ministre parce qu’il le doit. Mais c’est un souci parce qu’en dernier ressort, c’est au ministre de prendre les décisions et de les assumer. Un exemple. J’ai voulu rendre obligatoire l’obtention du brevet pour entrer en Seconde. Celle qui m’a succédé a supprimé cette mesure. Elle m’a expliqué qu’il y avait des soucis organisationnels. Je lui ai dit qu’on m’avait affirmé la même chose mais que j’avais tout recalculé et considéré que les chiffres étaient les bons. Elle a suivi son administration. J’ai décidé contre l’administration. Je considère que c’est mon rôle. »

 

Aujourd’hui, on brandit la force plutôt que le droit

 

  • « Sur le plan géopolitique, aujourd’hui, on brandit la force plutôt que le droit. La démonstration de Xi Jinping doit nous interroger, nous, Occidentaux. Concernant l’Ukraine, qui fait partie de ma circonscription, mon soutien est indéfectible. Je suis convaincue que Vladimir Poutine a des visées hégémoniques sur l’Europe et ne compte pas s’arrêter aux frontières de l’Ukraine. D’autant qu’il n’y a pas que les chars. Il y a déjà eu des attaques cyber un peu partout et elles se répéteront. »

 

Année Genetet, députée des Français de l’étranger, à Bangkok

 

  • « En ce qui concerne spécifiquement la Thaïlande, l’une de mes priorités est de comprendre et de faire appliquer la réforme de la fiscalité thaïlandais. Pour cela, il faut tous avoir la même lecture de l’accord bilatéral, notamment sur les pensions de retraite. Pour eux, c’est un petit sujet. Il faut leur faire comprendre qu’il est important pour nous. J’ai interagi sur ce sujet avec notre ministre des Finances et les autorités thaïlandaises. J’ai déposé une question écrite au gouvernement pour qu’elle reste, même si le gouvernement tombe. »

 

La CFE est un panier percé

 

  • « Concernant la CFE, il y a un manque de recettes. C’est un panier percé. J’aimerais qu’on répare le trou avant de remplir à nouveau. Il faut réformer avant de remettre la main à la poche. »

- « La Thaïlande est le seul pays de la circonscription qui compte autant d’écoles françaises. Merci à tous les parents qui se sont impliqués, vous êtes très gâtés. Attention toutefois, l’AEFE a aussi des soucis financiers. On se dirigeait vers une augmentation des frais de scolarité de 5 à 30% au lycée de Bangkok. Nous avons refusé. »

  • « Même si elle ne sert pas vraiment à l’étranger, vous pouvez faire réaliser votre nouvelle Carte nationale d’identité au format carte de crédit en vous rendant au consulat. Après, vous pourrez changer votre permis de conduire rose en permis au format carte de crédit dématérialisé. C’est une bonne nouvelle, même si les loueurs ne veulent pas toujours d’un permis qu’une soit pas physique… »

 

Il faut avoir le courage de questionner les structures

 

Au cours de la discussion qui s’est ensuite engagée, il a été demandé l’exemplarité aux élus mais aussi proposé qu’on leur donne plus de moyens (!) pour mieux travailler et nous défendre. Puis un participant a demandé une bascule des dépenses consacrées aux personnes âgées vers les jeunes. Anne Genetet en a profité pour suggérer qu’on ajoute un peu de capitalisation à la retraite par répartition, que nous créions un fonds souverain qui serait d’une aide précieuse. La députée a cité un autre exemple de réforme urgente.

- « Le coût du décrochage scolaire est de 18 milliards d’euros par an. Ceux qui vont ensuite dépendre des minima sociaux ou, hélas, passer par la case prison, coûteront encore 7 milliards à la collectivité. Total : 25 milliards. Si on travaille sur le sujet, on aide à la fois les jeunes et les finances du pays. 50.000 postes de professeurs pourraient légitimement  être supprimés dans les années à venir en raison de la démographie. Il vaut mieux les répartir habilement sur le territoire pour éviter le décrochage. L’État y gagnera en permettant à ces jeunes de se développer et en cotisations s’ils trouvent des emplois. »

Ultime question dans la salle :

- « Dans le cadre d’une politique d’austérité budgétaire, vous qui vous occupez des expatriés, qu’est-ce qui est en danger et qu’est-ce qui est  sacralisé ? »

- « Les Français de l’étranger ne coûtent pas beaucoup à l’État donc je n’ai pas d’inquiétude sur ce sujet précis. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les budgets alloués à la recherche, à la culture, au sport. Les armées sont protégées. Je ne vois pas la sécurité être remise en question. En revanche, dans l’éducation, on pourrait réduire les dépenses sans réduire le nombre d’enseignants. Beaucoup d’administrations de ce ministère ne servent à rien. Il y a aussi des doublons extravagants dans le commerce extérieur. Les Agences régionales de santé et leurs centaines de fonctionnaires devaient veiller à l’égalité d’accès aux soins sur le territoire. Elles ont échoué. On peut questionneur leur utilité. Il faut, d’une manière générale, questionner les structures. Ça ne plaira pas à tout le monde mais il faut juste du courage politique pour enclencher ces réorganisations. »

 

À ceux qui le souhaitent, Anne Genetet propose de la contacter par courriel, à l’adresse : anne.genetet@assemblee-nationale.fr

 

Il existe également un groupe WhatsApp, qui émane du parti Renaissance, où suivre l’action d’Anne Genetet, échanger sur l’actualité en France, poser des questions et faire remonter des remarques :

https://chat.whatsapp.com/Fhs9Xb5mgDY7iVzK3uhAFb?mode=ems_copy_c

 

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