Expatriée en Israël puis à Barcelone, son passif de conjointe d’expatrié a poussé Nadia à créer son propre blog, Les Conjoints d’Expatriés, pour aider ceux et celles qui restent souvent dans l’ombre de l’expatriation: les conjoint.e.s. Une communauté composée à 90% de femmes, au sein de laquelle la parole a encore du mal à se libérer. Le but de Nadia: briser les tabous et aider les conjoint.e.s à s’intégrer professionnellement.
Expliquez-nous davantage votre parcours, comment en êtes-vous arrivée à devenir femme d’expat’ ?
Je suis partie vivre à l’étranger à l’âge de 22 ans, j’ai suivi mon conjoint à l’époque. Il devait reprendre son travail en Israël. Ma seule priorité était de terminer mes études avant de partir. Je faisais des études de langue, j’adore les voyages, donc à l'époque je ne me posais aucune question. Je pense que c’est dû à l'innocence et à la jeunesse. Je ne partais pas dans un objectif de rentrer mais je savais que si cela ne fonctionnait pas, je pouvais rentrer. J’étais auprès de mon conjoint pour vivre une nouvelle aventure, vivre une expérience internationale. Lui étant déjà sur place, je n’ai pas eu à faire les premières démarches comme la recherche de logement.
Mais arrivée en Israël, ça a été une grosse claque. Je me suis confrontée aux premiers défis. Au niveau administratif c’était très compliqué. J’avais trouvé un travail sur place mais je n’ai pas eu le droit à un visa de travail. Cela a été mon premier gros obstacle car j’avais terminé mes études et je voulais travailler à tout prix or cela ne m’était pas possible. Au lieu de m’effondrer, j’ai décidé de passer à l’action et de prendre des cours intensifs d’hébreu. J’ai commencé par m’occuper de cette barrière linguistique car comme c’était un autre alphabet, j’avais l’impression d’être aveugle. Au bout d’un an, j’ai intégré le consulat à Jérusalem. J’ai commencé à travailler là-bas en tant que secrétaire. Le métier m’a tellement plu que j’ai passé les concours administratifs et je suis rentrée aux affaires étrangères.
Du statut de conjointe d’expatrié je suis passée au statut d’expatriée. Avec les affaires étrangères, nous avons des missions de 3-4 ans dans un consulat. Après Israël, je suis allée à Barcelone. Là, véritablement, je suis devenue expatriée et mon conjoint est devenu conjoint d’expatriée.
Comment vous est venue l’idée du blog et en quoi consiste-t-il?
Cela fait 10 ans que je suis à Barcelone. J’ai demandé une permission pour faire autre chose au niveau du travail. Je me suis lancée à mon compte en tant que freelance. J’avais envie d’entreprendre et mon entourage me poussait depuis longtemps. Je me suis reconvertie professionnellement et me suis lancée à mon compte en community management dans le contenu rédactionnel, contenu SEO…
Les Français en France ont l’impression que les expatriés ont la vie dorée, qu’ils voyagent et qu’ils n’ont pas de problème. Je voulais casser ce cliché.
A côté de cela, c’est vrai que j’avais passé 11 ans dans l’administration pour les expatriés. En parlant avec une amie qui partait en Afrique, on s’est dit qu’on ne parlait jamais des conjoint.e.s d’expatriés. Elle me disait qu’on lui posait toutes sortes de questions: “mais qu’est-ce que tu vas faire là bas?”; “tu ne vas pas pouvoir travailler”. Elle en avait marre qu’on lui pose des questions qu’elle se posait déjà elle-même. A partir de là, je me suis beaucoup plus intéressée aux conjoint.e.s. En ayant ma propre expérience, non seulement à l’étranger et en plus auprès des Français à travers le consulat, je n’avais pas envie de les laisser tomber. Ils sont dans l’ombre.
Je voulais leur consacrer un blog, pour parler de leurs défis au quotidien. Mon objectif est de traiter les sujets sans tabou. Les Français en France ont l’impression que les expatriés ont la vie dorée, qu’ils voyagent et qu’ils n’ont pas de problème. Je voulais casser ce cliché. La conséquence de cela est que beaucoup de conjoint.e.s d’expatriés n’osent pas parler de leurs problèmes par peur.
Je veux qu’on puisse dire “je me sens seul.e”, “je ne comprends pas la langue”, “je ne m’en sors pas”, “je n’arrive pas à m’intégrer”. C’est l’objectif du blog, j’ai envie qu’il devienne une référence.
