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Faites comme chez vous : les difficultés des hôtes Airbnb narrées par Nafissa Tiago

Nafissa Tiago, auteure de Faites comme chez vous (chronique Airbnb)Nafissa Tiago, auteure de Faites comme chez vous (chronique Airbnb)
Crédit photo : Thomas Daeffler
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 8 juillet 2021, mis à jour le 8 juillet 2021

Nafissa Tiago raconte ses péripéties d'hôte Airbnb dans le truculent Faites comme chez vous (chroniques Airbnb). Entre invités trop à l'aise, amitiés inattendues et choc culturel, la scénariste parisienne, qui arrondit ses fins de mois avec la plateforme collaborative, dépeint l'envers du décor des nuitées chez l'habitant. 

 

Voyager pour rencontrer l’autre, ou recevoir cet autre chez vous, est un accélérateur

 

Vous avez beaucoup voyagé en travaillant dans l’humanitaire, est-ce qu’être hôte Airbnb vous a permis de continuer le type de rencontres qu’on ne peut faire qu’en voyage ? 

Surement plus qu’une personne qui vit un quotidien classique, car j’étais en contact direct avec le monde entier…mais à ma porte cette fois. Voyager pour rencontrer l’autre, ou recevoir cet autre chez vous, est un accélérateur. J’avais beau savoir que ça ne durerait que quelques jours, découvrir des inconnus, c’est une sensation créatrice. Mais attention, certaines rencontres de voisinage m’ont autant motivée que celles en lointaines contrées. Partout, deux êtres humains peuvent à terme, briser des préjugés.

 

« Airbnb propose aux gens de revenir au réel et au don de soi », explique Brian Chesky, PDG de la plateforme collaborative, qu’en pensez vous ? 

Cher Brian, si tu nous lis, viens donc vivre une semaine dans mon petit appartement, pour partager le réel avec deux touristes qui raclent leur gorge et crachent de toute leur force dans mon lavabo, rayonnant d’éclat quelques minutes plus tôt.

 

Nafissa Tiago, auteure de Faites comme chez vous
Crédit photo :  Thomas Daeffler

 

Tous ces invités qui défilaient chez moi ont formé un groupement curieux

 

Vous évoquez dans votre livre les types d’invités Airbnb. Comment les catégorisez-vous ? 

Quelques mois après mon inscription sur le site Airbnb, j’ai pu, comme une chercheuse, mieux cerner la réalité de mes invités. Une réalité est toujours confuse, mais si on veut la comprendre, il faut l’analyser. La catégorie de l’excursionniste, qui quitte Paris chargée de tours Eiffel miniature, est bien réelle. Combien de fois ais-je vu ces souvenirs clignotants déborder des valises ! Ils assumaient complètement d’avoir visité la capitale de manière à narrer chez eux et à d’autres excursionnistes, leurs histoires d’excursionnistes.

Et celui que Paris transforme en poète, comme le voyageur idéal de Baudelaire qui part sans but, avec son panama acheté au marché d’Aligre… Sauf que sans connexion wifi pour partager ses feuilles de route, c’est la panique chez le poète. Tous ces invités qui défilaient chez moi ont formé un groupement curieux…c’était mon constat et non pas une vérité à soumettre. C’est intéressant car si l’être humain n’aime pas être étiqueté, le même être humain en mode touriste consent parfaitement à se laisser classer dans des catégories.

 

Au lieu de mal vivre la présence de ces invités, qui rendent inconfortable une cohabitation, j’attendais le moment de leur départ

 

Le slogan Airbnb stipule : « Vous êtes ici comme chez vous ». Comment est-ce vécu par l'hôte quand vous n’êtes plus vraiment chez vous ? 

Certains sont mal élevés. Je les mettais à l’aise, ils en profitaient et oubliaient que les relations hôte-voyageur restent une relation sociale. Souvent, je contrôlais mes flatulences, je contenais mes rots en leur compagnie. Cette retenue n’était pas toujours réciproque. Au lieu de mal vivre la présence de ces invités, qui rendent inconfortable une cohabitation, j’attendais le moment de leur départ, appelé officiellement Check Out, que je transformais par Get the fuck out.

 

Vous évoquez aussi les difficultés d’être une hôte et parfois le manque de gratitude de vos invités. Quelle expérience - mot cher à Airbnb- en tirez-vous ? 

Quand on choisit un engagement comme celui qui a été le mien durant trois années, on essaie d’en tirer le meilleur. C’est universel, non ?

 

Le hasard des rencontres ne jouent pas que des mauvais tours

 

Malgré les désagréments provoqués par certains invités, est-ce compliqué d’arrêter cette activité ?

Oui. Mon métier de scénariste, aux revenus aléatoires, m’imposait beaucoup de contraintes financières. Elles étaient « pansées » par les réservations du voyageur, et tant pis pour moi si certains ou certaines étaient impossibles à vivre. Heureusement, le hasard des rencontres ne jouent pas que des mauvais tours. Et puis, j’ai tendance à vite oublier les désagréments. Je m’indigne le matin, je me réjouis le soir venu. Et vraiment, revient l’envie irrépressible d’ouvrir ma porte pour découvrir quel pays elle m’amène encore.

 

Couverture Faites comme chez vous, chroniques Airbnb

 

Est-ce que cette vision d’une économie collaborative a changé votre propre rapport du monde ? 

En comparaison avec mon vécu de bénévole auprès de certaines populations d’Afrique et d’Asie, dont ce souvenir perturbant d’une enfant indienne d’environ 8 ans, qui m’avait suivi dans la rue pour m’arracher le sandwich des mains et le partager avec d’autres enfants des rues, je dirais que l’accueil à Paris dans le cadre de « l’économie collaborative » n’a pas changé ma vision économique du monde.  D’ailleurs, j’essaie de me souvenir de celui qui a dit pendant un repas, au sujet d’un morceau de pain qu’il a jugé bon de partager avec ses semblables, « Prenez, ceci est mon corps ». Un visionnaire du collaboratif, sans aucun doute.

 

Faites comme chez vous (chroniques Airbnb) de Nafissa Tiago, éditions Le Nouvel Attila

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