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CINEMA - Saga Sagan : trois notes de petite musique

Diane Kurys s'attaque à un mythe et met en scène Françoise Sagan, enfant chérie de la littérature française de la fin des années cinquante. Sa bande, ses frasques et ses amours reprennent vie dans une réalisation un peu plate mais sauvée par l'interprétation de Sylvie Testud

C'est sur les épaules de Sylvie Testud que repose un film beaucoup plus sage que son inspiratrice (photo AFP)

Attention, rôle à César, rôle à facettes, rôle performance ! Après Piaf-Cotillard, le cinéma français salue Sagan-Testud du nouveau film de Diane Kurys.
C'est le Prix des Critiques qui a tout déclenché, à partir de là, ça a été la corrida... En 1954, il est attribué à une toute jeune femme de 18 ans pour Bonjour tristesse. Le roman s'arrache. La légende Sagan est née, échevelée et noctambule, fraîche et scandaleuse, pieds nus au volant de voitures de sport : un charmant petit monstre. Le personnage intrigue et fascine. C'est un réel plaisir de spectateur de faire un peu mieux sa connaissance.
Autour d'elle, s'agite un microcosme fantasque et marginal, mené par le piquant Chazot ou par la très chic Peggy Roche. Entre deux livres, deux fêtes, deux casinos, leurs amours-amitiés fidèles rassurent l'écrivain, terrifiée par la solitude. Le phénomène littéraire se veut avant tout libre. Libre d'aimer hommes ou femmes, de claquer des fortunes ou de s'abîmer dans l'alcool et la drogue. Il y a un souffle dans sa biographie, une intelligence et des failles qu'épouse avec talent son interprète. Au rythme particulier du phrasé de son modèle (qu'elle réinvente plus qu'elle n'imite), Sylvie Testud impose sa Sagan d'un regard sous la mèche ou d'une caresse furtive à sa nuque.

Sage Sagan
Diane Kurys n'a sans doute jamais prétendu révolutionner le langage cinématographique et un certain classicisme sied parfois fort bien au genre qu'elle défend. Ce parti pris linéaire et panoramique sur l'ensemble d'une vie n'est pourtant pas simple à tenir. Il condamne à une vision de surface que n'approfondit par vraiment l'abondance de citation en voix off. Aux frontières du téléfilm, la neutralité de la caméra évite certes la grandiloquence mais court-circuite aussi l'émotion. Il est beaucoup question, chez Sagan et ceux qui l'entourent, de vivacité d'esprit, de réparties brillantes maquillant la douleur de mondanités. Malgré quelques scènes réussies, les dialogues peinent dans l'ensemble, à en restituer le mordant.
Rien d'éblouissant donc, même si Sagan est une jolie occasion d'admirer des beaux travaux d'acteurs (Jeanne Balibar en Peggy Roche est, elle aussi, formidable) et de passer deux heures avec une femme hors norme. Quant à la fameuse petite musique, mieux vaut la chercher dans la plus proche librairie.
Jean-Marc JACOB. (www.lepetitjournal.com) mardi 17 juin 2008

Sagan, Diane Kurys (1h57) avec Sylvie Testud, Pierre Palmade, Lionel Abelanski, Jeanne Balibar ...
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