Vous fournissez un “passeport freelance” pour devenir freelance à l’étranger en étant conjoint d’expatrié. Pouvez-vous nous en dire plus?
Un des défis principaux reste la vie professionnelle des conjoint.e.s. Pourquoi décider de laisser tomber sa carrière parce qu’ils ou elles ont décidé de suivre leur amour et leur famille? J’ai trouvé une solution à explorer: celle de devenir freelance à l’étranger. C’est vrai qu’entreprendre n’est pas pour tout le monde. Cependant, c’est une piste à explorer pour celles et ceux qui souhaitent continuer une activité tout en suivant leurs conjoint.e.s.
Il faut aussi penser au retour en France: quelqu’un qui n’a pas travaillé pendant plusieurs années est souvent mal vu par les employeurs en France. Cette solution apporte une sérénité et permet d’avoir une continuité dans la vie professionnelle. J’ai mis en place un programme, une formation en ligne assez complète. Elle est consultable à son rythme avec des vidéos et exercices pratiques. C’est un guide de pas à pas pour lancer son activité. Nous commençons par trouver une idée d’activité par rapport à leurs profils, puis je les aide à définir l’offre sur le marché. J’ai créé un module pour montrer que les formalités administratives ne sont pas insurmontables. Puis, il y a plusieurs étapes pour créer une identité, trouver des clients… Pour finir, on regarde comment gérer le quotidien d'un freelance, ce n’est pas simple, il y a une gestion à mettre en place.
Le passeport freelance est venu de mon expérience personnelle. Je me suis lancée de 0. Je n’avais aucune expérience dans l'entreprenariat. Je me dis que si j’avais eu un accompagnement qui me donnait les étapes à suivre, cela aurait été plus facile. Je voulais qu’ils ou elles aient quelqu’un de disponible. Je veux garder cet aspect de “proximité” et ne pas devenir un annuaire.
On dit souvent que les expatriés sont une réelle communauté, est-ce que vous diriez la même chose des conjoints d’expatriés?
Mon but n’est pas d’avoir la plus grande communauté possible, je veux pouvoir aborder tous les sujets tabous, être disponible.
Je n’ai pas une grosse communauté car je fais tout moi-même. J’ai monté le blog et les réseaux sociaux. Mais c’est vrai qu’on peut dire qu’il y a une solidarité. J’ai plusieurs personnes qui me contactent car elles ont besoin d’un repère.
Mais cela dépend de la résidence : tout le monde est éparpillé partout. C’est difficile de se dire qu’on va parler d’un sujet qui n’est pas vécu de la même façon partout dans le monde. J’ai fait des sujets génériques au départ. Mon objectif reste la proximité, la disponibilité et en fonction de chaque destination, je leur trouve un référent sur place qui sera plus à même de répondre à leurs problématiques quotidiennes.
Le blog génère un peu plus de 3.000 visiteurs par mois. Mais mon but n’est pas d’avoir la plus grande communauté possible, je veux pouvoir aborder tous les sujets tabous, être disponible. Bien que j’espère grandir et toucher plus de personnes avec le blog.
Que diriez-vous à un ou une conjoint.e d’expatrié qui s’apprête à suivre son conjoint en expatriation, et qui appréhende énormément ?
Déjà de bien s’informer car on a la chance maintenant de chercher le maximum d’informations sur sa destination sur Internet. Contacter des expatriés français qui sont déjà dans le futur pays de résidence pour avoir des retours et anticiper les difficultés.
Mais aussi de penser à soi. Ce n’est pas parce qu’on suit son conjoint et qu’on emmène les enfants qu’on ne doit pas penser à soi. Souvent, c’est le ou la conjoint.e d’expatrié qui doit penser à l’installation, à ce que chacun se sente bien, que les enfants aient une bonne école. Mais souvent il ou elle s’oublie. Ce n’est pas égoïste de penser à soi, au contraire c’est de faire en sorte que l’expatriation se passe au mieux. Ne pas oublier sa personnalité, ses compétences et se mettre des objectifs.
Il faut croire en soi, chaque personne a un potentiel et c’est peut-être l’occasion de l’explorer. L’expatriation vous pousse au-delà de vos limites. C’est important de se l'approprier pour faire en sorte que le ou la conjoint.e s’épanouisse autant que celui ou celle muté.e à l’étranger.