Face aux conflits, aux menaces russes et à la course aux armements, la France est à un tournant : comment rester forte militairement tout en maîtrisant son budget ? Ce mardi 1er juillet 2025, devant la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le ministre Sébastien Lecornu a tenté d’apporter des réponses. Mais au-delà des discours, c’est une autre réalité qui s’impose : retards persistants, tensions industrielles, crédits gelés… et un sentiment de décalage entre ambition et exécution.


La France prévoit de consacrer 3,5 % de son PIB à la défense militaire d’ici 2035, un objectif ambitieux pour moderniser ses forces. Mais en 2025, les commandes d’équipements militaires sont très faibles, les budgets souvent gelés, et plus d’un milliard d’euros a été détourné pour financer des opérations extérieures. Lors de son audition le 1er juillet 2025 devant la commission sénatoriale des affaires étrangères, le ministre Sébastien Lecornu a reconnu ces difficultés, évoquant des perturbations budgétaires en janvier 2025, tout en insistant sur l’importance de ce qui est réellement livré aux forces. Cette situation inquiète, car elle met en tension l’industrie de défense française et soulève des doutes sur la capacité du pays à tenir ses promesses face à la montée des défis internationaux.

Des milliards annoncés mais où sont les commandes?
Sur le papier, la trajectoire est ambitieuse : 3,5% du PIB dédiés à la défense d’ici 2035. Une promesse forte. Mais dans les faits, les sénateurs s’inquiètent : 2025 connaît une absence criante de commandes, des crédits gelés, et des ponctions budgétaires massives. Plus d’un milliard d’euros détournés du programme 146, initialement destiné à l’équipement des forces, pour financer des opérations extérieures. Sébastien Lecornu ne nie pas : “il y a eu une perturbations forte du fonctionnement budgétaire en début d’année” admet-il.
Une industrie de défense à bout de souffle
La base industrielle et technologique de défense (BITD), essentielle au réarmement, est en tension extrême. Manque de munitions, retards dans les chaînes de production, et usines tournant à 91% de leur capacité. Pire : 31% des entreprises du secteur seraient déjà en état de rupture. Malgré les 16 milliards d’euros inscrits dans la Loi de programmation militaire pour les munitions, les commandes effectives restent très faibles. Une dissonance que le ministre reconnaît avec lucidité, évoquant notamment les effets du gel budgétaire suite à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024.

Une guerre qui déborde du champ militaire
Le défi ne se limite plus à produire des armes. Pour Sébastien Lecornu, la guerre moderne est hybride : cyberattaques, désinformation, guerre psychologique… la ligne de front s’est déplacée. Il appelle à une défense plus agile, réactive et interministérielle. Il faut non seulement réarmer, mais accélérer. Certaines priorités prévues pour 2035, guerre électronique, défense sol-air, spatial doivent être avancées. L’urgence est là, avec parfois des défaillances préoccupantes : des navires de guerres livrés avec des soutes à munitions sous-dimensionnées, jugées “intolérables”. Pas question toutefois de réécrire la Loi de programmation militaire, mais d’y apporter des ajustements ciblés.
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Quel rang pour la France dans la hiérarchie des puissances?
L’enjeu dépasse les frontières. Tandis que le Royaume-Uni et l’Allemagne réinvestissent massivement dans leur défense, les parlementaires s’interrogent : la France pourra-t-elle tenir son rang ? Pour atteindre les 3,5% du PIB en 2035, il faudrait non pas une hausse de 3 milliards d’euros par an, mais de 6. Un effort colossal, qui nécessite une mobilisation politique et budgétaire constante. “Si on veut 138 milliards d’ici dix ans, il faut une marche plus haute”, résume un sénateur, sceptique.
Un compte à rebours lancé
Le constat est clair : la France s’est engagée dans une course contre la montre. Rétamer, moderniser, sécuriser ses approvisionnements, faire face à de nouvelles formes de guerre … tout cela exige une exécution rigoureuse. Or, l’audition de ce 1er juillet a révélé un fossé croissant entre les ambitions affichées et la capacité d’action réelle.
Le réarmement français est lancé, mais il reste fragile. Son succès dépendra moins des promesses que de la capacité à tenir les délais, les budgets… et les engagements.
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