Experte en développement du secteur privé et entreprenariat féminin, Bridie Laplace est consultante depuis sept ans, notamment auprès d’entreprises investissant en Afrique anglophone. Une zone qui combine à ses yeux dynamisme économique et qualité de vie, à l’image du Kenya où elle réside.
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
Votre parcours révèle un certain tropisme pour l’Afrique subsaharienne : comment l’expliquez-vous ?
Franco-congolaise, j’ai vécu dans différents pays d’Afrique jusqu’au baccalauréat, avant de rejoindre la France pour mes études. A SKEMA, je me suis spécialisée dans la finance d’entreprise, m’intéressant également à la micro finance. A l’époque, le thème était en vogue du fait de l’attribution, en 2006, du Nobel de la paix à Modammad Yunus, le « banquier des pauvres », fondateur de la Grameen Bank. J’ai fait un mémoire à ce sujet et eu l’opportunité d’interroger pas mal d’acteurs du secteur. L’un d’entre d’eux, Investisseurs et Partenaires, m’a recrutée en stage. J’ai ensuite décroché un Volontariat International chez Proparco - la filiale de l’Agence française de développement dédiée au secteur privé - à Nairobi et c’était le début de ma grande aventure professionnelle en Afrique !
Aujourd’hui, vous êtes consultante en investissement, financement et appui aux entreprises. Comment sélectionnez-vous vos missions ?
Au fil des années, je me suis spécialisée dans la mobilisation des ressources, via l’investissement et les partenariats. Les entreprises avec lesquelles je travaille partagent le désir de se développer en Afrique. Je leur offre donc mon expertise pour appréhender des climats d’affaires très variés. J’ai une vraie appétence pour l’Afrique anglophone, très dynamique du point de vue technologique et des innovations sociales. J’y mène une vie professionnelle très riche. Au niveau personnel, Nairobi où je réside est une ville très cosmopolite, accueillante, qui offre un certain niveau de confort matériel ainsi que de nombreuses possibilités d’escapades au vert.
Votre double culture est-elle un atout ?
Le fait de bénéficier d’une connaissance des cultures et marchés africains est plutôt un avantage, en effet. Quant à mon héritage français, cela dépend des contextes. En Afrique anglophone par exemple, la France jouit d’un certain rayonnement, ce qui n’est pas toujours le cas de la partie francophone du continent, où l’on peut parfois observer des réactions de rejet, liées à l’histoire coloniale. De manière générale, quand on est une femme de culture française, il faut à la fois prouver ses compétences et amadouer certains partenaires pour pouvoir s’imposer.
Vous avez d’ailleurs beaucoup travaillé sur l’entreprenariat féminin en Afrique : quels sont les freins et leviers ?
Que ce soit chez Dalberg, comme chargée de la mise en place d’un fonds d’investissement dédié aux femmes ou au sein de l’agence UN Women, où j’ai travaillé sur le développement d’une agriculture résiliente au changement climatique, j’ai découvert la problématique cruciale des soft skills. Pour développer l’entreprenariat féminin, outre l’accès aux financements, il faut agir sur des ressorts plus émotionnels de l’ordre de la confiance en soi, du leadership. Cela peut passer par des formations ou encore du soutien aux réseaux d’entraide entres femmes.
Travaillant tant d’années sur l’entreprenariat, n’avez-vous jamais eu envie de créer votre propre société ?
Si, après avoir fait une formation de designer textile, je suis en train de monter ma PME dans la décoration intérieure, à partir de tissus africains, contemporains et traditionnels. L’idée est d’en faire un business social valorisant l’artisanat local et employant des femmes, à tous les niveaux de la chaîne de valeur.
Interview réalisée par Justine Hugues