Une pulka, une tente et le silence du Grand Nord. C’est dans ces conditions extrêmes que le Français Ludovic Seuillot a trouvé sa voie. Une aventure qui commence dans la forêt boréale et le conduit toujours plus loin vers l’inconnu.


C’est au Canada, en 2013, que Ludovic Seuillot a découvert sa vocation. Parti pour du bénévolat agricole, le Raonnais se retrouve à vivre dans un lodge isolé, au cœur de la forêt boréale. « On vivait dans des tentes recouvertes de neige. Nos chaussures, nos vêtements et même l’eau gelaient dans la nuit. On se réveillait plusieurs fois pour remettre du bois dans le poêle », se souvient-il.

Et malgré ces conditions extrêmes, Ludovic Seuillot est fasciné : « Très vite, j’ai été séduit par les espaces vierges, l’absence totale de bruit, la culture et la résilience des Premières Nations qui vivent sur ces terres depuis des millénaires. »
De retour en France après six mois, il n’a qu’une idée en tête : repartir vers le froid. Alors il organise des raids à ski en Scandinavie, devient guide polaire et s’attaque aux courses les plus extrêmes du cercle arctique : la Lapland Arctic Ultra (185 km) et la Yukon Arctic Ultra (350 km).
Svalbard, 78° Nord
En mars 2025, Ludovic Seuillot rejoint l’équipe internationale du projet Global Atmospheric Plastic Survey (GAPS). Destination : le Svalbard, 78° Nord. Neuf explorateurs européens s’élancent pour une centaine de kilomètres à ski en totale autonomie, chacun tirant une pulka de 25 à 30 kilos. Leur mission : collecter des échantillons de neige pour étudier les microplastiques.

La routine quotidienne est réglée comme une mécanique de survie. Réveil à 6 heures, mais la marche ne commence qu’à 8h30. « Sortir du duvet par -30 °C relève d’un vrai défi », raconte Ludovic Seuillot. Il faut allumer le réchaud, faire fondre la neige pour le petit-déjeuner et remplir les gourdes pour la journée. Les pauses sont comptées, jamais plus de cinq ou dix minutes. Juste le temps de grignoter quelques graines, un morceau de fromage ou de viande séchée, avant de reprendre la marche.
« On marche autour du camp, avec une relève toutes les heures ou deux, pour dissuader l’ours de s’approcher. »
En fin de journée, vers 17 ou 18 heures, l’équipe s’arrête enfin pour installer les tentes et préparer un dîner rapide. Mais la nuit arctique n’offre jamais de répit complet. Chacun se doit d’assurer son tour de garde : le bear watch. « On marche autour du camp, avec une relève toutes les heures ou deux, pour dissuader l’ours de s’approcher, explique-t-il. Nous avons croisé des traces, mais nous ne l’avons pas vu… et tant mieux. »

De ce voyage, Ludovic Seuillot garde aussi le souvenir d’un son inquiétant : « Au Svalbard, ce qui m’a frappé le plus, c’est le bruit des vagues, par 78° Nord, en mars, dit-il. Or, à cette période de l’année, la banquise devrait être solidement installée. » Une observation qui fait écho à ce qu’il a constaté ailleurs : la rivière Yukon, au Canada, qui ne gèle plus aussi tôt qu’avant, ou encore, la pluie de plus en plus fréquente en Scandinavie, rendant la nourriture inaccessible pour les rennes des Samis.
« La neige agit comme un réservoir naturel, elle conserve l’empreinte des plastiques présents dans l’air. »
La neige sous microscope
Si ces expéditions sont de véritables épreuves physiques, elles servent aussi la recherche. Dans le cadre du projet GAPS, Ludovic Seuillot et son équipe prélèvent des échantillons afin de détecter la présence de micro- et nanoplastiques transportés par l’atmosphère jusque dans les pôles. « La neige agit comme un réservoir naturel, elle conserve l’empreinte des plastiques présents dans l’air », explique le guide polaire.
Pour éviter toute contamination, un protocole strict est suivi : un seul membre de l’équipe effectue les prélèvements, des échantillons témoins sont ajoutés, et tout le matériel est soigneusement scellé. Une fois rapatriés, les échantillons sont envoyés au Centre Helmholtz en Allemagne et analysés par une technique mise au point par le Dr Dušan Materić. Les premiers résultats montrent la présence de particules issues de pneus, de polystyrène ou encore de polyéthylène.
« Je reviens grandi de chaque expédition. »
Revenir à l’essentiel
Pour Ludovic Seuillot, chaque expédition dépasse largement la dimension scientifique. Il s'agit avant tout d'une aventure humaine, où l'on apprend à s'écouter et à prendre soin les uns des autres : « La solidarité et la bienveillance sont indispensables », insiste-t-il.
La vie polaire ramène aussi à l’essentiel : boire, se nourrir et maintenir la chaleur du corps. Une simplicité radicale qui enrichit profondément : « Je reviens grandi de chaque expédition, et j'aborde ensuite les problèmes de notre quotidien occidental avec beaucoup de recul. »
Et puis il y a l'invisible luxe des grands espaces : l'immensité à perte de vue, le silence absolu, les traces laissées par la faune, la magie des aurores boréales. Des instants qui nourrissent un sentiment rare : celui d'être totalement libre. « Dès que je chausse mes skis et accroche ma pulka, c'est le bonheur absolu », sourit le guide polaire.

L'histoire n'est pas près de s'arrêter. En mars 2026, Ludovic Seuillot mettra le cap sur l'île de Baffin, dans le parc national Auyuittuq, qui signifie littéralement « la terre qui ne fond jamais ». Une promesse d’horizons glacés et de liberté retrouvée pour cet amoureux du grand froid.
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