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Vincent Bouillard, vainqueur UTMB 2024 : "Tôt ou tard, je devais prendre le départ”

Le 31 août 2024, Vincent Bouillard, originaire d’Annecy, a fait sensation en remportant la 21e édition de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Il a terminé la distance de 176 km en 19h et 54 minutes. gé de 31 ans, il n’est pourtant pas professionnel mais travaille en tant qu’ingénieur chez Hoka. Pour lepetitjournal.com, il revient sur cette performance, sa préparation pour l’UTMB mais aussi sur sa récente expatriation aux États-Unis : “Changer de point de vue apporte un enrichissement.”

Vincent Bouillard, vainqueur de l'UTMB 2024Vincent Bouillard, vainqueur de l'UTMB 2024
Vincent Bouillard, vainqueur de l'UTMB 2024, arrive à la ligne d'arrivée ©Peignee_Verticale
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 18 septembre 2024, mis à jour le 30 septembre 2024

 

Vous attendiez-vous à remporter l’Ultra-Trail du Mont-Blanc ? 

Non, je ne m'attendais pas exactement à la victoire, même si je ne m'interdisais pas d'y penser dans un coin de ma tête. Rien que de participer à l’Ultra Trail du Mont-Blanc est un rêve. Je prépare cette course depuis de nombreuses années. J'ai eu le temps d’y penser en grandissant près de cette région. Je n'y allais pas pour gagner coûte que coûte, mais pour donner le meilleur de moi-même et tester les fruits d'un entraînement prévu sur le long terme. 

Avec un peu de recul, l’engouement médiatique n'est pas quelque chose auquel j'étais préparé, mais j'essaye de le prendre au jour le jour et de ne pas me fermer à cette réaction. Les émotions et le moment incroyables que cette victoire m’a permis de vivre resteront pour toujours dans ma mémoire. Il s’agit d’un moment partagé de manière spéciale avec des proches et moins proches. Je ne cherche pas à m'accrocher à ce souvenir, mais je sais qu'il va m'accompagner pendant longtemps et j’en suis ravi. 

 

Depuis combien de temps et comment avez-vous préparé l’UTMB ? 

Tôt ou tard, je devais prendre le départ de l’UTMB. J’ai vraiment songé à ce projet pendant la pandémie de covid-19. Il n’y avait pas de course à mettre au calendrier, pas de dossard à enfiler… J'ai pris le temps de me poser et d'écrire une progression dans un volume d'entraînement expérimental, sans pour autant que ce soit un plan d'entraînement très précis au jour le jour. Je n'ai pas de coach, j’ai donc fait mon propre protocole. J'ai mis en place 2 ans de progression en volume et en intensité d'entraînement. Il y avait, tout le long, des courses intermédiaires pour me tester sur des distances plus longues et des formats qui se rapprochaient de l'UTMB. Cela fait 3 à 4 ans que je fais le cheminement de ma pensée et la partie entraînement dure depuis deux ans.  

 

Vincent Bouillard gagnant de l'UTMB 2024
©Peignee Verticale

 

Comment est-ce que vous arrivez à vous préparer pour un tel événement tout en ayant un travail à côté ? 

L'avantage d'aller sur des distances beaucoup plus longues est l’important volume d'entraînement. Une telle charge demande de l'anticipation, de l'organisation et du temps pour tout planifier dans l'agenda. Il faut aussi s’assurer de son équilibre au quotidien. Il est défini, non pas seulement par le travail et le sport, mais aussi par les relations sociales, familiales et d'autres obligations ou envies. Tout doit rentrer et être discuté au préalable avec son entourage, sans quoi l’échec est garanti. 

J’ai beau prévoir à l'avance, les imprévus s'enchaînent malgré tout

L'entraînement pour l'ultra permet plus de flexibilité. Je fais souvent le parallèle avec de plus courtes distances. Quand j'étais plus jeune, je m'entraînais pour du 800 ou du 1.500 mètres sur piste. Ces distances demandent un type d'entraînement plus précis. Il y a des séances très spécifiques de vitesse et de très forte intensité. Ces séances requièrent un certain recul, un repos physique et psychologique avant de les aborder. S’il y a une séance le mardi soir, il est compliqué de la déplacer le mercredi matin très tôt à cause des difficultés au niveau de l'alimentation. 

Pour l’ultra, le fait de devoir gérer ces imprévus et adapter son entraînement en fonction des disponibilités représente une force. J’essaye de transformer ce qui peut paraître comme une contrainte au départ. “Il y a cet imprévu, comment je m'adapte ?” Finalement, il s’agit aussi d’un apprentissage pour la course en elle-même. J’ai beau prévoir à l'avance, les imprévus s'enchaînent malgré tout. Ce genre d'entraînement permet de rester calme dans des moments pareils. 

 

Quel est l’importance de l'assistance en course sur ce type d'événement notamment dans une optique de performer ? 

Elle joue un rôle primordial et est extrêmement importante. Sur un parcours comme l’UTMB, l'organisation prévoit une assistance neutre pour tous les coureurs mais aussi pour les milliers de coureurs qui se lancent sur le Tour du Mont Blanc (TMB). Mais une assistance personnelle - quand nous avons une visée de performance - peut faire gagner des minutes. Elle permet aussi de s'alléger en quantité concernant l'alimentation ou le matériel qui n’est pas forcément disponible dans les ravitaillements fournis par l'organisation. Cette assistance est autorisée et permise, en tout cas sur une course telle que l'UTMB. 

 

Vincent Bouillard, victorieux de l'UTMB ©Peignee_Verticale_0006
©Peignee Verticale

 

Est-il possible de gagner l’UTMB sans utiliser l’assistance autorisée alors que vos concurrents l'utilisent ? 

