La grande démission, le « big quit ». Si vous n’en avez pas entendu parler, c’est que vous ne faites peut-être pas partie des Français qui ont choisi de démissionner récemment. Un phénomène qui a pris de l’ampleur dans le monde sur fond de crise sanitaire. Qu’en est-il des Français et ceux de l’étranger ? Décryptage.
Née après le premier pic de la crise du Covid en 2020, la grande démission, ou « big quit » est un phénomène venu tout droit des Etats-Unis. Là-bas, chaque mois depuis janvier 2022, plus de 4 millions de travailleurs changent de travail. En Europe, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et la Belgique sont les pays les plus concernés par la vague de démissions. Plus largement, 43% des salariés - interrogés par une étude basée sur 31.000 personnes dans 31 pays- se disent susceptibles de changer d’emploi en 2022.
La grande démission n’est pas une surprise et se justifie
Pour beaucoup d’experts, la tendance de démissions n’est pas une surprise et ce, pour plusieurs raisons : D’abord le contexte sanitaire a repoussé de nombreuses décisions de démissions. Une fois la situation plus propice, le taux de démission a repris.
Ensuite, parce que les vagues de démission sont souvent liées à une baisse du chômage (observée en France depuis début 2018) : Quand celui-ci baisse, le niveau de tolérance des salariés baisse aussi : « pourquoi tolérer un mauvais management ou un emploi qui ne me convient pas si je peux en changer » ? Une réflexion d’autant plus forte en France au regard de nombreuses aides mises en place à la reconversion ou à l’entreprenariat.
Le monde du travail se transforme depuis des années et il a fallu un élément déclencheur– et non des moindres – pour accélérer une prise de conscience générale. Avec la démocratisation du travail à distance et la quête de sens pour sa vie professionnelle, l’emploi est dorénavant abordé sous un angle nouveau. Oui, il est possible de travailler plus sereinement, et oui, il est possible de travailler utilement.
Il est important de souligner également que le confinement a malheureusement généré ou accéléré un certain nombre de burn-outs, et a poussé les travailleurs à changer de vie ou de métiers. Fin octobre, selon un sondage du cabinet Empreinte Humaine pour OpinionWay, 38% des Français étaient en « détresse psychologique ». Aujourd’hui, on estime à 2,55 millions de salariés qui sont touchés par un burn-out en France.
La France est aussi concernée par la vague de démissions
Très loin des chiffres observés aux Etats-Unis, de plus en plus de Français choisissent de mettre fin à leur contrat en 2021 : Selon le service statistiques du ministère du Travail, DARES , 4.785.100 personnes ont mis fin à leur contrat (CDI ou CDD) au 1er trimestre 2021 ; ils étaient 6.091.800 au 4ème trimestre de la même année, soit une augmentation de +27,3%.
Fin 2021, c’est le secteur de la restauration qui enregistre le taux de démission le plus important selon le DARES (6,8%), suivi par le secteur du commerce (4,7%). Les ruptures conventionnelles se sont également accélérées dans les secteurs de la restauration, du bâtiment et du transport routier.
Près d’un salarié français sur quatre a changé d’emploi
Aujourd’hui, en 2022, où sont les Français démissionnaires ? Selon le dernier rapport Owl Labs , près d’un salarié français sur quatre a changé d’emploi durant les deux dernières années, et parmi ceux qui n’ont pas changé, 23% recherchent une nouvelle opportunité pour 2022. L’étude montre également que le niveau d’exigence en termes de conditions est important : 32% des personnes interrogées seraient prêtes à ne pas accepter une offre d’emploi si les horaires ne sont pas flexibles et 23% si le travail 100% présentiel est imposé. Mais il y a aussi ceux qui regrettent. Selon une étude UKG menée début 2022, 62% des Français qui ont changé de travail post pandémie regrettent en partie leur ancienne activité. Mais pas de quoi se résigner : 49% ont changé une deuxième fois de travail post pandémie, un taux deux fois plus important que dans le reste de l’Europe.
Les Français de l’étranger sont moins touchés par la tendance
Plusieurs observations ont été faites concernant les Français de l’étranger, dans un sens comme dans l’autre. Dans la recherche d’un équilibre et d’une qualité de vie et « une quête de mieux », l’expatriation a été pour certains une réponse toute trouvée. Selon une étude Expat Insider en 2021, 56% des Français qui ont décidé de s’expatrier l’ont fait pour faire évoluer leur carrière. Une fois sur place, 72% évaluent positivement l’équilibre qu’ils ont trouvé dans le pays d’accueil. Les pays frontaliers sont toujours des destinations de choix, proches de la France et de sa culture. Parmi eux, la Suisse reste une valeur sûre, où 91% des expatriés installés estiment profiter d’un meilleur environnement » et 86% de s’y sentir en sécurité. D’autres pays ont accueilli plus de Français ces dernières années comme les Emirats Arabes Unis (+1,7% entre 2020 et 2021). Ces derniers travaillent particulièrement dans l’aéronautique, l’énergie, l’hôtellerie et le luxe.
Dans l’autre sens, comme le souligne Claude Calmon, expert dans un cabinet spécialisé dans le recrutement en France et à l’International, un exode d’expatriés a été constaté, dû notamment à une perte d’emploi, une baisse de revenus ou la séparation avec l’entourage. Au total, 161.000 Français inscrits à l’étranger en moins entre janvier 2020 et janvier 2022 sur le registre des Français de l’étranger,, soit une baisse de 9%. Mais pas de quoi faire fuir les Français en masse car , selon l’étude Expat Insider, 63% des expatriés interrogés ont déclaré que la crise du Covid-19 n’avait en rien changé leur situation ni leur projet.