Face au réchauffement climatique, des millions de personnes sont contraintes de quitter leur foyer pour survivre. Longtemps associées à des choix politiques ou économiques, les migrations prennent aujourd’hui une nouvelle forme : les déplacements climatiques. Lors d’une table ronde organisée au Musée de l’Homme, des expertes ont livré des chiffres percutants pour éclairer cette nouvelle réalité.
Lundi 2 décembre 2024, le musée de l’Homme à Paris accueillait une table ronde durant laquelle quatre expertes ont échangé sur cette question : “Migrations et climat : quels défis pour demain ?”. Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, Frédérique Chlous, professeure d’anthropologie et cadre au Muséum national d’Histoire naturelle, et Sophie Szopa, directrice de recherche au CEA, étaient présentes pour nous éclairer sur ce sujet.
L’immigration comme adaptation face au dérèglement climatique
Selon les intervenantes de cette table ronde, la crise climatique redessine les contours des migrations. Ces déplacements massifs vont s’intensifier à mesure que les températures augmentent et que les écosystèmes se fragilisent, fragilisant par la même occasion les milieux de vie de populations entières. Il est urgent de reconnaître le rôle de l’immigration dans l’adaptation de l’humanité aux changements en cours. Cela exige non seulement des actions politiques fortes, mais aussi une évolution des mentalités.
“Si nous n’agissons pas, nous manquons à nos devoirs. À Oxfam, nous sommes résolus à faire en sorte que les choses bougent” - Cécile Duflot, présidente d'Oxfam France
En octobre 2024, l’ONU a alerté sur des niveaux records de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, principale cause des bouleversements climatiques. Selon un rapport publié en novembre 2024 par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Nous vous présentons cinq chiffres pour mieux comprendre la migration climatique.
1,2 milliard de déplacés climatiques potentiels d’ici à 2050
220 millions de personnes ont été déplacées au sein de leur pays au cours des dix dernières années à cause de catastrophes naturelles. Et d'ici à 2050, Oxfam France estime à 1,2 milliard le nombre de déplacés climatiques potentiels. À l’aube d’une montée inévitable des températures, l’humain doit se préparer à faire face à des changements drastiques de climat dans le monde entier. Pour des millions de personnes, la lutte contre le réchauffement climatique est une question de survie.
45.000 personnes ont été déplacées de force en France en 2022
Les déplacements climatiques concernent également la France. Lors des feux de forêt qui ont touché la Gironde, 38.000 personnes habitant dans les environs ont été déplacées pour des raisons de sécurité. Les 7.000 déplacés restants l’ont été à la suite de feux en Méditerranée et d’inondations. Ceux-ci ont été logés chez des proches ou chez des volontaires. C’est ainsi pour la plupart des déplacés de force, qui ne quittent pas leur pays. Les réfugiés cherchent d’abord des points de repère comme des amis, de la famille, un lieu sans barrière de langue.
“La France est particulièrement exposée aux aléas climatiques : érosion des côtes, inondations, sécheresses, incendies. En 2022, le pays arrive au premier rang des pays ayant connu le plus de déplacés climatiques pour la région Europe/Asie, juste devant l’Espagne”, explique Novethic Quentin Ghuesquière, chargé de campagne et de plaidoyer au pôle climat d’Oxfam France.
Les catastrophes climatiques comme les importantes inondations qui ont frappé le sud-est de la France tendent à se multiplier et forcent notre société à une adaptation urgente.
3,3-3,6 milliards de personnes vivent dans des zones à forte vulnérabilité
Les impacts des changements climatiques dépassent largement les catastrophes ponctuelles : entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans des zones où les risques environnementaux sont extrêmes. De nombreuses populations risquent de perdre leurs sources de subsistance en raison de phénomènes tels que l’acidification des océans, la montée des eaux et les changements climatiques. Ces transformations rendent la pêche et l’agriculture de plus en plus difficiles, voire impossibles. Selon Frédérique Chlous, certaines régions de la planète deviennent brutalement inhabitables, à une "vitesse et une intensité jamais égalées". Les vagues de chaleur, combinées à une forte humidité, représentent également un danger mortel : lorsque l’humain ne peut plus transpirer, la régulation de sa température corporelle devient impossible, et cela peut conduire à la mort.
75 % des déplacés résident dans des pays à revenu faible
Il existe une perception fausse selon laquelle tous les réfugiés et autres migrants se dirigent vers des pays riches. En réalité, 75 % des déplacés résident en réalité dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Ces nations, souvent voisines des zones de conflit ou des régions affectées par des catastrophes climatiques, accueillent la majorité des réfugiés. Le HCR a d’ailleurs souligné que ces pays, qui produisent collectivement moins de 20 % du revenu mondial, jouent un rôle essentiel dans la gestion de la crise migratoire. Cette réalité met en lumière l'ampleur des défis auxquels ces pays font face, bien loin des perceptions erronées qui dominent souvent les débats dans les pays développés.
80 % des déplacés climatiques sont des femmes
Les femmes sont bien souvent en charge des personnes vulnérables et de subvenir aux besoins en eau et en nourriture de leur famille. Plus touchées par les inégalités et la pauvreté, elles ressentent plus intensément les changements climatiques. Fragilisées par les grossesses et les maternités, elles sont également amenées à parcourir des distances plus longues. C’est pourquoi 80 % des déplacés climatiques sont des femmes et des filles.
Comme l’indiquait la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, aux délégués de la COP26 lors d'un panel :
“ S'attaquer au rapide changement climatique est une question de justice et d'égalité auprès des plus vulnérables et les plus touchés, notamment les communautés autochtones, les pays moins développés et notre point de mire aujourd'hui et chaque jour : les femmes”.