Ce serait un beau défi. Je ne pense pas que ce soit impossible. Il faut se préparer de manière minutieuse et anticiper, mais forcément, cela signifie s’alourdir. Malgré des durées longues d’environ 20 heures, il y a une optimisation de plein de détails dans le matériel utilisé, dans la nutrition, dans l'alimentation, l'hydratation… Si nous laissons place à l'imprécision ou au hasard, alors nous sommes moins à l'abri de fluctuations de course, de moments d'ingérence, de hauts et de bas… L'assistance, au-delà de l'apport psychologique énorme de voir un proche, permet aussi de contrôler beaucoup plus son effort. Si je réalisais la course sans l'assistance, j'essayerais de m'alourdir un peu plus en emportant sur moi, par exemple, des aliments que mon corps assimile mieux, plutôt que de laisser une part d’inconnu en prenant seulement ce qu’il y a au ravitaillement. Mais, si je faisais exactement la même course sans avoir le droit à l'assistance, je mettrais plus de temps.

Il est difficile de faire mieux en termes de terrain à Annecy, dans les Alpes

 

 

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre récente expatriation aux États-Unis ? 

J'ai commencé avec Hoka, qui fait partie du groupe Deckers, au début de l’année 2016. J'étais en France à l'époque, dans les bureaux dans lesquels je me trouve en ce moment, à Annecy. Avec ce travail, dès les premières années, j'ai été amené à beaucoup voyager, à la fois aux États-Unis, où le siège du groupe est installé, mais aussi beaucoup en Asie, où nous avons beaucoup de nos partenaires industriels. Au fil des années, ce projet professionnel est aussi devenu un projet personnel suite à la rencontre de mon épouse, Camilla, qui est américaine. J’ai pris la décision de déménager à temps complet aux États-Unis. De 2020, juste avant la pandémie, jusqu’à mars 2022, j’ai vécu à Ventura, au nord de Los Angeles, proche du siège de Deckers à Goleta (Californie du Sud). 

“Il n'y a pas besoin d'être athlète professionnel pour s'entraîner comme un athlète professionnel.”

Ensuite, nous avons pris la décision de déménager à Portland pour une opportunité personnelle, mais aussi professionnelle avec un nouveau bureau Hoka qui s'ouvrait. Jusqu'en avril 2024, nous avons vécu à Portland. Nous avons depuis entamé un nouveau chapitre de vie en s'installant ensemble en Europe. Encore une fois, une opportunité professionnelle nous a reconduit vers Annecy, ma compagne y ayant trouvé un emploi. De mon côté, j’ai pu négocier et même présenter un projet professionnel qui s'insère dans mon retour en Europe. 

 

 

Vincent Bouillard est le gagnant de l'édition 2024 de l'UTMB
©Peignee Verticale

 

Est-il plus facile de s'entraîner aux États-Unis qu’en France pour de l’Ultra-trail ?

Changer de point de vue apporte un enrichissement. J'ai grandi à Annecy où l’environnement est magnifique et excellent pour les sports d'outdoor. Mais je ressentais aussi un besoin de voir autre chose. J’ai déjà eu l'occasion de m’expatrier en échange universitaire pendant mes études. Mais je ne pense pas qu'il y ait un terrain plus propice à la pratique de l'ultra aux États-Unis. J’habitais près de l'océan Pacifique, mais il y avait aussi de belles montagnes non loin et de superbes terrains pour le vélo et l'entraînement. 

Il est difficile de faire mieux en termes de terrain à Annecy, dans les Alpes. D'ailleurs, la ville est très proche de l'UTMB. Il n’y avait pas tant de différences en termes de pratique ou dans l'emploi du temps. La différence majeure était pendant la pandémie. Il y avait beaucoup moins de contraintes strictes aux États-Unis qu'en France. Mais j’étais assez loin des moments clés de ma préparation à l’UTMB. Au contraire, à Portland, il y a des montagnes mais qui sont plus loin. Il fallait donc être plus créatif dans les parcours d'entraînement, avec pas mal de répétitions sur des collines et moins de grandes montagnes. 

 

 

Vincent Bouillard, grand gagnant de l'UTMB 2024
©Peignee Verticale

 

Avez-vous des conseils pour quelqu'un qui souhaite commencer l’Ultra-trail ? 

Je répète souvent cette citation d’un coach et ami américain qui s'appelle Mario Fraioli : “Il n'y a pas besoin d'être athlète professionnel pour s'entraîner comme un athlète professionnel.” Finalement, les personnes dont le sport est un métier ont, certes, plus de temps au calendrier, mais ils ont aussi des habitudes assez simples en termes d'optimisation du sommeil, de l'alimentation… Ces habitudes ne demandent pas un entourage incroyable et des technologies dernière génération, mais juste des basiques comme se mettre dans les bonnes conditions physiques et psychologiques avant d'entamer les heures d'entraînement. Ces dernières comptent, mais il faut qu’elles soient d'une certaine qualité. 

Nous faisons tout à vélo ou à pied

Ensuite, pour l’ultra particulièrement, je peux m'autoriser des manières différentes de m'entraîner. Je peux vraiment être créatif. Je le faisais déjà aux États-Unis. Au quotidien, avec ma compagne, nous n’utilisons pas la voiture. Nous faisons tout à vélo ou à pied. Les heures que je passe à vélo pour aller au travail, faire les courses, aller rendre visite à la famille… Ce sont des heures d'entraînement. Elles ne sont pas forcément intenses, ni prévues à l’avance mais je reste en effort d'endurance durant ces heures. Dans un emploi du temps serré, cela peut permettre d'allier l'utile à l'agréable.

 

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