Une résidence d’artiste accueille plusieurs artistes internationaux pour qu’ils bénéficient d’un contexte de travail privilégié pour leurs créations. Avec l’arrivée de la crise sanitaire, de nombreuses activités ont été interrompues. Comment les résidents ont-ils été affectés par la pandémie ?
Une résidence est un lieu accueillant plusieurs artistes pour qu’ils puissent effectuer un travail artistique ou de recherche. La création est facilitée grâce à la mise à disposition de différents espaces, d’un lieu de vie, de moyens financiers, techniques, et humains. Cependant, les résidences ont été affectées par la crise du coronavirus. Activités interrompues, départs d’artistes : 2020 était une année blanche pour ces espaces culturels.
Pourquoi aller en résidence ?
Pour un artiste, son pensionnat dans une résidence est une sorte de retraite, où il peut entièrement se consacrer à son projet artistique. L’écrivain Anne-James Chaton, pensionnaire à la Villa Médicis, a décidé de retourner dans une résidence cette année : « Il y a une dizaine d’années, j’ai effectué une résidence longue au Japon, où j’ai pu constater que mon travail avait grandement avancé. Quand un artiste est en résidence, les conditions temporelles lentes mettent en place des processus de travail pour toutes les années futures ». Selon lui, « les résidences permettent à l’artiste d’être dans les meilleures conditions possibles pour développer son projet. Nous sommes pris en charge et rémunérés pour exercer notre art ».
Avec du temps, de l’espace et des outils, les artistes bénéficient d’un contexte de travail privilégié pour leur recherche en matière de création, de production et de transmission de leurs oeuvres, sans qu’il y ait obligation de résultat après leur pension.
La Villa Kujoyama, première résidence artistique à voir le jour au Japon accueillant une vingtaine de créateurs par an, est fière d’être un lieu de rencontre et d’échanges entre la France et le Japon. La directrice de la villa, Charlotte Fouchet-Ishii nous explique que « lors du processus de sélection, le jury porte une attention particulière au profil du candidat, la qualité de son parcours artistique mais également dans le cadre de sa recherche, la nécessité pour lui de venir au Japon et sa capacité à interagir avec les interlocuteurs Japonais ».
Pour devenir résident, le candidat doit élaborer un dossier comportant son curriculum vitae, une déclaration expliquant sa démarche créative, les procédés et techniques employés, son portfolio montrant des oeuvres réalisées lors des cinq dernières années, et une note d’intention relative au projet en résidence. Lorsque tous ces documents sont envoyés, le jury examinera chaque profil, et « les lauréats de la Villa Kujoyama sont sélectionnés pour la pertinence du projet », souligne Charlotte Fouchet-Ishii.
Comment la résidence peut-elle permettre à l’artiste de métamorphoser son art ?
Au sein d’une résidence, la diversité des pratiques artistiques est foisonnante. Dessinateurs, peintres, photographes, écrivains et compositeurs se rencontrent. Les projets évoluent, s’affirment, se réorientent au fil des échanges qui naissent pendant leur pension.
Les pensionnaires d’une résidence vivent tous ensemble, les uns à côté des autres. La cohabitation leur permet à chacun de s’inspirer du travail des autres. Mais, de nombreux artistes décident également de travailler à plusieurs sur un projet, mêlant plusieurs formes artistiques. Ces échanges sont révélateurs de la nature de la résidence : l’artiste commence sa pension avec un projet, mais au fur et à mesure de l’année, il évolue et se métamorphose grâce à des rencontres et des découvertes.
Mais les projets des artistes n’évoluent pas uniquement grâce aux échanges avec autrui. Un dialogue s’engage entre le créateur, à travers son art et son environnement. Le concept de la résidence, avec la domiciliation temporaire et le lien à l’habitat, rapproche souvent l'artiste du territoire sur lequel il se trouve. Charlotte Fouchet-Ishii nous explique que « la Villa Kujoyama a tissé depuis 1992, un magnifique réseau au Japon au service des projets des lauréats. Parallèlement, l’ouverture vers des partenariats tous secteurs confondus au Japon, en France et à l'international permet de faire rayonner les œuvres - qui naissent parfois quelques années après le temps de résidence. Une des missions du programme de la Villa est d'être là pour les artistes, leur faciliter la compréhension des cultures japonaises, de leur donner la première clef qui leur permettra d'ouvrir les autres portes pour y développer une démarche ou une collaboration artistique forte ».
Une ode à la solitude
La sensibilité des artistes est directement mise au service de leur travail. Malgré la crise sanitaire qui a pu être un véritable coup de massue, ils continuent de travailler. Secoués et troublés, les pensionnaires se sont, progressivement, recentrés sur leur travail, en prenant en compte l’actualité et les souffrances de la société.
Pour Anne-James Chaton, la crise sanitaire est l’occasion de se concentrer davantage sur son projet : « Avec la nature de mon travail étant de l’écriture, je suis moins impacté par la crise sanitaire. Mais les cinéastes, chercheurs ou historiens de l’art qui ont besoin d’une interaction importante avec autrui ont été freinés à cause de la pandémie. De mon côté, il est certain que la Covid-19 m’oblige d’annuler tous mes déplacements, qui auraient pu nourrir mon travail. Le contexte sanitaire va m’obliger à me concentrer davantage sur mon écriture, dans la géographie de la Villa Médicis ».
Depuis l’arrivée de la crise sanitaire, de nombreux artistes ont eu l’impression de vivre un confinement au sein d’un autre. Les pensionnaires prennent plaisir à rester dans les murs de la résidence les accueillant. Ils ont des conditions de travail inédites, parfaitement adaptées à leurs activités. Ce temps de confinement leur a également permis de produire de nouveaux contenus qu’ils n’auraient peut-être jamais eu le temps de faire.
Comment la pandémie a-t-elle affecté les résidences ?
Cependant, la pandémie n’a pas eu le même effet sur les résidences. Pour la Villa Kujoyama, ce temps d’arrêt était un véritable défi pour continuer de faire vivre l’institution. Le « départ précipité de six lauréats après six semaines de résidence », explique Charlotte Fouchet-Ishii, a bouleversé le programme annuel de la Villa. Le lieu a décidé d’ouvrir ses portes aux artistes locaux pour des séances de travail et de répétition, de « consolider certaines actions avec des partenaires et de lancer diverses initiatives comme AIR on air, Open studios en ligne, et de repenser certains projets porteurs comme le festival ¡Viva Villa! organisé avec la Villa Médicis et la Casa de Velázquez qui passe en biennale, et le lancement d’une résidence curatoriale croisée », ajoute la directrice. « Certains anciens vous diront, que la situation géographique de la Villa Kujoyama surplombant la ville de Kyoto - et pourtant seulement à 10 minutes du centre-ville en métro - et son architecture peuvent inciter à un auto-confinement et pour d’autres, une ouverture sur la ville ! ».
Pandémie mondiale, confinements volontaires ou non, chacun a ressenti différemment les effets de la crise sanitaire. Cependant, cette période sombre pour le secteur culturel rappelle combien ces lieux et leurs résidents sont essentiels pour les arts et leur transmission.